Quand les fachos sortent leur crayon
Quelques mois après la tuerie de Charlie, nous voilà au forum mondial des médias libres (le Ravi n°128, avril 2015) à discuter droit à la caricature avec… un dessinateur qui, au « concours international de dessins de l’Holocauste » à Téhéran, est arrivé ex-æquo avec Chard, dessinatrice pour Rivarol ou Présent !
Les p’tits mickeys ne sont pas tous de gauche. A l’occasion de la conférence marseillaise d’Alain Soral, sur un stand, « L’almanach pour tous », compilation des dessins du site Égalité & Réconciliation, avec, pour mot d’ordre, « ni Vermot ni Charlie Hebdo ». Et la BD de Soral et Dieudonné mis en image par Zéon. Qui sera, lui aussi, primé lors du « Holocaust Contest ».
Au Crayon, qui a organisé (avec le Ravi) l’expo « le FN au bout du crayon », on ne connaît guère cet univers. A France Cartoons, un peu mieux : « Le concours « Holocaust Contest » est né en réaction aux caricatures de Mahomet, l’édition de 2015 n’étant ni plus ni moins qu’une provocation après ce qui s’était passé à Charlie. Et l’on s’est rendu compte qu’y a participé Bernard Bouton, le président de la FECO, l’association internationale de dessinateurs de presse à laquelle on était affilié. On a donc demandé sa démission, et, comme ça n’a pas suffi, on a monté France Cartoons », note le président, Pierre Ballouhey, qui connaît bien le Ravi et le festival international de presse et de la caricature de l’Estaque à Marseille.
Remarque de Guillaume Doizy, animateur du site Caricatures & Caricature : « si l’on voit aujourd’hui le dessin comme vecteur de liberté et de démocratie, c’est oublier qu’il est utilisé par tous les bords. Certes, les caricatures sont nées avec la Révolution et les premiers journaux satiriques étaient républicains. Mais, à partir de 1870, monarchistes et conservateurs ont décidé de répondre avec les mêmes armes que leurs adversaires. »
Moins pour son « impact parce qu’il est assez limité » que parce que le dessin permet de « cristalliser une idée, de conforter les convaincus ». Et si la législation se veut très protectrice du droit à la caricature, « c’est plus compliqué pour l’extrême droite. Les dessinateurs de ce bord doivent se montrer aujourd’hui plus prudents que par le passé ». Même si, note le spécialiste, « ça devient compliqué pour de plus en plus de monde. Car – et c’est là la limite du genre – la caricature utilise forcément des stéréotypes et, c’est son essence, elle est là pour choquer ».
Quoique confidentiel, le dessin de presse d’extrême droite alimente donc encore la chronique judiciaire. Et de belles polémiques. Comme celle entre Fluide Glacial et Marsault, un dessinateur au trait proche de celui de Gotlib qui, après des débuts notamment chez nos confrères de Zelium, a connu une dérive ultra-droitière. S’il a annoncé récemment « s’éloigner du milieu de la BD », cela ne l’a pas empêché de faire à nouveau parler de lui à l’occasion de son procès pour… « cyber-harcèlement » envers une féministe.