Classe contre classe
Dernier conseil municipal avant les vacances. Dans la salle de presse traîne le discours de l’élue aux écoles, Danièle Casanova. Qui, écrit-elle, « plutôt que de répondre aux attaques de nos adversaires sur les WC qui fuient et des grillages défoncés » souhaite « porter connaissance des actions positives dont les médias ne font jamais état ». Mais le maire, expédiant les dossiers scolaires, ne la laissera pas le prononcer.
À Marseille, la question scolaire est aussi épidermique que politique. Même le « RN » s’y met. C’est « la spécialité » de la nièce de Stéphane Ravier, Sandrine d’Angio, avant même qu’elle ne le remplace à la mairie du « 13/14 » : « Depuis que je suis maire, je n’ai pas nommé d’adjoint sur ce dossier car je continue à le suivre moi-même. Ça touche aux enfants. Normal que cette question soit sensible. Et ce, quelle que soit la couleur politique. Il y a toujours des établissements réticents à notre venue mais quand il y a des punaises, c’est à la mairie que les parents viennent. Et cela fait 4 ans qu’on réclame un conseil municipal extraordinaire. »
L’opposition s’oppose
Au PC, le discours ne diffère guère. Comme le note Jean-Marc Coppola, « passer deux heures dans un conseil d’école, ce n’est pas là où on fait des voix mais là où est la vraie vie. Et, alors qu’entre en vigueur la scolarisation obligatoire pour les enfants dès 3 ans, la ville n’a rien anticipé. Certains enfants ne sont toujours pas inscrits ! Et si les parents acceptent d’être méprisés et de vivre dans de mauvaises conditions, ils ne le tolèrent pas pour leurs enfants. Mais, ici, le principe, c’est « tu me fais du bien, je te fais du bien, tu me fais du mal… » Un enfant, ça ne vote pas. Mais la colère des parents fait tache d’huile. »
« Il a fallu repeindre nous-mêmes »
En témoigne la mobilisation contre les « PPP », ces « partenariats public-privé » qui auraient vu la ville confier pour un milliard d’euros la destruction et la reconstruction d’une trentaine d’écoles et que la justice a annulé. Particulièrement mobilisé, Benoît Payan du PS : « Il y a 4 ans, pour les piscines, la mairie avait déjà opté pour les PPP. J’avais dit qu’un jour, on fera des écoles en PPP. La question scolaire, ça devrait pourtant être la 1ère des compétences, le cœur de la politique d’une municipalité. Mais ici, l’essentiel est accessoire. » D’où une mobilisation « unique » puisque réunissant « partis de gauche, syndicats, associations ». Et 15 000 signatures que la mairie refusera de prendre en compte…
L’éducation était au cœur des États généraux de Marseille où est investi Nicolas Steinfels, du « collectif des écoles ». Qui, au-delà d’une « charte des écoles », planche, comme la ville, sur un « audit : on a déjà les retours de 130 établissements. Notamment sur les conditions matérielles mais aussi le manque de moyens humains ». Lui qui a sollicité le « défenseur des droits » pointe autant les élus que des services : « Il y a un an, dans notre école, bonne nouvelle, les classes vont être repeintes. Avec les fonds de pot, mais bon… Seule exigence : dans la classe accueillant les enfants en situation de handicap, il fallait éviter les couleurs trop vives car trop excitantes. On s’est retrouvé avec une classe rose bonbon. Il a fallu repeindre nous-mêmes. »
Pas de coups de pouce
Pas étonnant quand on voit l’élue aux écoles se prévaloir d’un dispositif qu’elle vient de supprimer. Dans son discours du 17 juin, Casanova indique que « 565 enfants ont bénéficié de Coups de pouce pour aider ceux qui rencontrent des difficultés scolaires ». Sauf qu’en juin, nous confirme une instit’ des « quartiers nord », « alors que ce dispositif fonctionne et se développe partout ailleurs, on a appris que la ville a décidé de le supprimer. Apparemment pour des raisons budgétaires ».
La municipalité n’a pas digéré de devoir allouer 30 000 euros à une association qui, jusque-là, ne sollicitait pas les collectivités. Un dispositif de remplacement va être mis en place mais notre instit’ n’est pas convaincue : « Avec des groupes de 10 élèves (et non plus de 5) allant du CP au CM2 – alors qu’on se focalisait avant sur les petits avec une approche ludique – on va faire essentiellement de l’aide au devoir. Et ce, 4 soirs par semaine. Quand on a protesté, on nous a dit que c’était toujours mieux que la rue. »
Pas faux. A la veille de l’été, le « syndicat des poussettes enragées » rouvre des squares jusque-là fermés. Mais, en arrivant place de la Rotonde, Anne Perrillat, élue LR du « 1/7 », avec un responsable de CIQ (Comité d’intérêt de quartier), empêche parents et enfants d’y accéder. Et d’expliquer qu’il suffit de demander la clé à la mairie.
Pas si simple. Pourtant relayée par MPE13, la demande de parents de la Plaine afin de pouvoir profiter, le temps des travaux place Jean-Jaurès, du « jardin des chats » (à côté du Conservatoire), est toujours en souffrance : « Ce n’est pas un espace géré par notre mairie », explique-t-on. Pourtant, les CIQ ont pu y organiser, avec l’élue Anne Perrillat, la « Fête des voisins ».
Mais bon, on est dans une ville où, faute de place, les écoles publiques du centre-ville font le sport à l’Œuvre Allemand, une structure privée catholique. Qui n’a pas eu d’autre choix que de rendre public le fait qu’elle a dû écarter un membre ayant eu, par le passé, des « gestes déplacés » sur des adolescents. Suite à ses « aveux » et par souci de « transparence », dixit le responsable Bruno Maurel. S’il a fait un « signalement au procureur », ce dernier n’a « pas encore échangé avec les écoles et la mairie ». La rentrée risque d’être chaude…