L’armée ubérisée
Ils sont devenus, depuis 2015 et les attentats, un élément familier du paysage urbain : les militaires de Sentinelle qui patrouillent, arme au poing, à longueur de journée. L’enquête de Justine Brabant et Leïla Miñano débute en donnant un visage et une voix à ces jeunes recrutés par milliers afin, à moindre frais, d’effectuer des missions de police pour rassurer une opinion publique en manque de sécurité. L’armée française leur a fait miroiter, à grand renfort de campagnes de pub lyriques, l’aventure. Ils se retrouvent exploités, sous payés, mal logés, à tuer l’ennui dans un job précaire et absurde. Le pire, pour certains, est à suivre : des missions au Mali ou en Centrafrique, sans véritable entraînement préalable. Et les victimes de l’appareil militaire de se transformer parfois en bourreaux des populations civiles qu’ils sont censés être venus protéger… D’autres échouent devant d’opaques tribunaux militaires. Les deux journalistes – Leïla Miñano avait déjà signé La Guerre invisible, un solide essai d’investigation sur les violences sexuelles dans l’armée française – documentent avec rigueur les dérives d’une institution qui gère désormais ses soldats comme une entreprise ubérisée. Mais où revendiquer ses droits est toujours passible de prison…
Mauvaise troupe, « la dérive des jeunes recrues de l’armée française », par Justine Brabant et Leïla Miñano, éditions Les Arènes, 237 pages, 17 euros.