Le business de la Méditerranée
L’honneur est sauf pour Jean-Claude Gaudin. Avec l’ouverture de son Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), le sénateur-maire UMP de Marseille va pouvoir reprendre la main sur Michel Vauzelle, président PS de la Région, et sa Villa Méditerranée, construite à quelques mètres du musée.
Thématique de la capitale européenne de la culture, au moins sur le papier, la Méditerranée est aussi un domaine d’intervention privilégié des collectivités locales. Coopération décentralisée, aide au développement et humanitaire, elles se tournent vers la rive sud de la grande bleue. Sans oublier d’en faire profiter leurs territoires. Ainsi, chaque année, Mairie de Marseille, communauté urbaine (MPM), Département et Région apportent leur soutien financier aux colloques, congrès et autres forums rassemblant professionnels et institutionnels méditerranéens. En ce mois de juin, le Ravi en a identifié trois, subventionnées à hauteur de 84 000 euros : Tech Agrifood, Rencontres d’affaires euro-méditerranéennes sur les technologies et l’innovation des filières fruits et légumes frais et transformés ; Tour Med 2013, colloque international sur le tourisme en Méditerranée ; et la Semaine audiovisuelle de la Méditerranée.
Affaire de professionnels
Les collectivités sont parfois encore plus généreuses pour ce type de manifestation (1). La mairie, MPM, le Département et la Région ont ainsi abondé à hauteur de 40 % du million d’euros qu’a coûté le 2ème forum méditerranéen Anna Lindh (4-7 avril à Marseille), la fondation pour le dialogue interculturel entre les pays de l’Union pour la Méditerranée de Nicolas Sarkozy, dont le budget culmine pourtant à 14 millions d’euros ! En 2012, mairie, MPM et Région sont même montées à 60 % des 207 000 euros de budget de la 6ème Semaine économique de la Méditerranée (SEM) de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence (CCI). Qui pour une fois ne hurle pas contre un mauvais usage de l’argent public…
L’une comme l’autre initiative ne brillent pourtant pas pour leur ouverture au public. « La Semaine économique de la Méditerranée est un événement réservé aux milieux d’affaires, explique le politologue Nicolas Maisetti. L’objectif est que tous ces mecs se rencontrent pour faire du business. Pour les politiques, depuis la fin des années 90, Marseille doit jouer un rôle dans la compétition des territoires afin d’attirer des investisseurs. Son espace de compétition est la Méditerranée, où Gênes et Barcelone la concurrencent, et elle en est, selon eux, le centre. » Patrick Allemand, premier vice-président du Conseil régional délégué aux relations internationales, leader reconnu en matière d’action méditerranéenne, met volontiers l’accent sur la « coopération économique » permise par les manifestations professionnelles et institutionnelles : « Elles font partie de la politique de rayonnement de la Région, c’est très important. Si on ne les soutient pas, le tissu local sera pénalisé car [elles] se feront ailleurs. »
Curieuse coïncidence
Il semble que l’organisation de la capitale européenne ait eu cet impératif en tête lors de la finalisation de sa programmation. Le Forum Anna Lindh et la SEM ont ainsi été labellisées Capitale européenne de la culture. Si l’étiquette ne donne pas droit à un financement, elle permet cependant des coups de main : le contenu ou la com. Voire plus si affinités ! MP 2013 a ainsi payé le transport d’une centaine de participants au forum Anna Lindh de leurs hôtels à une soirée VIP, sauterie organisée par la CCI. Une institution présidée par Jacques Pfister, partenaire financier de la SEM et… président de l’association Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture !
Une pure coïncidence selon MP 2013. « A aucun moment il n’y a eu de demande de la part de la CCI », assure Anne Valat. Et la chef du projet « Une capitale euro-méditerranéenne du dialogue et des échanges » d’insister : « [Même si] la question s’est posée de labelliser des manifestations privées […], comme la thématique de la semaine économique est "le rôle de la culture dans le développement économique des territoires", on y a trouvé notre intérêt. On y fera même un premier bilan de l’impact de la capitale. » Espérons qu’il soit bon, c’était son principal objectif.
Jean-François Poupelin