Moi, Patrick de Carolis, des racines rempotées
Nous revoilà, moi et mon pull noué autour de mon cou ! Arles ! Sur la place du marché, on parle municipales et on me questionne. Vais-je m’engager dans la campagne ? Je « le redoute » (1). Mais « le temps finit toujours par apposer son sceau sur toute chose » (2), « la vérité finira par se savoir » (2). Allez, fin du suspens : Arlésiennes, Arlésiens, je suis le maire qu’il vous faut !
Arles, « c’est ma ville ! J’y suis né, j’y ai mes racines. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de dix ans, dans le quartier de La Roquette (…) Mon bac à sable, c’était le théâtre antique, les arènes… Quand vous jouez là-dedans, forcément, à un moment ou à un autre, vous vous inventez des univers ». (3) Normal que dans la capitale de la photo, je me fasse des films. « Malgré tous les tours du monde que j’ai pu faire, j’ai toujours su que je reviendrai en Arles, c’est mon port d’attache. Mes grands-parents y sont enterrés, mes parents y sont enterrés et moi, un jour, j’y serai enterré ! » (3)
J’y ai même racheté la maison de Jean-Pierre Camoin, l’ancien maire RPR ! Comme une bande annonce subliminale… Mais causons plutôt de moi et de ma carte de presse. « J’ai gravi une à une toutes les étapes du métier : de journaliste d’information générale à journaliste politique en passant par grand reporter, rédacteur en chef, puis directeur. » (3) Qui ne se souvient pas de « Des racines et des ailes », l’émission culte que j’ai créée, pour France 3, et animée pendant 8 ans ? Le service public n’est pas mon seul amour, j’ai dirigé les programmes sur la Cinq quand Silvio Berlusconi, un progressiste, était à sa tête. J’ai y même lancé « Désir », une émission érotique. Il faut ce qu’il faut sur une TV poubelle… J’ai aussi inventé « Zone interdite » pour M6. Mais je ne suis pas qu’un as de l’audience. J’ai été aussi le biographe de Bernadette Chirac, une grande progressiste, avec Conversations, un livre injustement qualifié « d’hagiographique » par des confrères ! Les jaloux…
« Un jour, je serai enterré à Arles ! »
Ma plus grosse réussite c’est d’avoir été patron de France Télévisions sous Nicolas Sarkozy. Cinq ans à la tête de 10 000 salariés – un cinquième de la population d’Arles ! – pendant lesquels j’ai lancé France 24, la chaîne d’information internationale. Arlésiennes, Arlésiens, avouez-le : ça vous fait rêver pareil CV ? Mais dans une campagne, on prend des coups. Alors, crevons l’abcès ! Oui la justice a confirmé en appel, en avril dernier, ma condamnation pour favoritisme à cinq mois de prison avec sursis et 25 000 euros d’amende. Même pas mal ! Oui lorsque j’étais PDG de France TV, j’ai signé avec Bygmalion des contrats entachés de favoritisme, sans passer par la case appel d’offres, qui ont fait gagner jusqu’à 1,2 millions d’euros d’argent public à la boîte de com préférée de Sarkozy. Oui je ne suis pas encore élu et je suis déjà condamné. Et alors ? J’innove, je contribue à la notoriété d’Arles.
De toute façon « un segment de la vérité ne peut pas être à lui seul toute la vérité » (4). Mes casseroles ? « C’est du passé. » (5) Changeons de sujet. Mon étiquette politique ? Peu importe ! Tout est question d’opportunités. A Arles, la gauche est divisée par des luttes intestines : David Grzyb (ex PS) et ses amis ne veulent pas entendre parler du PS et du PCF. Nora Mebarek (PS) et Nicolas Koukas (PC), le dauphin du maire sortant, causent union mais peinent à la mettre en œuvre. En face, la députée LREM Monica Michel s’est déclarée candidate et la droite républicaine avec Cyril Juglaret (LR) devra faire équipe avec Louis Sayn (Divers droite). Et puis, tous devront faire face à un Rassemblement national en pleine forme ! Vous avez vu, je suis parfaitement au jus !
Plus y a de candidats, plus la partie reste ouverte. J’ai mes chances ! « En tant qu’Arlésien, il est évident que je m’intéresse à l’avenir de ma ville. » (1) Je vais présenter « un projet de rassemblement, pas étiqueté. Je ne m’inscris pas dans une logique de parti politique » (1). J’ai déjà commencé à parler avec Christian Mourisard (PS) et Erick Souque (divers droite). Attendez-vous à la grande valse des alliances. Et puis n’oubliez pas qu’Arles est une ville de retraités : presque 34 % des habitants, dix points de plus que la moyenne nationale. Mon charme « France 3-vu à la télé » ne les laissera pas indifférents…
Eux savent que Stéphane Bern n’a rien inventé ! « Des racines et des ailes » a transmis à la France entière ma passion pour l’Histoire. Elle me vient de ma ville, Arles, où « l’Histoire est à chaque coin de rue » (3). Tout comme la culture. Et homme de culture, je le suis ! La preuve : je siège à l’Académie des Beaux-arts. Vous avez vu mon beau costume avec des brins d’olivier verts et or cousus dessus ? J’ai même une épée forgée sur mesure dont le pommeau représente des ailes couronnées par la tête de l’Arlésienne. « Les artistes sont aux humains ce que les abeilles sont à la nature : ils fécondent nos vies. » (6) Comment vous dites ? Ça ne fait pas de moi un artiste ?
Pourtant, « j’aime raconter des histoires de combattantes. De femmes, qui comme les proues de bateau, n’ont pas peur d’affronter les vagues ». (3) Relisez mon roman, La dame du palatin. « Si l’on en croit Le Canard Enchaîné, je serais aussi l’auteur d’un plagiat » (5) avec plus de 170 emprunts à L’amour à Rome de Pierre Grimal. « Il y a eu un procès et j’ai été totalement blanchi par la justice parce que tous les historiens de l’Antiquité pillent Tacite, Suétone et Pline le jeune » (7) Alors pourquoi faire une exception pour de Carolis ?
Un peu de compassion s’il vous plaît. Sachez voir derrière ma prestance de grand homme, le père de famille aimant. « Mon épouse et mes quatre enfants ont été très forts, très présents » (8) lors de ma tempête judiciaire. J’ai su rebondir. Retrouver mes racines et leur donner des ailes. Alors qui ne voudrait pas voter pour un tel modèle de réussite personnelle, professionnelle, artistique, avec un si beau brushing et un si splendide sourire cristallin ? De toute façon, « comme dit Sénèque, « nous sommes notre propre juge et c’est ça qui est intéressant » » (9). Enfin, jusqu’en mars 2020. Là ce sera les électeurs.