Roms : les Valls hésitations de la gauche
Ce jour-là, il neige sur Martigues (13). Et même si les flocons ne tiennent pas, le froid n’en est pas moins mordant. Dans cette petite maison cachée par la végétation, on se serre autour du poêle. Là, depuis mai, vit une quarantaine de Roms qui se méfient à chaque nouvelle tête. Car, si un comité de soutien leur apporte vêtements et provisions, ils ont aussi eu la visite d’un type se faisant passer, avec arme et insigne, pour un policier hésitant entre insultes et menaces. Gina accepte de nous parler : « On est venu ici après avoir été chassé de Lamanon. Mais il n’y a que quelques familles. On veut rester ici, à Martigues. Nos enfants vont à l’école. Et on espère que la mairie va nous aider. Mais on a peur d’être expulsés. »
La mairie, quoique communiste, est loin d’être à l’aise (1) C’est le député-maire lui-même, Gaby Charroux, qui a prévenu l’Etat – de fait, la DREAL (2), propriétaire des lieux – de la présence de « squatteurs ». Et si, d’après Maritima, lors d’un conseil de quartier, il s’est dit favorable au relogement de ces familles, il a précisé : « Je m’opposerai de toutes mes forces à ce que ces personnes soient relogées dans des appartements réservés aux Martégaux. » Lors de cette réunion, le maire s’est même dit prêt à se substituer à l’Etat pour raser les deux maisons de la Dreal… alors qu’une seule est occupée ! Une délibération que le conseil municipal a votée, à une abstention près, comme un seul homme.
Manque de courage
Pourtant, la municipalité a nommé une médiatrice et accepté, après mobilisation, la scolarisation des enfants ou le raccordement à l’eau. Mieux ! Fin novembre, la ville a accueilli la première rencontre des collectifs de soutien aux Roms du Sud. Pour Georges Fournier, du collectif martégal, « la mairie manque de courage. Au début, elle nous a presque reproché d’avoir créé un comité, de peur que cela se sache ! Peut-être est-ce parce que c’est la première vraie campagne municipale de Gaby Charroux ? Pourtant, il semble favorable à ce que les Roms bénéficient d’un sursis jusqu’à la fin de l’année scolaire. D’ici là, les élections seront passées… »
Didier Bonnel, du collectif de Gardanne (13), se souvient que « lorsque les Roms sont arrivés, il a fallu notre mobilisation et un week-end pour que le maire (Roger Meï, PCF), accepte de les recevoir puis de les accueillir. On a d’ailleurs eu un nouveau bras de fer quand il a voulu expulser les "surnuméraires". Mais, après leur départ et malgré des débuts hésitants, le maire a vite compris qu’il fallait assumer ce choix qui était celui de l’accueil ».
Un choix qu’il revendique et qui lui permet, notent certains, une maîtrise comptable de la population accueillie : « A Gardanne, on a fait le choix de la solidarité. On accueille une douzaine de familles. Un contrat a été passé avec chacun. Notamment sur la scolarisation. Et ça se passe bien. Ici, vous n’aurez pas d’affaire Leonarda », nous assure Roger Meï. Didier Bonnel opine du chef : « Si chaque ville accueillait une ou deux familles, il n’y aurait plus de problème. Mais, quand on a demandé aux communes alentour, pas une n’a accepté. Pourtant, accueillir comme à Gardanne coûte trois fois moins cher qu’expulser systématiquement comme à Aix. »
Mi-chèvre mi-chou
Ce qui ne surprend guère Alain Fourest de « Rencontres Tsiganes » : « A l’exception de Gardanne, les mairies de gauche sont, au mieux, dans une posture mi-chèvre mi-chou qui consiste, officiellement, à être contre l’accueil mais, officieusement, à être prêt à aider au cas par cas. Leur credo, c’est éviter la médiatisation et dire que ce n’est pas à eux mais à l’Etat de régler la question. Reste qu’un maire qui parle de relogement, c’est déjà considérable. Car, aujourd’hui, même à gauche, on se gêne plus pour dire qu’on ne veut pas des Roms ! »
La liste est longue : Samia Ghali (Sénatrice maire PS), Christophe Masse (Conseiller général PS)… Dernier en date ? Le maire « divers gauche » d’Istres, François Bernardini qui, dans son texte « Quand humanisme rime avec angélisme », estime que le ministre de l’Intérieur emploie, à l’égard des Roms, des « mots pudiques ». Et de fustiger les quelques Roms qui « viennent en train pour traîner dans nos rues, pour chaparder dans nos maisons. » Peut-être seront-ils cette année un peu plus nombreux. Car, le 17 décembre, le tribunal d’instance de Martigues a ordonné l’expulsion immédiate des Roms. On doit appeler ça l’esprit de Noël…
Sébastien Boistel
1) Ni le député-maire ni son entourage n’ont répondus à nos demandes d’entretiens dans les délais indiqués avant notre bouclage.
2) La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.