Au rayon des bondieuseries réacs…
« Dans certains pays, la situation de l’Église est difficile à cause des poussées islamiques, et dans d’autres, il y a bien sur la sécularisation extrêmement forte » s’inquiète cintré dans sa soutane d’apparat, entre deux cessions du récent Synode, l’évêque de Fréjus-Toulon Dominique Rey depuis la place Saint-Pierre à Rome. C’est pour cette raison que ce pourfendeur d’halloween et du Téléthon incite désormais les ouailles de son diocèse à manifester leur repli identitaire, que ce soit par l’aide à l’implantation de « communautés nouvelles » étrangères, ou via le reprise de pratiques d’antan. À Toulon, au cœur du centre-ville ravagé, le port militaire assiste à une poussée communautariste en pleine expansion. En symétrie à la présence réelle d’intégristes musulmans se développe une « paroisse personnelle » catholique traditionaliste en pleine forme, dont les messes en latin sont animées par les « Missionnaires de la miséricorde divine ». Il s’agit d’ecclésiastiques ayant adopté l’aube et la cape blanche comme habits de tous les jours, qui valent déjà à leur responsable, l’abbé Loiseau, le surnom de « Batman » lorsqu’on l’évoque aux comptoirs à l’heure du pastis.
Parce qu’ils se considèrent missionnaires en terre musulmane, ces ecclésiastiques pratiquent ostensiblement l’évangélisation de rue et n’hésitent pas à sortir de leur église pour pratiquer leur culte. « De temps en temps, ils mettent l’autel sur les marches de l’église et ils célèbrent la messe sur la place, dans la rue, avec micro et hauts-parleurs explique l’employée d’une boulangerie adjacente. Les fidèles sont pour la plupart des marinos (1) », précise-t-elle encore. À cela s’ajoutent des processions sur le port, dans les rues, et des happenings engagés à l’image de la récente « Mobilisation de l’Alliance VITA », une scénographie qui s’est déroulée le 23 octobre sur la place de la Liberté, dont la problématique était : « Qui est l’enjeu central du débat sur le projet de loi sur le mariage et l’adoption par des couples de même sexe ? »
Désordre mental
De Toulon à Avignon, l’autre diocèse ultra-conservateur de la région ayant à sa tête Jean-Pierre Cattenoz, le projet de loi sur le mariage homosexuel est incontestablement le grand combat qui unit parfaitement les deux prélats. Avec léger avantage à Cattenoz, qui en plus de ses positions tranchées, s’est illustré par des déclarations homophobes. Déclarations que l’on retrouve aussi à Toulon, un diocèse ayant mis sur pieds son « Observatoire sociopolitique », une officine chargée de rédiger des argumentaires extrêmement conservateurs. Son responsable et délégué, Falk Van Gaver, considère que « L’homosexualité est un désordre : un désordre mental, comportemental, moral, social, un désordre sentimental, un désordre amoureux. L’homosexualité est un mal, un mal social, un mal spirituel, un mal existentiel, et rien ne nous empêchera de le penser et de le dire. »
Les deux diocèses fonctionnent à l’unisson sur la question de l’avortement, Rey et Cattenoz étant des soutiens inconditionnels de la « Marche pour la vie » où l’on retrouve habituellement pêle-mêle Christine Boutin (PCD-UMP), Carl Lang (ex-FN), Frigide Barjot (ex-RPR), ou Bernard Antony (ex-FN). Avec encore une fois avantage à Cattenoz : l’archevêque est membre de l’Institut Notre Dame de Vie. Il a déjà soutenu un colloque pro-vie pour célébrer le quinzième anniversaire de l’association « Famille Missionnaire l’Évangile de la Vie ». Son colloque « La Vie est la lumière des hommes » s’est donc déroulé dans l’ancien couvent du Saint-Sacrement, à Bollène, commune qui fut consacrée au « Sacré Cœur de Jésus » par sa maire, Marie-Claude Bompard (Ligue du Sud, extrême droite).
Le Christ et l’Algérie Française
Contre la chienlit, Mgr Cattenoz et le couple Bompard sont toujours prêts à faire le ménage à trois. En atteste l’affaire Piss Christ, la photographie d’Andres Serrano, contre laquelle Marie-Claude Bompard a manifesté aux côtés de monarchistes radicaux du Renouveau Français. Jacques Bompard affirmant pour sa part qu’« à l’instar de Mgr Cattenoz, la Ligue du Sud demande le retrait de l’œuvre injurieuse et de ses représentations publiques, de l’exposition ». L’avocat des intégristes catholiques, lui-même fidèle pratiquant et membre de la Ligue du Sud, était Hervé de Lépineau, l’actuel député suppléant de Marion Maréchal-Le Pen.
En Vaucluse, Cattenoz n’a même pas à se soucier des rapports entre lefebvristes et catholiques romains, puisque les traditionalistes un temps tentés par les sirènes de Mgr Lefebvre ont rallié Rome via les communautés dites « Ecclésia Dei », parmi lesquelles figurent les deux abbayes du Barroux, masculine et féminine, Sainte Madeleine et Notre Dame de l’Annonciation. « Mgr Cattenoz est une caricature sur patte, glisse une catéchiste d’Orange solidaire des manifestions de fidèles vauclusiens contre leur évêques, une première. Il a baissé le revenu mensuel des prêtres de 950 à 900 Euros ! » se désole-t-elle. Est-ce afin de financer le doublement des effectifs des collaborateurs du prélat et leurs éventuelles voitures de service ? Le diocèse n’a pas souhaité répondre. Pendant ce temps, l’Opus Dei se porte bien à Avignon, une église ayant même le privilège de compter une icône géante et dorée représentant son fondateur, le franquiste Josemaría Escrivá de Balaguer.
En Avignon, le calice est plein. « Mais il ne faut pas oublier Jean-Yves Molinas, le vicaire général de Toulon, qui, le 26 mars 2012, lors d’une messe pour les victimes de la fusillade de la rue d’Isly célébrée à Notre-Dame de Paris, a fait un parallèle entre la Passion du Christ et le sort du petit peuple Pied-noir » souligne François Nadiras de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon. « L’Algérie Française a connu la trahison » affirma notamment Molinas ce jour-là. Comme pour lancer une thématique commune supplémentaire entre les vues de son diocèse et les archaïques positions des UMP et FN locaux.
Jean-Baptiste Malet
(1) Argot local désignant les fratries des officiers de Marine caractérisées par leurs attributs vestimentaires.
Pour en savoir plus sur l’enquête « les fous de Dieu », c’est par ici.