Transports : « Clou rouillé » et « ticket rouge » pour tous
Et de deux ! Après Toulon en 2009, déjà honorée l’année précédente du « Ticket rouge » de la fédération nationale des usagers des transports, Marseille et sa communauté urbaine ont été récompensées en 2013 du « Clou rouillé ». Un hommage de la fédération française des usagers de la bicyclette à leurs aménagements cyclables et à leur tendance à « privilégier le tout voiture ».
Mais il n’y a pas que les amoureux du vélo et des tramways à faire ce constat, très partagé dans la région. Dans une étude de 2011 (1), la très sérieuse Insee note qu’en Paca les actifs utilisent plus leur véhicules personnel en ville pour les déplacements pendulaires : 48 % à Nice, plus de 50 % à Marseille, 56 % à Toulon, contre seulement un tiers à Lyon et Bordeaux. La cause ? Des transports en commun sous-dimensionnés et mal fichus. Exemple de Marseille : « 90 % à 95 % de la population est à moins de 200 m d’un arrêt de bus. Mais s’il faut l’attendre une demi-heure, ça ne sert à rien », bougonne un cadre de Marseille Provence Métropole (MPM). Et de tacler : « Alors que Marseille et Lyon ont été équipées en métros la même année, 1976-1977, Lyon en est à sa cinquième ligne et à la quatrième de tram ! » Contre deux et deux pour Marseille. Sans oublier un réseau cyclable quatre à cinq fois moins important : 475 km pour la première, environ 100 km pour la seconde (2). Dont certainement le tronçon le plus petit du monde, 18 m à deux pas du Vieux Port !
Cancres hexagonaux
Si les comparaisons nationales ne sont pas très flatteuses pour les villes de Paca – l’Insee relève également que la part des actifs utilisant les transports en commun « n’est que de 18 % à Nice en 2007 (27 % à Nantes), 16 % à Toulon (30 % à Grenoble) et 10 % à Avignon (15 % à Poitiers) » – les responsables politiques n’y sont pas étrangers. Les transports n’ont jamais été leur priorité. En tout cas jusqu’à très récemment. A Manosque (04), qui affiche 2 km de réseau cyclable et 4 lignes de bus, la municipalité UMP a pris un tournant en 2009, année où elle a décidé la gratuité de ses transports en commun, à l’instar d’Aubagne (13) et de Gap (05). Depuis, elle assure travailler à les remplir d’actifs. « On réfléchit à leur ouvrir les transports scolaires et à mettre en place des lignes virtuelles pour les zones rurales, qui se déclenchent lorsqu’il y a de la demande », explique Laurent Dufour, directeur de cabinet du maire.
Une initiative presque isolée. A Marseille et Toulon, les plans de déplacements urbains sont restés au stade des bonnes intentions (3). Programmé dans le PDU de 2005 de la métropole varoise, le tramway est toujours dans les cartons. Hubert Falco, sénateur-maire UMP de la ville, lui a préféré un second tunnel routier. « La seule demande de subvention transports collectifs dans le cadre du Grenelle de l’environnement a été faite pour la modernisation du téléphérique du Mont Faron », grince Valentin Gies, militant PS et président du collectif Tramway.
Mauvais plan
A Marseille, le bilan du PDU de 2006 est tout aussi glorieux. A part le tram qui double le métro et quelques parkings relais trop petits, il n’y a pas eu de révolution. « Alors qu’en centre ville 71 % des déplacements se font à pied, 85 % de la surface des rues est encore réservée à la voiture. Pour faire des aménagements cyclables, obligatoires dans les requalifications de voirie, on prend sur les espaces piétons », dénonce Cyril Pimentel, du collectif Vélos en ville. Le nouveau plan, voté en juin 2013, semble tout aussi prometteur. « L’adéquation entre les moyens d’action proposés […] et ses objectifs est loin d’être démontrée », s’étouffent ainsi les services de l’Etat dans leur avis.
« Le PDU est sincère et il est là », tempère Marie-Louise Lota, adjointe aux transports de l’UMP Jean-Claude Gaudin à la mairie et vice-présidente avec la même casquette du PS Eugène Caselli à la communauté urbaine. Résolument « optimiste », l’élue préfère voir le verre un tout petit peu rempli que complètement vide et insiste sur les « améliorations », l’ouverture de lignes de « bus à haut niveau de service » ou encore « du tram rue de Rome ». Tout en reconnaissant, quand même, que Marseille « subit la frilosité de strates d’élus ».
En privilégiant l’étalement urbain à la densification, nos élus se sont tirés une balle dans le pied. « Plus on repousse les gens loin, plus les transports en commun coûtent cher », rappelle Valentin Gies. « Une des explications est le clientélisme, tranche de son côté Cyril Pimentel. Si les élus touchent à la bagnole, ils touchent leur électorat. » Ils ne sont pas si mesquins…
Jean-François Poupelin