Marseille, capitale européenne du sport, label fantôme ?
Une capitale européenne peut en cacher une autre… Alors que Marseille est en plein bouillon de culture en cette année 2013, elle est candidate pour une autre échéance : devenir capitale européenne du sport en 2017 (cette enquête a été publiée en juin 2013. Le 14 octobre 2014 Marseille a été officiellement désignée « capitale européenne du sport » en 2017). Avec le football (ou plutôt l’OM) comme (quasi) unique fer de lance d’une ville peu diversifiée sur le plan sportif, la municipalité de Jean-Claude Gaudin se lance dans une nouvelle aventure pour s’affirmer au niveau européen. Créé en 2001, le titre de capitale européenne du sport « est une incitation, pour les administrations locales ainsi que leur département du sport, à remplir un rôle [pour] améliorer le niveau de santé général des habitants d’un pays » (sic), selon l’Association des capitales européennes du sport (ACES), à l’origine de ce label. Mais derrière cette définition un brin pompeuse, la capitale du sport fait surtout figure de « ville fantôme »… À L’Equipe, on ne connaît pas : Hélène Foxonet, correspondante à Marseille pour le quotidien sportif, n’a « eu aucune information » à ce sujet, pas plus que dans la rédaction sportive du monde.fr.
Pipeau et biscoteaux
L’ACES choisit de récompenser les villes de plus de 500 000 habitants investies dans une politique sportive. Basée à Bruxelles, l’association compte cinq bénévoles. Elle « se finance à travers le Mouvement sportif populaire (MSP), un organisme italien de promotion du sport, comme sponsor, précise Hugo Alonso, secrétaire général de l’ACES. Nous imaginons des projets, comme le volontariat sportif, qui sont ensuite validés par la Commission Européenne. »
Pour 2013, l’heureuse élue est la ville belge d’Anvers, jumelée avec Marseille. Le problème, c’est qu’en Belgique non plus, cette distinction n’évoque pas grand-chose. Marc Tarabella, qui est pourtant le bourgmestre (maire) d’Anthisnes, près de Liège, et député européen (PS), apprend grâce à nous l’existence de la capitale européenne du sport ! Et de confier : « J’espère que Marseille aura eu la sagesse de tout miser sur la capitale européenne de la culture car cela, au moins, ce n’est pas du pipeau ! » Même Richard Miron, adjoint au maire de Marseille en charge des sports, doute ouvertement de l’exemple Anversois : « J’ai l’impression qu’ils ont voulu en faire une opération de communication, plutôt que quelque chose de vraiment européen et d’utile pour la création d’infrastructures. » Et de jurer qu’il a de bien plus grandes ambitions…
Le budget du dossier de candidature, entièrement financé par la ville, s’élève entre 250 000 et 300 000 euros. Il se chiffrerait « en millions d’euros », selon Richard Miron, en cas de victoire. La ville choisie par l’ACES ne reçoit pas automatiquement de fonds européens mais peut faire des demandes ponctuelles de subventions. « L’intervention des institutions européennes est faible », prévient pourtant Jean-Luc Bennahmias, député européen. L’UE vient de s’octroyer de nouvelles prérogatives en matière de politique sportive, avec le vote d’un budget de 300 millions d’euros sur sept ans, pour la période 2014-2020. « Mais Marseille ne pourra pas tout prendre, il faudra trouver d’autres sources de financements ! », assure encore le vice-président du Modem.
Gaudin « chaud bouillant »
À Anvers, aucune aide financière de l’Europe n’a été enregistrée. Selon le porte-parole de l’échevin des sports (équivalent de l’adjoint au maire en France), Kris Goossenaerts, ce sont essentiellement « la ville et la province d’Anvers qui financent, mais nous avons aussi des partenaires privés ». Avec quelques événements internationaux prévus pour l’occasion, des retombées économiques sont attendues comme la fréquentation d’hôtels. À Anvers, les championnats du monde de billard ou le championnat d’Europe de hockey font partie du programme de cette année capitale.
Pour Pierre Distinguin, directeur de la prospection internationale pour l’agence de développement économique Provence Promotion, l’attractivité du territoire est le principal enjeu : « On s’est dit que le sport devait engendrer un pôle de compétitivité, or il n’y a pas de sport-business à Marseille. » En clair, l’objectif est de faire venir des entreprises spécialisées dans le sport. Selon lui, Jean-Claude Gaudin et son équipe sont « chauds bouillants ». Le sont-ils vraiment pour autre chose que de faire rêver les électeurs pendant la course d’obstacle politique qui va précéder les élections municipales de mars 2014 ? Afin de mettre toutes les chances du côté de Marseille avant la remise de la candidature en juin 2014, le groupe de travail « veut un ambassadeur charismatique ». Dans leur short-list, un nageur et un handballeur figureraient en bonnes places. Suspens. « L’idée est aussi de faire connaître ce label », souligne Pierre Distinguin. Le futur porte-drapeau marseillais aura du boulot !
Clément Barraud