Brignoles break down
En ce matin de juillet, l’ambiance au conseil municipal de Brignoles (83), est aussi chaude que la température extérieure. Le maire, Didier Bremond (LR), la soixantaine, agent immobilier de profession, sans revenu depuis 2018 selon sa déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il a succédé en 2017, en cours de mandat, à l’ancienne députée Josette Pons (LR) et depuis l’an dernier à la présidence de la communauté d’agglomération de la Provence verte.
Son adjoint aux travaux publics, Philippe Durando vient de le lâcher et de passer dans l’opposition. Où siège déjà Jean-Michel Rousseau, ancien adjoint aux finances de Josette Pons. Rapidement placardisé, il a quitté la majorité début 2016. Les deux opposants s’inquiètent du manque de transparence et de la dégradation de l’autofinancement.
Mais Brémond n’est pas au bout de ses peines… A sa gauche, Yvon Coeffic, adjoint aux finances et à la commande publique. Physique à la Claude Rich, voix calme qui contraste avec un maire tout en logorrhée. En avril dernier, il a refusé de présenter le budget 2019 le jugeant « insincère ». Mais pour l’instant, il a choisi de garder ses délégations difficiles à assumer.
Deux adjoints aux finances qui entrent en dissidence en un seul mandat municipal, ça pose question… Pour Brémond il ne s’agit que de postures politiques. « Yvon Coeffic a présenté le Rapport d’orientation budgétaire (ROB), relativise le maire. Et puis il est adjoint, pas technicien. » Ce dernier dit avoir refusé de signer un premier ROB sur lequel l’emprunt de 4 millions était trop élevé.
« On m’a alors présenté un second ROB avec un emprunt redescendu à 3,4 millions et surtout 7 millions de recettes, correspondant à l’achat d’un terrain par l’agglo, m’a-t-on dit. » Il le signe. Mais les services de l’agglomération lui auraient signifié ne pas être au courant – à ce moment là en tout cas – d’un tel achat prévu pour 2020. « J’ai alors compris qu’on s’était foutu de moi, j’ai donc refusé de présenter le budget », explique Yvon Coeffic. Ce possible achat aurait été évoqué en bureau depuis, le maire est aussi président de la Provence verte. Le ROB de l’agglomération ne semble pas en faire mention.
Adjoint placardisé
« Instruction » a été donnée par le directeur général des services par mail (6 mai 2019) aux services de la ville de ne transmettre aucun document à l’adjoint. « C’est ce que j’ai vécu il y a deux ans, explique Jean-Michel Rousseau. On ne peut plus exercer sa délégation. On n’a plus les moyens de travailler. Alors, rester en fonction ne sert à rien. » En charge de la commande publique, Coeffic n’est pourtant plus convié à certaines commissions d’appel d’offre.
« Tout a commencé lorsque j’ai demandé à voir les comptes de VAD », explique Yvon Coeffic. Var aménagement développement est une société d’économie mixte public-privée majoritairement financée par le Conseil départemental du Var. Elle coordonne et pilote des opérations d’aménagement, de construction et de réhabilitation dans le département. A Brignoles, elle intervient notamment dans la rénovation du quartier Liberté, et du projet « cœur de Ville ». La commune a accordé une garantie d’emprunt de 6 millions d’euros à VAD. Et lui a aussi cédé à l’euro symbolique des terrains dont le collège Liberté, estimés à 4,4 millions par les domaines.
« Je me suis retrouvé en réunion devant le fait accompli. J’ai juste servi de faire-valoir ce jour-là », se désole Coeffic. « Ce n’est pas un service de la ville. On ne peut pas s’immiscer comme ça dans les comptes de VAD », s’insurge Brémond, qui explique qu’il n’a pas fait de « cadeau » à VAD. Et qu’au final ça rapportera de l’argent à la commune. « 1, 1 million de plus que le prix des domaines », estime-t-il.
Mélange des genres
Autre caillou dans le mocassin du maire, un collectif d’habitants qui souhaite créer des jardins partagés face à chez eux, là où il est prévu initialement une résidence de 49 logements « Les Terrasses de Provence ». « Quand on a du foncier en pleine ville, on ne peut pas demander des choses pareilles ! », s’insurge Brémond. Le collectif a fait constater par voie d’huissier l’absence de travaux à quatre jours de la péremption du permis de construire. Des arbres ont été coupés entre temps. Claudine Furnion, ingénieure agronome membre du collectif, fait pression : « Il faut que le citoyen soit entendu. » La mairie a fini par prendre un arrêté pour annuler le permis fin juin.
Le promoteur, la Sogeprom Sud (filiale de la Société générale), a déposé un recours au tribunal administratif. Le jugement du référé-suspension est en leur faveur. Reste le jugement sur le fond. En attendant, la publicité des lots à vendre est toujours présente sur leur site, comme c’était le cas aussi en 2017 sur celui de Brémond habitat, l’une des nombreuses agences du maire à l’époque, basée à Saint Maximin. Certaines ont été fermées depuis, d’autres reprises par son fils. Il avait la délégation à l’urbanisme à l’époque comme lors de la signature du permis initial. C’est sa première adjointe qui a récupéré la délégation depuis. En octobre 2017, un signalement concernant « ce mélange des genres » a été envoyé au TGI de Toulon. La gendarmerie semble actuellement s’y intéresser, des personnes auraient été entendues cet été.
Last but not least. Brémond serait aussi lâché par son camp depuis qu’il a choisi d’être soutenu par LREM alors qu’il part avec l’investiture LR aux municipales. Falco et Pons verraient rouge ! Qu’importe. L’édile ne s’imagine qu’en vainqueur sur son territoire. Et de se targuer : « Je suis un rassembleur ! » Ça s’voit.