L’aéroport d’Avignon ne décolle toujours pas
Vous prévoyez de devenir trader à la City mais vous appréhendez de vous retrouver aussi loin de notre belle région ? Pas de problème avec la liaison directe entre la cité des papes et le quartier d’affaires londonien. Une des quatre lignes proposées par l’aéroport d’Avignon (avec Birmingham, Southampton et la Corse), dont la gestion incombe au Conseil régional de Paca depuis 2007. Il l’a confié à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vaucluse pour neuf ans, suite à l’acte II de la loi de décentralisation, via une délégation de service public. Parfait pour les British propriétaires d’une maison secondaire dans le Luberon… « C’est un cadeau empoisonné qui nous a été fait, lâche Jean-Marc Coppola, vice-président régional communiste délégué aux investissements. Mais si la Région ne s’était pas portée candidate, d’autres collectivités l’auraient fait, en nous demandant des financements. Il valait mieux donc en avoir la gestion directe. »
En 2012, entre les crédits de fonctionnement accordés à la CCI (840 000 euros) et les dépenses d’investissement (1,5 millions d’euros) réparties entre l’aéroport et le développement du pôle d’excellence aéronautique Pégase (dont le chantier est en cours), près de 2 millions et demi d’euros ont été dépensés. Sans compter les 1,3 millions apportés par le Conseil général de Vaucluse (CG 84) et le Grand Avignon pour financer les investissements. Des chiffres à mettre en lumière avec le nombre de passagers annuels : environ 25 000 (- 8 % par rapport à 2011). En 2011, l’aéroport de Nîmes en a transporté 195 000… Impossible en revanche de connaître le taux de remplissage des avions, des chiffres que ne communiquent pas les compagnies aériennes.
« L’aéroport n’a pas de sens »
En fait, l’activité commerciale de l’aéroport est atone depuis la décision d’Air France en 2008 de supprimer sa ligne Avignon-Paris, trop peu rentable avec l’arrivée du TGV en 2001. Résultat : 77 000 passagers en moins, un an après le transfert de propriété de l’Etat vers la Région. Un timing exceptionnel ! Reste que le site Internet de l’aéroport mentionne noir sur blanc que l’un des objectifs de la région concerne le « développement de nouvelles lignes aériennes contribuant à la desserte du territoire avignonnais […] ». Au sein de la collectivité, les écologistes – qui votent systématiquement contre les crédits accordés à l’aéroport – voient plutôt dans le développement du pôle Pégase la confirmation de l’inutilité de l’activité commerciale. « Qu’est-ce qui justifie cet aéroport régional ?, se demande Jean-Yves Petit, le vice-président aux transports. Avec la concurrence du TGV et de Marignane à une heure de train d’Avignon, il n’a pas de sens. Il vaudrait mieux utiliser cet argent pour l’investir dans le ferroviaire par exemple. » En 2008, un rapport de la cour des comptes insistait sur la trop grande dépendance des aéroports régionaux aux subsides publics.
Du côté de la CCI, on assure que tout va bien. « Nous avons bien résisté à la crise en 2012, le chiffre d’affaire s’est stabilisé, annonce Laurent Huber, le responsable de la communication. L’aviation d’affaires, 15 % de l’activité totale, représente elle une bonne source de croissance, d’emplois et un atout économique pour le département. » Mais la Région a-t-elle vocation à financer ce type d’activité ? « C’est un choix politique !, poursuit-t-il. La position des écologistes donne l’impression d’une collectivité schizophrène mais c’est le rôle des Régions que d’investir dans les territoires, leur maillage et leur service public. Si on prenait la décision de fermer ces lignes, les Anglais iraient acheter dans le Pays d’Aix, pas dans le Luberon ! »
Tout sur Pégase
Pour Cécile Helle, conseillère régionale anciennement chargée de l’aménagement du territoire et candidate (non investie) à la mairie d’Avignon, il faut continuer de développer le foncier économique via le projet Pégase, qui promet 1000 emplois en 10 ans : « Cet aéroport est un équipement structurant pour la région. L’aviation d’affaires est une niche également à développer mais pour cela il faut des services connexes comme la location de voiture par exemple qui n’est viable qu’avec une activité commerciale en parallèle. »
La Région, le CG 84 et le Grand Avignon doivent plancher sur la manière d’utiliser les futurs investissements (8 millions ont été prévus pour cette DSP qui court jusqu’en 2016). « Si nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord, un comité de pilotage se tiendra en novembre, assure Jean-Marc Coppola. Mais notre volonté est de développer l’activité économique et le pôle Pégase. D’un autre côté, je comprends aussi les acteurs locaux pour qui l’aéroport représente un enjeu économique et touristique. » Les élus locaux pourraient toujours se rendre à la City pour convaincre de grandes banques de devenir mécènes…