A la recherche de la nouvelle star socialiste
Trois femmes et un PDG. Cela pourrait être le titre d’une série B à l’eau de rose. C’est pourtant le casting attendu du Parti socialiste pour les élections municipales de mars 2014. La circonscription d’Avignon est la seule dans le Vaucluse à être passée à gauche lors des dernières législatives. Le PS peut sérieusement espérer ravir la mairie d’une ville où François Hollande a réuni 55 % à la présidentielle. Pour aller ferrailler contre Marie-Josée Roig, le maire sortant UMP qui semble être en bout de course (lire encadré ci-dessous), deux d’entre eux ont déjà candidaté à l’investiture interne. La première est Cécile Helle, vice-présidente de la Région à l’aménagement du territoire. Benjamine de l’Assemblée nationale en 1997 à l’âge de 28 ans en tant que suppléante de l’ancienne garde des Sceaux Elizabeth Guigou, elle est, à 43 ans, la figure montante de la gauche avignonnaise. La seconde à avoir mis les pieds dans le plat est la conseillère municipale d’opposition et conseillère régionale Christine Lagrange. Sa défaite l’année dernière à l’investiture législative n’a visiblement pas entaché l’ambition politique de la quinqua, institutrice de métier.
Les deux derniers prétendants ne sont pas encore sortis officiellement du bois. Paul Hermelin, PDG du géant de l’informatique Cap Gemini, a déjà fait part de son intérêt pour la mairie d’Avignon et devrait vraisemblablement se positionner en 2013. Rare (seul ?) patron de gauche à la tête d’une société coté au CAC 40, l’ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn à l’Industrie est un proche du président François Hollande. Ce qui peut toujours aider quand on se lance dans une bataille politique… Enfin, la dernière prétendante a décidé d’entretenir le mystère jusqu’au bout : Michèle Fournier-Armand, nouvelle députée de la circonscription d’Avignon, « n’écarte rien ». La vice-présidente du Conseil général du Vaucluse était aussi jusqu’au 14 août dernier conseillère municipale d’opposition, mandat qu’elle a abandonné puisque touchée par la limitation du cumul des mandats (1).
Un choix plutôt paradoxal à première vue pour quelqu’un qui chercherait à ravir la mairie. « C’est en effet surprenant, tacle Christine Lagrange. J’ai lu sa lettre de démission, elle parle beaucoup d’Avignon et des Avignonnais, pas du reste de la circonscription. Elle cherche à montrer qu’elle a des ambitions sans le dire clairement. Et quand on a ce genre d’ambitions, j’estime que le mandat qui convient le mieux pour se faire entendre est celui auquel elle renonce ! » Michèle Fournier-Armand justifie son choix autrement : « Conseillers d’opposition à la mairie d’Avignon, nous ne prenons malheureusement connaissance des dossiers qu’à la délibération en conseil municipal… Mon mandat de conseillère générale me donne la possibilité de rester au contact de la ville, de ses habitants et me donne plus de pouvoir pour faire bouger ce territoire. » Un autre élément a pu orienter son choix : conseiller municipal donne droit à une indemnité d’environ 200 euros par mois contre plus de 2000 euros quand on siège au Conseil général…
La députée Fournier-Armand tiendra vraisemblablement l’ambiguïté sur sa candidature jusqu’à ce qu’une loi-cadre soit votée sur le non-cumul des mandats, promesse de François Hollande. Et le cas échéant, elle n’exclut pas de lâcher son siège au palais Bourbon : « J’ai des atouts pour devenir maire, je suis la seule à avoir été élue sur mon nom, qui plus est avec de gros scores. A mon détriment, je n’ai plus 20 ans et je sais qu’il faudra bien un jour passer la main », souffle-t-elle comme pour se laisser une porte de sortie. En attendant, sa plus grande rivale, Cécile Helle, ronge son frein : « J’ai clairement pris ma décision, je suis pour le non-cumul des mandats et c’est dans cette logique que je n’ai pas brigué l’investiture à la députation. Après chacun fait ses choix, pour moi ça ne change rien, je reste concentrée sur cet objectif. Il faut laisser du temps au temps, d’abord se rassembler, travailler tous ensemble sur un projet solide. Et le meilleur candidat le portera. »
Tous sur la ligne de départ, reste à savoir comment départager les impétrants. La procédure jusqu’ici normale est la désignation par le vote des militants. Mais voilà que, depuis un an, les primaires ouvertes sont plébiscitées, même si elles n’ont encore été expérimentées qu’au niveau national. Plusieurs grandes villes de la région comme Marseille ou Aix-en-Provence songent à en organiser. Mais l’impulsion devra venir de Paris et aucune décision ne sera prise avant la fin du mois d’octobre, date du prochain congrès, à Toulouse. Jean-François Cesarini, fondateur de l’antenne vauclusienne du think tank Terra Nova et proche de Paul Hermelin, ne désespère pas de voir des primaires s’organiser pour 2014 (2). « C’est le sens de l’histoire, la rénovation de la vie politique passe par là, croit-il savoir. Le simple vote des militants n’est plus assez représentatif : il y a autant de socialistes en France qu’en Belgique… Les primaires sont un moyen d’investir le citoyen dans la décision politique, de renouveler les idées d’un parti et d’apporter plus de légitimité au gagnant. »
Chez les candidats, on est un peu plus partagé. Christine Lagrange y est favorable, « pour sortir du microcosme politique et faire émerger des personnalités qui ne sont pas adoubées par un système… ». Cécille Helle et Michèle Fournier-Armand ne sont pas foncièrement contre mais émettent quelques réserves. Leur organisation nécessiterait beaucoup de précautions, avec un nombre de votants assez restreint, les tentatives de sabordage par l’opposition seraient ainsi, selon elles, rendues plus difficiles. Et puis, les municipales étant un scrutin à listes, les électeurs seraient-ils amenés à voter pour une personne ou pour une équipe ?
Enfin, l’influence du reste de la gauche sera primordiale dans la course finale à la mairie. André Castelli, leader local influent du Front de Gauche, conseiller général et municipal, se voit en faiseur de rois. « Les socialistes doivent régler leurs problèmes en interne. Nous verrons le programme, l’équipe puis nous aviserons. Nous n’excluons pas de monter notre propre liste », explique-t-il, laissant ainsi entendre qu’il ne soutiendra pas forcément tous les prétendants du PS. Une épine du pied à peine ôtée, les socialistes avignonnais pourraient devoir s’en défaire d’une autre pour rassembler toute la gauche autour de leur projet. Mais au fait, lequel ? Clément Chassot
(1) Une loi votée en 2000 alors que Lionel Jospin est Premier ministre interdit le cumul de plus de trois mandats lorsqu’on est parlementaire.
(2) Jean-François Cesarini est le co-auteur d’une tribune publiée le 26 août dernier sur le site Internet du Huffington Post en hommage à Olivier Ferrand, où il expose les atoutsdes primaires ouvertes au niveau local.