Où va vraiment l’argent de la culture ?
Le 18 juillet à Avignon, l’Agence régionale des arts du spectacle de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Arcade) a rendu à Aurélie Filippetti, la nouvelle ministre de la culture, une étude consacrée aux politiques culturelles de la région. Un travail mené dans 85 villes de Paca de plus de 10 000 habitants, détaillant également les budgets culture du Conseil régional, des 6 départements de la région, de 31 structures intercommunales et des budgets de l’Etat. Bref, 124 budgets décortiqués et analysés pour comprendre où va l’argent de la culture en Paca. Seul bémol : l’enquête se base sur les chiffres de l’année 2008 ! Mais comme l’analyse remonte jusqu’en 1990, elles permettent de se faire une idée précise de l’évolution locale des politiques culturelles (1).
Avec 1 milliard d’euros dépensés dans la culture en 2008, les budgets sont, en moyenne, deux fois supérieurs à ceux de 1990. Avec 95 euros par habitant, les villes demeurent celles qui dépensent le plus, même si leur implication reste de loin en-dessous de la moyenne nationale (118 euros). Les structures intercommunales sont devenues les seconds acteurs publics (45 euros de dépense par habitant), puis viennent les départements (27 euros) et la Région (11 euros). L’Etat, à travers les Directions régionales (Drac) n’a quasiment pas fait évoluer son budget, ce qui se traduit, avec l’inflation, par une baisse réelle. Les années 2000 marquent également un vrai ralentissement de la hausse des budgets de la culture dans les départements et les régions.
Le secteur du spectacle vivant, avec 40 % des budgets, est le premier secteur bénéficiaire des dépenses culturelles, devant la filière pluridisciplinaire (23 %), le patrimoine (16 %), la lecture (12 %), les arts visuels (5 %) et l’audiovisuel (4 %). Le département des Bouches-du-Rhône concentre 58 % des dépenses, tout financeurs confondus.
Il est très intéressant de creuser les chiffres sur la répartition de ce milliard d’euros. 63 % de l’argent part dans les équipements publics (Opéra, théâtres, centre de danse…) au sein desquelles les dépenses de personnels représentent 42 %. Seuls 37 % du milliard ont été redistribués sous forme de subventions aux quelques 5400 opérateurs culturels. Or les 100 plus gros acteurs culturels concentrent 58 % du budget.
Autrement dit, bien loin des discours sur la nécessité de la démocratisation de l’offre culturelle, les pouvoirs publics consacrent la majorité de leur effort financier à créer des structures publiques, puis engloutissent les budgets dans les frais de fonctionnement et de personnels. Les institutions concentrent le reste de leurs moyens au bénéfice d’un nombre réduit d’opérateurs.
Sur ce modèle, Marseille se distingue tout particulièrement. C’est le constat dressé le 14 juin dernier lors du premier tribunal du Out Of 2013 au comptoir des Victorines (2). Entre 2003 et 2008, le budget culture a augmenté de 9,8 % (118 millions d’euros, soit 113 euros par habitant). Les frais de personnel ont eux augmenté de 17,7 %, ce qui a nécessité de baisser l’investissement de 8,4 % ! Et sur les 75 millions d’euros distribués aux 344 opérateurs culturels de la ville, les 10 premiers captent 60 % de l’argent. L’opéra de Marseille, le conservatoire Barbizet, la Criée, le Ballet National, la cité de la musique, Marseille-Provence 2013, Le Merlan, le Gymnase, Système Friche Théâtre et le Toursky monopolisent 45,4 millions d’euros sur les 75 !
La capitale européenne de la culture va encore accélérer cette concentration. L’association qui gère l’année 2013 consomme 40 % de ses crédits en frais de fonctionnement et redistribue le reste aux plus gros opérateurs présents sur le territoire, les seuls capables en vérité de répondre aux cahiers des charges et à avoir le personnel ainsi que la trésorerie pour mener un projet sur plusieurs années.
De même, l’ouverture du Mucem, du Cerem, le nouveau bâtiment du Frac (3), la rénovation du Palais Longchamps et du musée d’histoire de la ville vont entraîner des frais de fonctionnement très importants. Les acteurs culturels qui ne font pas partie du Top 40 risquent d’en faire les frais dès 2014.
Stéphane Sarpaux