Master en carte Monéo appliquée
Aix-Marseille Université (AMU), l’auto-proclamée « plus grande université de France », intègre elle aussi un porte-monnaie électronique Monéo sur ses cartes étudiantes. Ce système permet sur le campus de régler ses repas, d’emprunter des livres ou encore d’accéder à des zones restreintes. Même si plus de 60 % des étudiants français en bénéficient, une minorité exprime toujours sa méfiance vis-à-vis du dispositif.
Il y a 5 ans, sur le site du campus de Tours, une vingtaine d’étudiants ont même détruit huit bornes de rechargements. Un collectif des faucheurs Monéo dénonçait alors « une technologie liberticide, offrant aux banques un nouveau moyen de nous suivre à la trace ». Si depuis aucune action de cette engergure n’a été reconduite, les syndicats étudiants expriment toujours leur opposition. Jean-Baptiste Martini, co-fondateur de la Fédération syndicale étudiante, était élu au CEVU (Conseil de la vie universitaire) en juillet 2008, au moment de l’introduction de la carte dans l’académie Aix-Marseille : « Quand Monéo est arrivé ici, on nous a demandé de voter pour l’approuver alors que la carte avait été présentée à la presse seulement la veille. Ça nous a été clairement imposé. »
Bénéfices pour le Crédit Agricole
Georges Timonia, militant à Fac Verte, constate aujourd’hui que la plupart des étudiants sont soit résignés, soit ne se posent plus de questions. « Depuis 4 ans, la carte s’intégre de plus en plus dans l’université, constate-t-il. L’usage s’amplifie, notamment au resto U. Il y a des files spéciales Monéo pour que les gens qui payent avec passent plus vite que les autres. Cela encourage fortement à ne plus utiliser de cash. »
Pour les responsables de l’université, la carte ne comporte que des avantages. « Payer en liquide a un coût, explique Frédéric Poirier, directeur adjoint du Crous. Il y a le transport de fonds, la gestion de la monnaie, des problèmes de sécurité. Utiliser le système Monéo nous permet d’alléger ces coûts. » Il y voit également une avancée pour les étudiants : « Avant, on vendait des tickets repas par 10. L’étudiant devait donc faire une avance importante alors qu’aujourd’hui, sur une borne Monéo, il peut recharger sa carte par tranche de 10 euros. »
Cécile Pavillon, responsable communication à la BMS-Monéo, société qui exploite le porte-monnaie électronique, elle-même propriété de BlackFin Capital Partners, un fonds d’investissement français, regrette les malentendus qui circulent, selon elle, parmis les étudiants : « La plupart pensent que Monéo touche une commission sur chaque transaction, alors que c’est faux. Nous répondons à l’appel d’offre émis par l’université. » Une offre qui comprend la fourniture des cartes, le logiciel pour les caisses électroniques et près de 2000 heures d’animation sur 87 sites répartis à travers le territoire national. De fait, seule la banque chargée de faire l’interface entre Monéo et les achats sur le campus, le Crédit Agricole à l’AMU, empoche une commission. Selon Frédéric Poirier, elle est de l’ordre de 0,1 % et n’a pas de répercussion sur les prix pour les étudiants.
Un monopole privé
Face aux inquiétudes sur la vie privée, la BMS-Monéo précise que les cartes sont envoyées vierges, avec seulement la puce permettant l’usage du porte-monnaie électronique. L’université s’occupe de l’encodage, en apposant la photo et d’autres informations sur l’étudiant, ainsi que sa côte, lui permettant de bénéficier notamment du tarif étudiant dans les resto U. De cette manière, données personnelles et informations bancaires resteraient séparées, permettant l’anonymat lors de l’achat.
Mais les usagers-étudiants ont toujours du mal à s’y faire ! Comme Samya, en Master Langues étrangères appliquées, qui confie être parfois perdue: « A la rentrée, on m’a dit que ma carte monéo était périmée. J’ai voulu savoir comment récupérer mon solde, mais apparemment c’était trop tard. J’avais 50 centimes dessus, c’est pas trop grave, mais je suis loin d’être la seule. » Tous regrettent aussi que la perte de la carte entraîne également la perte du crédit contenu, ainsi que l’obligation de fait de la renouveler, au prix d’une dizaine d’euros, car liée à plusieurs services. « On assiste à un monopole privé favorisé par l’Etat, déplore Georges Timonia. Il serait normal a minima qu’on ait notre mot à dire. Les étudiants devraient avoir au moins le choix de se tourner vers une banque un peu plus éthique que les autres, une qui n’investirait aucun euro dans une entreprise d’armement par exemple… » Ce n’est pas encore au programme…
Samir Akacha