« Le FN n’est pas d’extrême droite »
Jean-Claude Gaudin, 74 ans, postule à un 4ème mandat. Ce n’est pas celui de trop après dix-huit ans d’exercice du pouvoir ?
Ce qui compte c’est le bilan, le projet et l’envie. Ou alors, il faut dire : à partir de 70 ans, on met les vieux au rencart. Je connais dans cette ville des hommes de plus de de 75 ans, qui, dans le domaine de l’entreprise, de la médecine ou de la justice, continuent à mener de très brillantes carrières. On ne trouvait pas Gaston Defferre trop vieux lorsqu’il a sollicité un dernier mandat et il avait d’ailleurs à peu près le même âge que Jean-Claude Gaudin (NDLR : 73 ans).
Patrick Mennucci, le candidat désigné par le PS, fustige l’immobilisme du maire sortant.
Le tenant de l’immobilisme, c’est Patrick Mennucci. Lui qui s’est opposé pour des raisons politiciennes à de nombreux projets comme les Terrasses du port, l’hôtel Intercontinental ou le tramway jusqu’aux Catalans.
En avril dernier, Guy Teissier, le maire UMP du 5ème secteur, martelait pourtant, lui aussi, que « tout dysfonctionne dans cette ville » et « qu’il est temps que Gaudin passe la main ». Aujourd’hui son nom circule pour présider l’agglomération si l’UMP gagne les municipales.
En politique, tout est possible. Quand vous voyez Eugène Caselli (président PS de MPM) qui dit le lundi « Patrick Mennucci ne sera jamais maire de Marseille » puis le vendredi « il faut soutenir Patrick Mennucci parce que c’est le meilleur » ! Guy Teissier était en pré-campagne lorsqu’il a fait ces déclarations. Il jouait alors son va-tout.
Le même Guy Teissier reprochait à Jean-Claude Gaudin d’avoir endetté « jusqu’aux enfants des petits enfants » des Marseillais : 1,8 milliard d’euros de dettes, 2 103 euros par habitant…
L’endettement de la ville de Marseille n’a pas augmenté depuis 1995. On a décidé de maintenir la dette en investissant. C’était un choix de développement économique.
267 millions pour la rénovation du stade Vélodrome. Il n’y avait pas plus urgent à faire ?
Afin d’avoir l’Euro 2016 en France et à Marseille, il fallait refaire le stade. Souvenons-nous que la Coupe du monde 1998 a servi de véritable booster pour le développement économique et touristique de Marseille. Mais on a fait cette rénovation dans le cadre d’un partenariat public-privé pour que ça pèse moins sur les finances de la ville.
Renaud Muselier, l’ancien premier adjoint, a récemment déclaré au Monde que Jean-Claude Gaudin n’est jamais à la mairie…
Renaud a tort. Il est bien placé pour savoir que Jean-Claude Gaudin est souvent à la mairie. J’ai d’ailleurs cru comprendre que Renaud trouvait même qu’il y était trop, qu’il voulait trop y rester… Jean-Claude Gaudin arrive à la mairie le lundi matin, à 8 heures. Il y reste jusqu’en fin de journée avant de partir à Paris. Il rentre le mercredi soir, il travaille jusqu’au samedi. Il va dans sa maison du Var seulement le samedi soir et, souvent, il rentre pour une manifestation le dimanche midi. Donc il s’occupe beaucoup plus de Marseille que Patrick Mennucci qui passe trois jours par semaine à Paris.
La chambre régionale des comptes a pointé de nombreux dysfonctionnements dans la gouvernance du personnel municipal qui, par exemple, travaille 100 heures de moins par an qu’ailleurs. Cela va-t-il changer lors du 4ème mandat ?
C’est peut-être anormal, mais c’est un héritage du passé. Si on dit aux agents, « il va falloir que vous travailliez plus », vous aurez des grèves infernales, les gosses n’iront plus à la cantine, les ordures qui ne seront pas ramassées…
Le syndicat majoritaire Force ouvrière dicte donc toujours sa politique ?
Le patron, dans le public et dans le privé, dialogue avec le syndicat qui gagne les élections : FO depuis toujours dans cette ville. Ce n’est pas Gaudin qui l’a installé, c’est Gaston Defferre. Croyez-moi, les frictions entre le maire et FO sont nombreuses et récurrentes. Il n’y a pas de cogestion. Chacun défend ses intérêts.
Jean-Claude Gaudin a proclamé qu’il n’appliquerait jamais la réforme des rythmes scolaires. Avant de reconnaître qu’il y serait bien obligé si elle est adoptée…
Nous sommes contre cette réforme. Elle ne fonctionne pas, partout où elle est appliquée. Elle est mauvaise sur le fond, elle est rejetée par tout le monde. Et pour la ville de Marseille, elle est extrêmement coûteuse. Comment on va faire pour recruter les vacataires qui vont devoir travailler une heure ou une heure et demie par jour, payés au lance-pierre ? A Paris ou dans d’autres villes où ça a été mis en place, les parents se plaignent et disent que c’est de la garderie, avec un surveillant dans la cour qui regarde les enfants, sans aucune activité d’éveil. C’est n’importe quoi.
Est-ce qu’il ne serait pas plus prudent, toutefois, de préparer la prochaine rentrée ?
Nous luttons pour que cette réforme ne soit pas appliquée.
Jean-Claude Gaudin fait partie de ces élus qui ont déjà fait une alliance avec le Front national. Ce ne sera plus le cas même s’il est donné très haut dans les sondages et, potentiellement, en position d’arbitre ?
Les choses sont claires. Pas d’alliance avec le Front national. Pourquoi voudriez vous vous allier avec quelqu’un qui n’a qu’une envie, c’est de prendre votre place ? Faudrait être débile. Mais rien ne nous interdit de parler aux électeurs du Front national et de ne pas les stigmatiser sur un plan moral. Le Front national n’est pas un parti d’extrême-droite. Il a des idées qui ne me conviennent pas, des solutions qui me paraissent mauvaises pour la France et pour ma ville. J’essaie de le démontrer pour convaincre les électeurs qui ont envie de voter pour le FN, de voter plutôt pour nous.
La fracture économique et sociale entre le Nord et le Sud de la ville est plus que jamais présente après dix-huit ans d’exercice du pouvoir. Comment faire pour la réduire les six prochaines années si vous êtes réélus ?
Qui a créé la fracture nord-sud dans cette ville ? Qui a créé des cités HLM pourries avec des logements par dizaines de milliers pour se faire une clientèle électorale ? Ce sont les socialistes. Depuis 1995, nous avons mis en place deux zones franches, développé le programme Euroméditerranée, rendu l’accès à la mer avec l’espace Mistral. Jean-Claude Gaudin a tout fait pour essayer d’estomper cette fracture.
Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Hugo Verit