Comment ne rien faire, et dire le contraire
Fin juillet, le ministre de l’équipement et des transports, Gilles de Robien, annonça sa préférence pour un tracé par l’Est de GAP de la future autoroute A51. Mais pour les représentants associatifs, comme pour certains élus, tel Didier Migaud, député PS de l’Isère, ce choix est une pure annonce électoraliste qui signifie que l’État ne fera rien ou, tout au moins, ne payera rien. Pour eux, la seule solution crédible consisterait en l’amélioration et la modernisation des voies existantes, ferroviaires et routières, délaissées depuis trop longtemps. En revanche, le passage d’une autoroute de montagne par la Vallée du Drac, la Salle-en-Beaumont et le Champsaur, est quasiment impossible à réaliser et serait contraire à une économie locale fondée sur un tourisme vert et une agriculture raisonnée. Les difficultés hydrogéologiques entraîneraient un coût prohibitif, de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros, pour le trajet du Col du Fau (au sud de Grenoble) à La Saulce (près de Gap). Or, l’État n’a plus de sous et ne veut rien payer. Le département de l’Isère quant à lui est réticent et celui des Hautes-Alpes, en cassant sa tirelire, ne propose de mettre que 50 millions d’euros dans la corbeille, ce qui ne paiera même pas la peinture pour les bandes blanches.
D’autres bonnes raisons de ne rien faire
Jusqu’à présent, l’adossement, ce système bien français, permettait de financer des portions d’autoroutes non rentables par les bénéfices des parties rentables. Mais depuis 1989, une directive européenne interdit l’adossement en stipulant que les concessions de service public et les appels d’offre ne peuvent dorénavant concerner que les ouvrages rentables par eux-mêmes. Pour les autoroutes, la rentabilité est estimée atteinte à partir d’un « trafic moyen journalier annuel” (TMJA) de 25.000 véhicules par jour. Or, les projections, vérifiées par les Ponts & Chaussées, ont montré qu’à l’horizon 2025, le TMJA d’une autoroute A.51 achevée ne dépassera pas 10.000 véhicules par jour. Il peut exceptionnellement être dérogé à l’exigence de rentabilité, si l’intérêt public de l’ouvrage est démontré et si la personne publique porteuse du projet s’engage à compenser financièrement, par des subventions d’équilibre, le manque de rentabilité que devrait subir le concessionnaire. C’est donc une possibilité pour l’achèvement de l’A51. Mais le Conseil d’État veille. Il lui arrive de censurer les fausses allégations d’intérêt public. C’est ainsi que fut annulée, pour insuffisance de rentabilité socio-économique, la Déclaration d’Utilité Publique du projet d’autoroute A.400, dite « Transchablaisienne », de Thonon à la frontière suisse.
Bien plus, pour que cette autoroute remplisse son rôle d’axe alternatif à la Vallée du Rhône, il faudrait parallèlement lui adjoindre d’autres réalisations : l’autoroute A.48 Ambérieu-Bourgoin-Grenoble (subvention d’équilibre : de 356 à 468 millions d’euros), un nouveau contournement autoroutier de Grenoble, appelé la traversée Nord-Sud (1,5 milliard d’euros), l’autoroute A.510 Cadarache-Saint Maximin (230 millions d’euros) et, peut-être, un nouveau contournement autoroutier d’Aix-en-Provence. La douloureuse pourrait alors atteindre 5 à 6 milliards d’euros, et l’État n’a plus un sous.
De plus, faire du système A.48 + A.51 un contournement de Lyon et un système de délestage routier de la Vallée du Rhône pourrait être remis en cause pour des raisons écologiques. En effet, l’Europe vient de faire savoir que, dans le cadre des procédures Natura 2000, des espèces en protection absolue et indéplaçables ont été repérées sur les trajets potentiels de l’A.48, ce qui interdirait toute construction autoroutière en ces lieux.
Double discours
Ainsi, en prétendant hypocritement faire le choix d’une autoroute par l’Est de Gap, l’État se prépare à ne rien faire du tout et, surtout, à ne rien dépenser pour l’amélioration et la modernisation des réseaux ferroviaires et routiers existants. Amélioration et modernisation qui sont depuis plus de vingt ans des revendications majeures et récurrentes des populations du territoire.
Gageons que tout cela sera renvoyé à la régionalisation, à venir, des routes nationales et du trafic ferroviaire autre que réputé rentable, c’est-à-dire autre que les relations TGV. l’État laissant, alors, les collectivités territoriales libres de projeter les ouvrages qu’elles voudraient … avec leur argent … sans aide de l’État.
jg