Paranormal pognon
« Après trois ans de tentative, nous avons enfin obtenu l’autorisation d’organiser le salon Paranormal Vision aux Saintes-Marie-de-la-Mer », se réjouit François Lambert, médium blond peroxydé et organisateur du salon qui s’est tenu début août dans le fief de Roland Chassain, maire UMP, à l’origine en 2008 de l’arrêté municipal interdisant la pratique des arts divinatoires sur la voie publique (1). Médiums mais aussi vendeurs de semelles orthopédiques ou de matelas – savant mélange mercantile de voyance et de bien-être – étaient réunis à deux pas des diseuses de bonne aventure désormais parquées toute l’année par la municipalité sur la place de l’église. « Ils devraient faire un camp de concentration là-devant et les gens nous jetteraient des cacahuètes et des bananes ! », s’insurge Nicole La Gitane, chef autoproclamée des voyantes bohémiennes de la ville.
Si François Lambert a décidé d’installer son salon ici c’est justement pour le côté « mystique » de cette terre gitane, même s’il souhaite se distinguer des diseuses de bonne aventure honnies par Roland Chassain : « On trouve des bons et des mauvais voyants. Les professionnels présents ici ont signé une charte qui les engage entre autres à ne pas proposer de travaux occultes ou à ne pas demander de grosses sommes d’argent. C’est cette transparence qui a convaincu le maire. Je ne suis pas là pour faire du tort aux diseuses, mais la position de la ville est compréhensible. De même, si moi j’étais un voleur on me mettrait en prison ! »
La vision extra-lucide-équitable a pourtant un coût qui interpelle certains visiteurs comme Agnès, la cinquantaine, qui n’hésite pas à appeler ça du « charlatanisme » : « 60 euros la demi-heure et 80 euros l’heure c’est beaucoup trop cher, une consultation extérieure coûte rarement plus de 50 euros. » Les tarifs du salon sont fixés d’avance : 50 % pour le voyant et 50 % pour l’organisation. « A 20 euros la question, il s’agit de poser la bonne ! », rajoute Marianne venue de Nîmes. Neuf voyants répartis dans des box répondent à des noms aussi énigmatiques que leur pouvoir réel : Bergelyne, Esa, Kalyssa, Ethéor, Nephebet, certaines lisent les cartes, d’autres parlent aux morts, y’en a même qui chassent les fantômes… « On ne sait pas à qui faire confiance, du coup j’ai choisi celle qui semble la plus vieille, je me suis dit qu’elle avait sûrement plus d’expérience ! », précise une visiteuse amusée.
François, lui, est venu de Montpellier dans un seul but : « embrasser Sophie Favier », marraine du Salon présente deux heures sur trois jours… mieux que Roland Chassain annoncé pour remettre les « Trophées de l’Avenir » (2) et remplacé au pied levé par sa deuxième adjointe, Christelle Aillet qui laisse entrevoir une édition 2013 au risque de fâcher les diseuses. « C’est vrai que là on leur enlève un commerce ! », note-t-elle. Ce à quoi Nicole La Gitane rétorque l’œil malicieux : « Le soleil brille pour tout le monde, ils ont le droit d’être là. Mais je vais vous dire une chose : on vend tous du vent et là où nous nous prenons 30 ou 40 euros, eux ils demandent le double ! Sachant que nous quand la police vient nous les réclamer, on les rend ! », conclut-elle, l’œil malicieux.
Samantha Rouchard