Free-party: la fête (presque) libre
Les free-parties (1) résistent et continuent de faire du bruit. Chaque week-end, des milliers de fêtards s’adonnent, aux quatre coins de la région, au rythme de la techno. Faut-il encore qu’ils arrivent sur les lieux de la fête avant les gendarmes. Car depuis un an, ce sont eux les grands gagnants de la course…
Pour chopper « l’info » de la soirée, plus question de compter sur internet car la police y traque la moindre information. Bouche à oreille, répondeurs téléphonique, flyers : retour aux bonnes vieilles méthodes. Ce soir, direction Avignon. Après avoir suivi un véhicule pendant une petite demi-heure, les voitures arrivent en plein milieu d’une forêt. « Les maires de certains villages ont décidé de rajouter des barrières de protection d’incendie à l’entrée des chemins » explique Laurent, en tête du convoi. Circuler ici est passible de 135 euros d’amende. Ils pensent que ça nous dissuadera de faire la fête. »
Quelques mètres plus loin, deux personnes tendent un gobelet : « C’est la don’ ! » s’exclame un jeune homme tout sourire. La « don’ » pour donation : une petite participation libre… Nous voilà arrivés. Au centre, un grand mur de son, orné de lumières et de décorations multicolores, où dansent déjà quelques « teufeurs ». A côté, un petit bar improvisé où soupe orientale et vin chaud sont au rendez-vous. « Avant, les free-parties étaient tolérées dans la région explique Strez (2). Voyant qu’on pouvait faire la teuf sans problème de plus en plus de soirées étaient organisées, avec toujours plus de monde et de décibels. »
En octobre 2011, des milliers de personnes ont fêté halloween à Fos-sur-Mer (13). La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! En janvier 2012, les organisateurs de la région sont convoqués à la préfecture de Marseille. Désormais, un seul mot d’ordre : tolérance zéro ! « Les rassemblements non autorisés ou faisant l’objet d’une interdiction préfectorale feront l’objet d’une saisie du matériel de sonorisation », tance la préfecture.
La techno bien au chaud
Contre-culture aux valeurs révolutionnaires, la free-party revendique un esprit de liberté, de gratuité et d’autonomie. Pourtant, de plus en plus d’organisateurs se tournent vers des événements à caractère plus encadré. « C’est plus par non choix que par envie ; on préférerait organiser des free mais il y a trop de risques encourus » souligne Chapotek.
Alors les sound-systems (3) se mettent à investir les boîtes de nuit, à louer des salles ou des terrains privés. Mais si certains y voient la solution pour passer une soirée « sans se faire virer à 3 heures du matin », beaucoup d’autres fulminent. « C’est à l’encontre même de l’esprit de la free-party », déplore Sophie, fidèle au mouvement techno depuis des années et aujourd’hui mère de famille. « L’investissement financier est très important, explique Strez. Entre les assurances, les licences, la location de la salle… le coût d’une soirée grimpe très vite, c’est loin d’être à la portée de tous. » Résultat : même les soirées en salle ne sont pas toujours bien légales !
Dans notre forêt avignonnaise, beaucoup de camions aménagés sont garés sur le terrain, du plus sobre au plus loufoque. Ici, on appel ça un « camtar ». Les travelers sont de grands amateurs de free-party. Il est maintenant 3 heures du matin et 500 personnes sont là. Pour Strez, c’est suffisant : « Il faut favoriser les événements de petite ampleur. C’est plus discret et plus facile à gérer. Il y a plus de chance que tout se passe bien. »
Le vilain petit canard
Si des grands rassemblements nationaux comme celui de Laon-Couvron, le 1er mai dernier dans la région parisienne, ont pu être préparés légalement, la tenue de petits événements en région reste encore très compliquée. Gef et Sophie, à la tête de l’association Opsygen, ont décidé d’organiser une soirée dans les règles de l’art en octobre 2011 : « On a passé des mois à demander des autorisations, trouver un terrain et réunir toute les conditions nécessaires. Le dossier a été accepté, puis le jour « J », la gendarmerie est venue nous dire que ce n’était pas possible. C’est décourageant. » Depuis, ils n’ont plus vraiment envie de se charger de formalités « inutiles » face à cette « répression gratuite ».
« Le problème c’est que la musique techno n’est pas gérée par le ministère de la culture mais par celui de l’intérieur, explique Gef. C’est injuste de ne pas la reconnaître au même titre que les autres cultures. » Pour l’heure, le changement de majorité et de ministre n’a rien changé. Dans la forêt avignonnaise, le jour se lève mais la fête est loin d’être terminée. Beaucoup continuent de danser avec le même entrain. Un petit feu de camp, un dance-floor enflammé et une ambiance chaleureuse leur auront permis d’oublier que l’hiver s’est bel et bien installé…
Lucie Bonnard