Sa maison est en carton…
« Ses escaliers sont en papier », plus qu’une comptine, une réalité pour les locataires du 28 rue Chevalier Paul dans le centre ancien de Toulon. Antoine Champème vit au 1er étage depuis cinq ans avec femme et enfant. Il est décorateur de cinéma, alors autant dire que le carton-pâte il connaît : « Au début, nous avons signalé à l’agence des fuites d’eau provenant de la verrière du sixième étage dont le faîtage n’a jamais été fermé, ils nous ont envoyé chier ! » Guienne immobilier est promoteur, gestionnaire et syndic de plusieurs immeubles dans le quartier de Chicago, en pleine réhabilitation depuis 2006. On reconnaît leurs bâtisses aux portes en bois très sécurisées qui s’ouvrent d’un coup d’épaule ! Lorsqu’Antoine emménage, l’immeuble est censé être terminé mais reste finalement en chantier. Aujourd’hui, les escaliers s’effritent, il y a du salpêtre sur les murs et les gardes corps ne sont pas aux normes de sécurité.
Dans les appartements, on trouve des fissures, l’air passe par les prises et les murs ne sont pas plus épais que des feuilles OCB. « En ouvrant ma porte d’entrée, je me suis appuyé contre le mur, et mon bras est passé au travers !, indique Antoine en montrant le trou béant. Ma porte trois points est montée sur du placo, un coup de pied et on est chez moi ! » Des malfaçons constatées par huissier et dont les locataires ont fait une vidéo envoyée en 2010 à l’agence, aux élus, et même à Sarkozy. A l’époque, on pouvait aussi y voir une gouttière déversant l’eau de pluie directement sur les compteurs électriques, réparée depuis tout comme les tuyaux d’évacuation des eaux usées cassés : « Il y avait une odeur atroce. On s’est aperçu que ça provenait d’un local de la mairie situé sous la chambre de ma fille et dans lequel nos excréments se déversaient ! »
Il s’est cassé le bout du nez
Ils tentent alors de contacter les propriétaires dont les noms apparaissent sur leurs baux : sans réponse. « On se demande même s’ils ne sont pas fictifs ! », s’interroge encore Antoine. le Ravi a fini par retrouver son propriétaire, Claude Le Héran domicilié dans l’Ille et Vilaine. Il connaît la situation mais ne souhaite pas s’étendre sur le sujet. Il nous indique qu’il est en litige avec l’agence et affirme ne pas avoir d’autre appartement dans Chicago : « Heureusement, vu l’état de celui-ci ! J’ai vu les photos. Et je me dis que cinq ans, c’est beaucoup trop long pour les personnes qui vivent là. » Il n’en dira pas plus. « Dès que nous prononçons le nom de Guienne immobilier, c’est l’omerta ! », constate Antoine. L’agence dont le siège est à Rueil-Malmaison appartient au couple Schiltz qui n’a pas répondu à notre demande d’entretien (1).
Du côté de la succursale toulonnaise, aucun élément extérieur n’indique s’il s’agit vraiment d’une agence immobilière. Nous trouvons les bureaux fermés aux heures d’ouverture, avec une vulgaire photocopie affichant le logo FNAIM scotché sur la vitrine poussiéreuse et brisée. La responsable, Cécile Leroyer, jointe par téléphone n’a « rien à déclarer » et nous raccroche au nez. Olivier Guillosson, directeur de la FNAIM du Var est surpris d’apprendre que le local n’a pas d’enseigne alors que c’est une des exigences de la fédération. « L’agence est affiliée à la FNAIM par la chambre d’Île de France via leur siège, sans aucun passif, l’acceptation de l’établissement toulonnais au sein de la Fédération n’a été qu’une formalité, précise-t-il. Par contre, je n’étais pas du tout au courant du litige exposé. » Pourtant le DVD leur a bien été envoyé et ils ont même répondu à Antoine disant qu’ils ne pouvaient rien pour lui. Olivier Guillosson ne s’en souvient pas, et s’engage à éclaircir cette affaire.
Pirouette, cacahuète
« Le pire c’est que tous ces travaux sont réalisés avec une partie de nos impôts ! », conclut Antoine qui a vu sa taxe d’habitation doubler en un an. Rien qui ne surprenne Valentin Giès, président de Toulon Avenir : « Le coût global de la rénovation du centre ancien est de 150 millions d’euros. Sauf qu’en ne vendant pas les logements qu’elle achète, la SEM Var Aménagement Développement, en charge de la rénovation, paye 500 000 euros d’intérêts annuels imputables au contribuable. » En octobre dernier, le maire UMP Hubert Falco décide de changer de prestataire : out la SEM VAD, welcome la SPL Méditerranée (SemexVal) de La Valette. Rien de bien rassurant quand on sait que le directeur Joseph Rossi et la présidente Christiane Hummel, sénatrice-mairesse UMP de la Valette, sont souvent mis à mal par le collectif contre la spéculation et pour le droit au logement de Calvi. Il pointe du doigt leurs importantes réalisations immobilières en Corse. Un collectif qui a perdu un procès en diffamation pour avoir taxé Christiane Hummel de « mafieuse » !
Samantha Rouchard