Une gestion « Trets » particulière
De l’ail, des courges, quelques tables, un chanteur et un château gonflable : c’est jour de fête à Trets, petite bourgade de la banlieue aixoise, où la « confrérie des chevaliers de l’Aïet » invite à déguster l’aïoli. Mais, ces derniers temps, l’ex « capitale provençale de la culture », qui joue désormais la carte de la gastronomie, défraye la chronique sur un autre registre.
Surgissent en effet régulièrement sur les murs des inscriptions qui ciblent le maire LR Jean-Claude Féraud et son entourage. En des termes, pour celui qui émarge aussi au département et à la métropole, peu amènes : « menteur », « favoritisme ». Et, face à des « marchés publics truqués », le « corbeau » comme le surnomme le maire, en appelle à la presse locale et à Anticor, l’association contre la corruption.
Un « régime de peur »
Quand La Provence dresse le portrait de celui qui, radiologue et propriétaire du domaine viticole de l’Anticaille, accède enfin au fauteuil occupé jadis par son père, l’article interroge d’emblée son côté « colérique ». Ce dont s’est rendue compte l’opposante Stéphanie Fayolle en voyant le maire l’attaquer en « diffamation » pour avoir déclaré en conseil municipal : « Nous n’avons pas la même conception de la rigueur. Quand on glisse une bouteille de l’Anticaille dans le colis des seniors, j’appelle ça un conflit d’intérêts. Et quand on nomme à la mairie le fils d’une adjointe à un poste de délégué de service, j’appelle ça du népotisme. » Sourire de l’élue : « J’ai été relaxée. Parce que ce que j’avançais était vrai. Le maire a d’ailleurs dû payer 1000 euros pour procédure abusive. »
Espérons que ses vins soient moins raides que la gestion des cantines. À la rentrée 2018, sur la foi d’une « note de service », les enfants non inscrits – ou ceux pour qui il semblait y avoir un problème de paiement – se sont vus servir un « repas froid » : une tartine de fromage et une pomme ! L’affaire fait grand bruit et si le maire finit par dire qu’il « regrette », il glisse à la radio : « La première chose quand on fait des enfants, c’est de s’en occuper. »
En parallèle, un agent – par ailleurs élu au CHSCT (Comité d’hygiène et de sécurité…) – qui avait refusé d’appliquer ce régime singulier – ne verra pas, après six ans de service, son poste renouvelé. S’il n’a pas eu gain de cause en référé, il a décidé de contester cette décision devant le tribunal administratif. Quant à son chef de service, lui qui avait quitté le Luc-en-Provence « parce que la mairie avait basculé FN », il vient de partir au bout de quatre ans.
La CGT n’y va pas par quatre chemins : « Stop à la répression ! » Comme elle l’écrit dans son dernier tract : « Depuis de nombreuses années, les conditions de travail des agents de la communes de Trets ne cessent de se dégrader. Les agents souffrent et ne libèrent plus leur parole. Les sanctions sont monnaie courante. » Et d’évoquer carrément un « régime de peur » ! Ce que développe, noir sur blanc, le fameux « corbeau ».
Plainte pour « agression »
« DST en danger », écrit-il sur les murs des services techniques, s’inquiétant du sort du directeur. En deux mandats, plus d’une dizaine de fonctionnaires se sont succédés à ce poste. Un bras de fer s’est engagé entre la mairie et le dernier directeur à avoir occupé ce poste. Embauché pour un an en février mais licencié au bout de quatre mois, il conteste son limogeage et a été jusqu’à porter plainte pour « agression » : le maire l’aurait empêché physiquement d’accéder à une réunion. Des faits niés par l’élu dans La Marseillaise, la CGT, elle, assénant : « Trets n’est pas une monarchie dirigée par un petit roi ayant pouvoir de vie ou de mort sur ses sujets. » C’est toutefois, depuis cet été, une municipalité qui a décidé purement et simplement de supprimer le poste de Directeur des services techniques ! Mais cela ne semble pas avoir simplifié la gestion du service. Ainsi, en ce moment, c’est, en attestent courriers et « plaintes », entre le maire et le ferronnier de la ville que le torchon brûle.
Autre point chaud : la police municipale. Un sujet déjà évoqué, comme s’en est fait écho la presse locale, lors de précédents conseils, l’opposition s’interrogeant sur la gestion et le « turn-over » dans ce service. Là encore, un agent, actuellement en maladie, se retrouve, après avoir été, dixit la CGT « rétrogradé » et « muté dans un placard (ou plutôt un couloir) », à devoir saisir la justice administrative mais également porter plainte pour « harcèlement moral ». Une situation que ne peut ignorer le centre de gestion de la fonction publique territoriale puisque son président, le maire de Mimet Georges Cristiani a été alerté – comme sur la situation d’autres agents à Trets – en commission paritaire.
Contactée, la mairie se refuse à tout commentaire : « Dans la mesure où les dossiers de certains agents font l’objet d’un contentieux, le maire, nous dicte sa secrétaire, ne souhaite pas s’exprimer durant la procédure. » Mais, avec les municipales et alors que la majorité, depuis 2014, a déjà connu une demi-douzaine de défections, le vernis craque. Certains ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Si, à Trets, les murs ont la langue bien pendue, ils semblent aussi avoir des oreilles (lire ci-contre). En attendant, le « corbeau » a encore frappé. À nouveau sur les murs des services techniques : « agents en danger », « harcèlement moral », « faut-il un suicide ? »…