Dingo m’a tuer
Ça fait plus de vingt ans que Bruno Cousin, infographiste de 53 ans, vit dans le quartier du Panier (Marseille 2ème). Vingt ans qu’il voit le bâtiment qui jouxte le sien se délabrer. Il habite au 28 montée des Accoules, son immeuble est sain mais celui du numéro 30 menace de s’effondrer. Le 26 mars dans l’après-midi, il reçoit un coup de fil pour lui annoncer l’évacuation immédiate de son immeuble. « On a cru à une blague », explique le locataire. Il découvre alors que le bâtiment en cause appartient… à la mairie de Marseille !
Ce soir là, les hôtels alentours sont remplis de congressistes sur le diabète. On propose donc à Bruno et sa compagne de dormir dans un gymnase. « Nous avons demandé s’ils plaisantaient ! », explique Bruno. Les services de la ville finissent par leur trouver une chambre à l’Ibis « budget » dans la zone commerciale de la Valentine, à l’autre bout de Marseille, où ils doivent se rendre par leurs propres moyens. L’hôtel est situé à l’opposé du lieu de travail de Bruno, basé à l’Estaque. Sa compagne, elle, travaille dans l’esthétique à domicile. Et n’a pas pu emporter tout son matériel dont elle a été obligée de racheter une partie, depuis, pour pouvoir poursuivre son activité. Le couple y reste une semaine à dîner de plats froids sur sa valise qui fait office de table basse.
Bruno ne lâche rien et insiste afin d’obtenir une chambre plus près du centre avec un parking fermé pour protéger le matériel de travail de sa compagne. Ils sont relogés depuis mi-avril dans un appartement hôtel des Citadines non loin du Parc Chanot. « Si on avait été de gentils moutons, on serait encore à l’hôtel », explique Bruno, désormais dans un 20m2 avec un coin cuisine et un petit balcon où le couple stocke ses courses de la semaine. Le grand luxe comparé à d’autres délogés. Bruno en a conscience, « mais pour la tête, on a besoin de savoir jusqu’à quand on va rester là. Je ne pensais pas que ce serait aussi angoissant de ne pas avoir de visibilité ».
La chambre leur est attribuée jusqu’à fin juin. Un expert est passé récemment dans leur immeuble et des travaux de consolidation devraient être effectués, avec un retour espéré pour l’été. « Mais on n’a aucun document papier nous le certifiant », s’inquiète Bruno. Il n’y a aucune communication entre les différents services. Et à chaque fois que l’on appelle, on nous demande de tout reprendre depuis le début, c’est épuisant. » Sa mésaventure, le graphiste la compile en mots et en photos sur son ordinateur. Il nous en imprime une copie, le titre est évocateur : « 111 appels d’urgence. Dingo m’a tuer. »