Tous contre le mariage pour tous
« Ils ont commencé à nous insulter, à nous traiter de sales gouines, à nous dire d’aller nous faire soigner », raconte Guylaine qui vit avec son amie Nathalie à Signes dans le Var. Ce couple lesbien raconte au Figaro (03/10/2012) les insultes, l’urine et le vomi devant leur porte, les coups reçus et les menaces de mort proférées à leur encontre par leurs voisins. « Le rassemblement prévu dimanche [ndlr :25 novembre] à Signes a été annulé à leur demande car elles craignaient des représailles », explique Isabelle, présidente de l’association féministe et militante le CEL (Centre Evolutif Lilith). Le couple aurait mis sa maison en vente. En octobre dernier, à Toulon, un gérant de snack a été condamné à une peine de 18 mois d’emprisonnement pour intimidations, violences avec un couteau et propos homophobes envers un salarié. Dans le Ravi n°100, on évoquait aussi le cas de David qui a déposé plainte contre son employeur, la société Bonifay pour harcèlement moral et, entre autres, propos homophobes.
Homophobie décomplexée
Des exemples qui ne surprennent plus SOS homophobie puisque, selon leur rapport 2012, le Var est le 5ème département d’où proviennent le plus de témoignages de personnes qui se disent victimes d’homophobie. Des chiffres en constante augmentation que l’association dénombre autour de 30 pour le Var et 1556 au niveau national : « Depuis la création de ce rapport [ndlr : 1997], SOS homophobie n’a jamais enregistré autant de signalements. Le nombre de témoignages augmente ainsi de 5 % par rapport à 2010 », précise le rapport 2012 qui prend en compte les témoignages 2011. Dans plus d’un cas sur trois, l’homophobie est ancrée dans les rapports sociaux »Travail, famille, voisinage » ». « Il est difficile de tracer tous les témoignages car beaucoup sont anonymes, mais nous tenons à cet anonymat », précise Christophe Léger, délégué régional de SOS homophobie.
La descente en masse des cols Claudine et serre-têtes dans la rue pour s’opposer au mariage gay en a décomplexé plus d’un. Le 17 novembre dernier, ils sont 8000 manifestants à Marseille, dont de nombreux Varois venus pour l’occasion. Un défilé qui se veut areligieux mais relayé pourtant par monseigneur Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, dont la pétition « Tous pour le mariage » a battu des records avec plus de 117 700 signatures. Dans le cortège, des vierges consacrées comme sœur Marie-Jeanne d’Arc qui « prie pour que nos gouvernants retrouvent le bon sens ». En première ligne du défilé, qui s’affiche aussi apolitique, s’affichent des élus UMP, écharpe tricolore autour du cou. Parmi eux, le député de la 8ème circo du Var et 1er adjoint à la mairie de Draguignan, Olivier Audibert-Troin, un peu lâché par ses copains varois comme Jean-Michel Couve, Geneviève Levy, Josette Pons ou Philippe Vittel qui eux aussi se sont prononcés contre le mariage homosexuel mais n’ont pas fait le déplacement. « Vous savez, le samedi est une journée chargée pour un député, ils avaient sûrement autre chose à faire », se dépatouille-t-il.
Montée de haine
Dans les rangs, le message officiel est bien passé : pas de propos ouvertement homophobes. Ils sont tous présents « pour défendre les valeurs de la famille » et « pour le bien être de l’enfant ». Mais au-delà de deux questions, les arguments de nos Varois se mordent la queue. C’est le cas de Bénédicte (1), 83 ans, Toulonnaise à crucifix. Elle nous rabâche d’abord « qu’elle n’est pas venue pour juger les homosexuels […] j’en connais même deux ! » Puis elle fini par lâcher : « J’ai été mariée et j’ai eu 4 enfants, un parcours normal, le reste n’est pas normal mademoiselle ! » Aude, 18 ans, jeune « pop » en devenir de Draguignan, dérape elle aussi : « Je défends le fait qu’il y ait une nature humaine alors que l’homosexualité, elle, est contre nature. » Pour Patrick Boulet, il y a de quoi s’inquiéter. « Dans un café, un homme a lancé : "On va marier les PD !". Ça faisait très longtemps que je n’avais pas entendu de tels propos, déplore le conseiller municipal PS de Draguignan. Le climat actuel a fait resurgir un débat latent et une montée de haine et d’homophobie. » L’élu d’opposition se propose de marier les couples homosexuels que son maire UMP, Max Piselli, se refuse à unir.
Paca est pourtant la première région à avoir adopté une motion de lutte contre l’homophobie en 2011, à l’initiative des écologistes. SOS homophobie anime de nombreux ateliers auprès des jeunes. « Le rectorat de Marseille-Aix prend le sujet à cœur et a envoyé un mail aux chefs d’établissement en ce sens, note Christophe Léger. Le Var dépend du rectorat de Nice (2), et c’est plus compliqué car nous n’avons aucune antenne à Toulon et seulement 10 membres dans le Var dont trop peu sont actifs. »
Samantha Rouchard