La misère est plus pénible au soleil

mai 2012
Le changement, c'est maintenant ? Il y a du boulot ! Selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement, la région Paca fait une fois de plus partie des cancres. Non seulement la situation ne s’améliore pas mais elle empire !

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En cette année d’élections, Éric Cantona a donné le « la » : après avoir sans succès tenté d’embêter les banques, l’enfant terrible de la cité phocéenne a déclaré, en janvier, être à la recherche de cinq cents signatures. Pas pour se présenter. Mais pour mettre la question du logement au cœur de la campagne. À la veille du premier tour, pour Jean-Pierre Lanfrey, l’un des responsables régionaux de la Fondation Abbé-Pierre, ce combat est plus que jamais d’actualité : « S’il y a quelques années, sur la question du mal-logement, on avait à faire face à la chronique d’une catastrophe annoncée, aujourd’hui, je considère que, sur ce front, nous sommes désormais en état de guerre. »

La déclinaison régionale du 17ème rapport sur le mal-logement est en effet édifiante. Elle dessine les contours d’une région dont l’habitat est essentiellement urbain (à l’exception des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence) et la population précaire : en 4 ans, le nombre de chômeurs a augmenté d’un tiers, la part des ménages non imposables dépasse les 40 %, 767 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté et 320 000 enfants dans des foyers à bas revenus.

Or, déplore Fathi Bouaroua, responsable régional de la fondation, « notre région fait partie des cancres pour le logement social. Il y a, en Paca, plus de 120 000 demandes de logements sociaux. Et, chaque année, on en satisfait à peine une sur dix ». Lanterne rouge : le Var, où, emblématique, La Garde est la seule commune concernée par la loi SRU à posséder plus de 20 % de logements sociaux ! « Les demandes explosent parce que de plus en plus de locataires du privé sont obligés de quitter leur logement, le prix au m2 oscillant entre 12 et 17 euros et dépassant même les 20 euros dans les Alpes-Maritimes. » Dans ce département, comme dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, près d’un tiers des ménages ont un taux d’effort (1) dépassant les 40 %.

Quant au droit au logement opposable (DALO) dont on vient de « fêter » les cinq ans, sur les 16 000 demandes en Paca, malgré une majorité d’avis favorables, seuls 4000 ménages ont été relogés. « Le DALO n’est devenu qu’une filière parmi d’autres, constate Fathi Bouaroua. Et un avis favorable n’empêche pas de se voir expulsé ! » Ne serait-ce que dans les Bouches-du-Rhône, les décisions accordant le concours de la force publique sont en augmentation, avec chaque année, plus de 500 interventions effectives.

Dans ce contexte, la fondation constate que, sur les deux millions de ménages que compte la région, « près de 350 000 » sont « mal-logés », en particulier à Marseille, à Nice, sur le littoral varois et dans les Alpes-Maritimes, « un logement sur dix » dans le parc privé est « potentiellement indigne » (13,3 % dans les Bouches-du-Rhône, 12,6 % dans le Vaucluse…)

Quant à l’hébergement d’urgence, malgré un récent plan de relance, comme les structures d’accueil pour les gens du voyage, il n’est clairement pas à la hauteur des besoins. « Le credo actuel, c’est "le logement d’abord", explique Fathi Bouaroua. Pourquoi pas. Le problème, c’est qu’en attendant, il n’y a plus de financement pour les structures intermédiaires entre la rue et le logement. Et que, dans le même temps, la précarité des ménages s’est étendue. » Pour lui, d’ailleurs, c’est à la fin de l’année qu’on commencera à assister aux conséquences de la crise de… 2008.

Et de conclure : « La fondation a interpellé l’ensemble des candidats, sauf le FN, pour qu’ils mettent la question du logement au cœur de leur programme. Le seul qui a refusé de s’engager, parce qu’il considère, entre autres, que les loyers n’ont pas à être encadrés, c’est l’actuel président. Mais, dans un pays où il manque un million de logements et où on construit péniblement 70 à 80 000 logements sociaux par an, qui pourrait croire quelqu’un assurant que, dans les deux ans, il n’y aura plus de SDF dormant dans la rue ? »

De fait, déplore son collègue, Jean-Pierre Lanfrey, « en période électorale, comme dans toute démocrature, tout est figé ». Ce qui n’a pas empêché la Région de signer une convention avec la fondation. « Parce que la situation est catastrophique, assène l’élu écologiste Colette Charriau, en charge du logement. Les services de l’État diront qu’on n’a jamais autant construit. Sauf qu’on est loin du compte. Le parc social représente en Paca 12 % de l’ensemble des logements. Et, dans notre région, 70 % de la population pourrait prétendre à un logement social. Or, ces dernières années, les dotations de l’État en la matière ont reculé de 35 % et on voit encore des élus se féliciter de ne pas respecter l’obligation de construire 20 % de logements sociaux. Pourtant, ces 20 % ne devraient pas être un plafond. Mais un minimum. Voilà pourquoi il faut sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi. »

De son côté, pour montrer qu’il lutte contre l’habitat indigne, le tribunal de Marseille vient de condamner à dix mois de prison un marchand de sommeil et de confisquer son immeuble insalubre, rue d’Aubagne, où, en 2007, un locataire était mort en se fracassant le crâne dans l’escalier. Cela n’aura pas empêché les expulsions de reprendre. Ni la police de continuer à chasser Roms et SDF. En Paca, alors que le nombre de mises en chantier a diminué de moitié et que les ventes de neuf stagnent (voire reculent dans les départements alpins), on compte, symbolique, près de 500 000 résidences secondaires et plus de 180 000 logements vacants…

Sébastien Boistel

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