Des employés municipaux suivis à la trace

avril 2012
Certains véhicules municipaux sont désormais équipés de balises GPS pour s’assurer qu’ils accomplissent bien gentiment leurs tâches. Une nouvelle idée de Monsieur le maire…

ravi_ysope_pertuis.jpg« L’ambiance est déplorable, on n’a même plus le droit d’aller prendre un café… » Thomas Bernard (1), employé à la voirie ne supporte plus le suspicieux climat qui pèse au sein des services municipaux de Pertuis, dans le Sud Vaucluse. Au printemps dernier, le maire a décidé d’équiper huit véhicules de la ville de balises géolocalisables afin, officiellement, d’obtenir une meilleure gestion du parc automobile. Mais en sous-main, il s’agirait surtout de pister ces flemmards d’employés plus susceptibles de tailler une bavette au PMU que de reboucher les nids-de-poule.

Glorieux entrepreneur à l’origine du leader mondial de la robotique agricole, le maire Roger Pellenc (UMP) – à qui le Ravi a déjà consacré en mai dernier un article sur les liens incestueux entre la ville qu’il préside et la société privée qu’il dirige – semble vouloir gérer Pertuis comme une entreprise. Et optimiser la rentabilité de ses agents. « À son arrivée en 2008, il voulait remettre les employés au boulot…, raconte Thomas Bernard. Cela a commencé avec les premières caméras de vidéosurveillance, installées à l’intérieur du centre technique municipal. Cela continue avec ces puces sur les véhicules. C’est le mécano qui nous en a informés, pour vous dire comment la communication fonctionne… Pour l’instant, toutes les voitures ne sont pas équipées de mouchards mais ça va venir. Ça n’est jamais encore arrivé mais nos patrons peuvent rendre des rapports si on ne se tient pas à carreau. Ce qui ne nous empêche pas de les arnaquer : la dernière fois un collègue a fait dix aller-retour pour voir leur réaction. Aucune. On ne sait même pas si tout cela fonctionne… »

Fabien Perez, chef de file de l’opposition PS à Pertuis, a bien tenté d’en savoir plus sur les objectifs et le coût du dispositif : « J’ai posé une question en conseil municipal au mois de janvier puisqu’aucune délibération n’a été votée et qu’aucun appel d’offre n’a été passé. On m’a simplement répondu que le dispositif avait coûté 3 500 euros. Normalement, j’obtiens toujours des réponses dans un délai de deux ou trois semaines. Là, étonnamment, on ne m’a fait aucun retour… » Le premier édile est malin ! La loi n’oblige pas à passer un appel d’offre pour tout investissement inférieur à 15 000 euros. Concernant la délibération, la mairie indique « qu’elle n’était pas nécessaire puisque le projet concernait notre organisation interne ». Impossible d’en savoir plus, le maire et ses collaborateurs n’ayant pas souhaité réagir aux nombreuses sollicitations du Ravi.

« Ces pratiques se sont généralisées dans le privé pour surveiller les déplacements des commerciaux. Mais certaines collectivités y ont recours pour les camions poubelles par exemple. Cela reste pour nous des procédés de flicage, à la limite du liberticide », tance Jean-Claude Vitran, responsable du groupe de travail technologie et informatique à la Ligue des droits de l’Homme. Les territoriaux eux, prennent leur mal en patience. « On attend les prochaines municipales, patiente Thomas Bernard. 300 employés et leur entourage qui ne voteront pas pour lui, ce n’est pas rien. » Avant de conclure, amer : « Le maire est déjà millionnaire, ce qui l’intéresse lui, c’est le pouvoir. »

Clément Chassot

Imprimer