Guérini, marionnettiste
A la fédération PS des Bouches-du-Rhône, le résultat d’une élection, c’est comme le calendrier des marées : immuable. Lors de l’élection du premier secrétaire fédéral le 15 novembre dernier, on a donc, comme il se doit, proposé aux militants socialistes de rejouer pour la énième fois la même pièce, avec les mêmes acteurs désignés d’avance, les mêmes discours usés et, in fine, la réélection du très guériniste Jean-David Ciot avec 71,2 % des voix. « Ce n’est pas un score à la soviétique, minaude le député-maire du Puy-Sainte-Réparade. Et c’est la première fois dans cette fédération qu’il y a un vote dont on ne connaît pas à l’avance le gagnant ou le résultat. » Ne jamais laisser la vérité entraver une bonne histoire !
« Elle ne gêne personne »
Pourtant certains militants, pétris de candeur et d’enthousiasme, y ont cru : « On a eu le choix entre deux candidats, c’est un signe de changement. » Hum… sauf que la préposée au casse-pipe, Nathalie Pigamo, une élue marseillaise inconnue du grand public, n’est devenue la candidate unique des opposants à Jean-Noël Guérini (1) qu’au gré des défections. « Elle ne gêne personne, c’est pour ça qu’elle a été choisie, avoue Denis Rossi, conseiller général. D’ailleurs, quand elle dit du mal de Jean-David Ciot dans la presse, elle lui téléphone pour s’excuser. » Alors, candidate d’apparat Pigamo ? « Pas du tout, je suis la candidate de l’opposition », jure-t-elle avant l’élection. Son faible score de 28,80 % démontre qu’il est dur de faire campagne avec pour seule aide la méthode du bon pharmacien Emile Coué !
Quant aux « rénovateurs », leur échec était écrit, il suffisait de lire, d’ouvrir les yeux pour observer leur vraie nature : l’ambition personnelle. Dès lors, Jean-Noël Guérini, grand connaisseur de l’âme humaine, a patiemment tricoté un rôle pour chacun. Le « Président », a commissionné Sylvie Andrieux, députée PS des quartiers nord, mise en examen dans une affaire de détournement de subventions, pour susurrer à l’oreille d’Eugène Caselli, président de la communauté urbaine, quelques promesses électorales. Et ça marche. Caselli revient sur ses indignations premières en se fendant d’un communiqué ruisselant de démagogie : « Face à une droite dure et arrogante, on doit se rassembler et faire bloc. » Désormais rallié à Jean-David Ciot, Caselli est persuadé d’avoir en retour le soutien nécessaire pour être candidat à la mairie de Marseille.
« Tu n’as pas honte d’être là ? »
Dans une fédération où l’éthique est toujours subordonnée aux impératifs électoraux, d’autres gras moutons, Joël Canicave ou Michel Pezet par exemple, ont jeté, in extremis, l’éponge, se mettant ainsi à l’abri des maux de tête. Cette campagne ne fut pas non plus des plus heureuses pour Marie-Arlette Carlotti, ministre chargée de l’exclusion et des handicapés, pour laquelle la colère contre Guérini s’est conjuguée à l’humiliation de ne pas avoir réussi à réunir autour d’elle une majorité. Et de masquer sa déception, le soir de l’élection, derrière l’ironie « Guérini a voté ? Il est à jour de ses cotisations, j’espère ! » Marie-Arlette cogne : « Pezet ? Est-ce qu’il compte encore ? » Elle cherche la rupture : « Avec la victoire de Ciot, la fédé va tourner à vide. Désormais, je vais m’adresser directement aux Marseillais. » Mais elle se garde de couper les ponts : « Je continuerai au sein de la fédé à défendre mes idées. »
Manière, peut-être, de marquer les conditions d’un futur armistice. Doté d’un culot à fendre la mer Morte en deux, le « roi » Guérini, zigzagant au gré des affaires et des militants mués en playmobils, s’est même déplacé pour voter « en tant que simple militant ». Bain de foule, bises qui claquent, triomphant, le président du Conseil général frise la combustion spontanée lorsqu’on lui demande si c’est la fin de l’ère Guérini ? « Il n’y a jamais eu d’ère Guérini », s’étrangle-t-il. Avant de glisser sur un ton messianique : « Il faut savoir passer la main, mais intelligemment. » C’est dans cette atmosphère un brin tendue que Pierre Orsatelli, opposant et porte-parole de Renouveau PS13, qui réclame la mise sous tutelle de la fédération, l’invective : « Tu n’as pas honte d’être là ? » Le panache du désespoir pour Orsatelli ? Patrick Mennucci, loin de ces errements, est un monsieur rond, avec des idées bien carrées. Le député de Marseille amorce une stratégie qu’il augure payante à terme : augmenter quotidiennement les watts pour réclamer des primaires pour les municipales de 2014. Sera-t-il entendu ? Et que vaudront des primaires si l’instance qui les organise est aux mains des Guérinistes ? On n’en sort pas. Comme si la psyché des socialistes du département avait été tatouée pour l’éternité par la culture du « clientélisme politique » !