Moi, Bernard Laporte, bandit-manchot
« Je regrette mais il n’y avait pas d’intention d’influencer l’arbitre » (1). Bon ok, en août dernier, lors du match contre le Racing métro 92, je (2) me suis fait surprendre dans les vestiaires à la mi-temps à papoter avec l’arbitre et de suite on imagine le pire ! Alors que je voulais juste lui apprendre les paroles du Pilou-Pilou : « Ah ! Nous les terribles guerriers du Pilou-Pilou / Pilou-Pilou ! / Qui descendons de la montagne vers la mer / Pilou-Pilou ! / Avec nos femmes échevelées allaitant nos enfants… / Pilou-Pilou ! » Je devrais en faire un remix tiens ! La musique, c’est le seul domaine auquel je ne me suis pas encore essayé. Contrairement au cinéma. Mais si, souvenez-vous, la pub Madrange, « le jambon star » ! « Les pâtes Lustucru moulées à l’ancienne », c’était moi aussi ! En 2007, mes revenus publicitaires étaient estimés à 700 000 euros par an (3), à ce tarif-là j’aurais été capable de bouffer un cochon entier !
Bon, j’étais plus connu pour ma casquette d’entraîneur du Stade français puis sélectionneur du XV de France. Mais tout est quand même bon pour mettre un peu de beurre dans ses Lustucru ! Resto, camping, résidence de vacances… J’ai même fait dans le textile en vendant sur mon site « 10 000 maillots de l’équipe de France à 146 euros l’unité – soit 71 de plus que le prix conseillé par Nike » (4), mon associé de l’époque Serge Bénaïm avait précisé que bien entendu on allait donner une partie à une œuvre caritative (5). On appelle ça botter en touche !
Mais mon truc à moi, c’est les casinos ! « Un ministre casinotier ? La situation est sans nul doute inédite dans la Vème République » ! (6) En 1996, j’en monte trois sur les plages de l’Atlantique mais celui de Lacanau n’arrive pas à obtenir l’autorisation pour les bandits-manchots car « le ministère de l’Intérieur du gouvernement Jospin bloque. Après avoir pris connaissance du rapport d’enquête très défavorable des RG » (6). Ils disent que les deux casinos des Landes « sont mal gérés » (6) et que les fonds utilisés pour celui de Lacanau « ne sont pas très clairs » (6). Ils portent le soupçon sur mes potes varois, les frères Fargette, Jean-Louis, parrain du Var, abattu dans un règlement de comptes en 1993 et Robert dit « Ptit Bert », abattu en 2000 par deux motards à la sortie d’un bar de La Valette. Tous les trois, on faisait une sacrée équipe, on avait même monté un resto à Paris, on l’avait appelé « Les Princes », c’est dire ! Du coup, en 2000 j’ai tout revendu…
Et puis les amitiés évoluent, je rencontre Nicolas, alors ministre de l’Intérieur. Du coup, j’essaie d’intervenir en faveur du casino de Gujan Mestras, mais la patronne déclare à la presse : « Il est venu m’assurer que j’aurai sans aucun problème mes licences de jeux… à condition que je lui cède la moitié de mes parts »(6) ! Ca m’apprendra à vouloir rendre service ! Du coup je roule pour moi, et en 2006 je possède 33 % du capital du casino de Saint-Julien-en-Genevoix, à la frontière suisse (6).
Nicolas, je lui dois beaucoup ! Il m’a évité pas mal d’emmerdes ! Moi, ce que je dis toujours, c’est que quand on est moitié filou, moitié looser en affaires, il faut savoir bien s’entourer ! En 2009, une enquête fiscale sur la gestion de certaines de mes sociétés du groupe Olé Bodéga, révèle des infractions : « double comptabilité, abus de biens sociaux, détournement d’actifs, transfert de fonds suspects, fausses factures, travail au noir, retraits en espèce » (7). Ben heureusement que Nico il était là pour ralentir la procédure et empêcher un contrôle individuel ! « Je sais qu’il n’y aura pas grand-chose, si ce n’est sur un point précis, la ventilation de la TVA. Et puis ce n’est pas moi personnellement qui suis contrôlé, ce sont les sociétés » (7), voilà ce que je leur ai répondu aux journaleux !
Nicolas m’a quand même offert le prestige : devenir secrétaire d’Etat aux sports de 2007 à 2009, c’pas rien ! Quand on vient de Rodez comme moi, qu’on est fils de monteur EDF et qu’on a que le bac en poche, forcément on a une revanche à prendre sur la vie ! Comme premier conseiller parlementaire, j’ai pris Franck Giovanucci, « qui occupait jusqu’alors des fonctions importantes auprès du président du Conseil général de Corse-du-Sud […] fief du clan Francisci, qui s’est fait, depuis un quart de siècle, une grande réputation dans le monde des jeux et des casinos » (8). J’ai proposé le service civique obligatoire de 100 heures pour les jeunes. C’est important le bénévolat, dans une société qui ne pense qu’à l’argent !
Mais on m’a bien fait sentir que je n’étais pas à ma place. Bernard Kouchner, par exemple, « jamais il ne m’a serré la main pour me dire bonjour. A ses yeux, je passe pour un bouseux. Un rustre, un bouffon même. » (9) Bon j’avoue que parfois j’ferais mieux de réfléchir avant d’agir comme lorsque à la fin de mon discours officiel à l’occasion de la journée « Vivre Sport, Vivre l’Europe » célébrant les champions des 26 pays de l’Union Européenne, j’ai déclaré : « Je tenais à dire que je ne suis pas le père de l’enfant que porte Rachida. » Autant dire que tout le monde s’est foutu de moi ! Rachida la première ! Heureusement Nico lui, il « a la trempe des plus grands. […] Je le respecte et je l’admire » (9)… On ne sait jamais !
Samantha Rouchard