« Les poissons ne votent pas ! »
8h27
A couteaux tirés depuis la désignation de Karim Zeribi comme tête de liste EELV pour 2014, Sébastien Barles et le président de la RTM s’enlacent néanmoins pour la photo. Jean-Claude Gaudin semble apprécier ce début de campagne : du haut de sa tribune, il sourit les mains sur son ventre, ravi.
8h33
Avé l’accent, le sénateur-maire UMP annonce un bouleversement de l’ordre du jour : « Il y aura d’abord un débat d’une heure sur le rapport de la chambre régionale des comptes. » Un bilan particulièrement salé de sa gestion, et largement commenté, qui lui a plombé la rentrée.
8h34
Président du groupe PS, Félix Weygand et ses petites lunettes sonnent (doucement) la charge : « Il n’y a rien de répréhensible. » Applaudissements à droite.
8h50
« Ville vendue aux promoteurs et banques », « pauvres obligés de quitter la ville », etc. Le communiste Jean-Marc Coppola ressort les orgues de Staline. La droite hurle, Nora Preziosi, adjointe à la famille, multiplie les invectives en lançant des clins d’œil à la presse.
8h54
Karim Zeribi attaque son intervention. Yves Moraine, président du groupe UMP, rigole : « On dirait Barles ! »
9h02
Place à la défense, « pour rétablir un peu la vérité », annonce Jean-Claude Gaudin. Jean-Louis Tourret, adjoint aux Finances, et Colette Babouchian, déléguée aux crèches, sont envoyés au front.
9h12
Samia Ghali, Christophe Masse et Eugène Caselli, tous candidats à la primaire socialiste, profitent d’une pause IPad de Patrick Mennucci, autre prétendant, pour comploter.
9h24
« Nous arrivons au terme de ce débat », annonce Jean-Claude Gaudin. Visage fermé et regard noir, le sénateur-maire reprend les éléments de langage distillés par sa majorité en tapant sur son bureau : « La CRC sort de son rôle en critiquant l’opportunité d’une politique », elle a une « vision partiale », « les médias prennent les accusations mais pas les éléments que nous donnons, c’est ce qu’on appelle la liberté de la presse ! »
9h48
Les conciliabules se poursuivent : Patrick Mennucci et Sébastien Barles s’éclipsent ensemble.
10h39
« Parlez-moi d’amour », chantonne le sénateur-maire UMP de Marseille en donnant la parole au communiste Christian Pellicani, à propos d’un projet d’aquarium et de technopole de la mer à l’Estaque (délibération 30). Jean-Claude Gaudin taquine ensuite Michèle Poncet-Ramade, présidente du groupe écolo, qui dénonce un « projet coûteux, qui n’est ni une priorité, ni une urgence » : « Les poissons ne votent pas ! »
11h00
Les élus se promènent dans l’hémicycle. A l’exception de Bruno Gilles, sénateur-maire UMP des 4e et 5e arrondissements et secrétaire départemental de l’UMP, qui tient audience.
11h22
Depuis de longues minutes, Valérie Boyer, députée UMP et ajointe au Grand projet de ville, teste des slogans de campagne : « Marseille ville courageuse », « Marseille ville du partage ». Plutôt savoureux venant d’une élue qui envoyait des tweet cet été sur le droit du sol en plagiant Jean-Marie Le Pen…
11h35
Annonce de Félix Weygand : « J’interviens en mon nom et au nom d’Eugène Caselli, qui nous a quittés. » Rires, à droite comme à gauche.
11h46
Sébastien Barles demande la parole. Jean-Claude Gaudin la lui offre de mauvais cœur : « Allez, tirez la charrue. » L’écolo attaque : « Vous avez retiré le bilan du périmètre de rénovation immobilière du centre ville », autre rapport de la CRC tout aussi croustillant. Le maire, bougon : « Ca n’est pas pour en parler ! » Sébastien Barles insiste, accuse de « chasse aux pauvres », de « fracture sociale », de « centre oublié ». « Tout ce que vous dites est excessif », contre Jean-Claude Gaudin avant de « rétablir un peu la vérité ». Enfin, la sienne.
12h00
Autre sujet qui fâche, la vente d’un espace public, boulevard de la Corderie, au groupe Vinci pour un projet immobilier (délibération 118). Christian Pellicani (PCF) puis Patrick Mennucci (PS) tirent à boulets rouges : cadeau de 1 million d’euros au promoteur, vente de gré à gré, etc. « Absence de logements sociaux », insiste le socialiste. Un temps silencieuse, la majorité explose avec le FN : « Tant mieux ! »
12h16
Patrick Mennucci est sous le feu de l’UMP. « Vous avez l’obsession des HLM pour pouvoir les distribuer, vous êtes un homme politique d’il y a 50 ans ! », accuse le sénateur-maire, qui laisse finalement Dominique Tian, député UMP des confortables 6e et 8e arrondissements, « rétablir un peu la vérité ». Un cadeau de campagne : le dandy très droite populaire a décidé d’affronter le socialiste sur ses terres en 2014.
12h29
« Monsieur le maire est visionnaire en matière d’énergies renouvelables, Marseille fait la course en tête, c’est une capitale ! », exulte Hélène Venturino, déléguée aux énergies renouvelables. L’opération de déminage lancée contre le rapport de la CRC vire à la farce.
12h45
Attendu pour la conférence de rédaction, le grand reporter du Ravi range cahiers et stylos et quitte la séance.
12h47 Mardi 8 octobre, 11h37. Ecran figé sur le visage de Jean-Claude Gaudin, mains jointes sur le ventre. La vidéo du conseil municipal indique 12h47 la veille. Play. La voix de Garo Hovsépian, maire PS des 13e et 14e arrondissements et fidèle de la sulfureuse Sylvie Andrieux, monte en hors-champ.
13h01
Opération déminage toujours. A l’occasion de la délibération 158, « réhabilitation du groupe scolaire des Caillos », Jean-Claude Gaudin offre dix bonnes minutes à la blonde platine Danièle Casanova, adjointe à l’éducation.
13h16
Coup d’accélération de Jean-Claude Gaudin. Les dossiers roses succèdent aux bleus. Les conversations se multiplient à droite. Pas à gauche, dont les bancs sont quasiment vides.
13h24
Rapport 340. Il met au vote l’achat d’un immeuble au groupe Eiffage (15 millions d’euros) en état futur d’achèvement. Patrick Mennucci et sa grosse voix : « A 200 mètres, la ville est propriétaire d’un terrain, qui nous mettrait le bâtiment à 1800 euros le m2 au lieu de 3200 euros. » La majorité se déchaîne. Gros plan sur le député-maire des 1/7, indifférent : « Nous voulons une discussion, il n’est pas sûr que la majorité soit reconduite… » Rires hors-champ.
13h29
Bien qu’impatient d’en finir, Jean-Claude Gaudin offre généreusement « une minute [à] madame Poncet-Ramade ». « Je n’ai pas besoin de plus pour dire que ça ressemble à une subvention déguisée à Eiffage et la BNP », tacle l’écolo en 6 secondes.
13h35
Un dernier tas de rapports expédié, Jean-Claude Gaudin souffle en gros plan : « L’ordre du jour est épuisé, nous ferons une prochaine séance du conseil municipal le 9 décembre. La séance est levée. » Ecran noir, fin de la rediffusion.
Jean-François Poupelin