Le fond de l’air effraie

mars 2012
Fusion sans effusion entre les deux organismes chargés de la surveillance de l’air dans la région, Airfobep et AtmoPaca, pour donner naissance à AirPaca. Mais avec quelques frictions. Et beaucoup d’interrogations.

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« Avec nos homologues d’Airfobep, nous avons les mêmes chromosomes », assure Dominique Robin, le directeur d’AtmoPACA, au lendemain de la création d’AirPaca, née de la fusion des deux organismes chargés jusque-là de la surveillance de l’air dans la région. Sauf que ce mariage de raison, rendu obligatoire par le Grenelle de l’environnement, a failli ne pas se faire.

Au dernier moment, le patron PS de MPM, l’agglomération marseillaise, Eugène Caselli, qui finance AtmoPaca à hauteur de 250 000 euros, a demandé un report de ce mariage de raison. En cause ? « Des points de gouvernance qui ne manqueront pas de poser problème. » Savait-il qu’AirPaca allait être présidé par le sénateur-maire PS de Berre, Serge Andréoni, accessoirement mis en examen dans l’affaire Guérini ? Officiellement, ce qui indispose MPM, c’est qu’elle n’aura droit, malgré son million d’habitants, qu’à un seul siège au conseil d’administration d’AirPaca, comme Nice et Toulon alors que Ouest Provence et Fos, avec 180 000 habitants, en auront quatre.

Un grief que Victor Hugo Espinosa, président de l’association Ecoforum (et administrateur d’AtmoPaca) « peut comprendre » mais qui traduit surtout une « lutte de pouvoir stérile » pour le contrôle du gendarme de l’air dans la région la plus polluée de France. De fait, nous confirme Laetitia Mary, déléguée du personnel à AtmoPaca, « en interne, il y a eu pas mal de craintes. Parce qu’avec Airfobep, nous n’avons pas les mêmes manières de fonctionner ni la même organisation et pas les mêmes cultures ». Un aspect abordé dès 2008 dans un rapport du Centre d’études en sciences sociales appliquées (CESSA), pointant « deux approches différentes de la surveillance de l’air ».

D’un côté, Airfobep, créée (et financée) par les industriels de Berre et surveillant depuis 1972 principalement les sites de cette zone. De l’autre, AtmoPaca, née dix ans plus tard pour surveiller le reste de la région en s’appuyant principalement sur les collectivités locales et les associations environnementales. Comme le résume l’un des auteurs de l’étude : « Jusque-là, on avait d’un côté un organisme, Airfobep, qui effectuait avant tout une surveillance règlementaire et de l’autre, AtmoPaca, une institution qui, pour asseoir sa légitimité et ses financements auprès des collectivités locales, a pris l’habitude de sortir du simple rôle de thermomètre. »

Si les deux entités ont petit à petit appris à travailler ensemble, cela n’a pas empêché, à l’approche de la fusion, les anicroches. En témoigne l’interview mi-2011 de Xavier Villetard, le patron d’Airfobep craignant de voir l’association qu’il préside tout bonnement « absorbée ». Mais, comme le précise le faire-part de naissance d’AirPaca, « ce regroupement préserve l’héritage des structures historiques et permet de mettre en commun les outils et l’expertise ». En clair, traduit Laetitia Mary, « on va garder nos territoires et nos manières de faire ».

Ensuite, avoue Dominique Robin : « Tout est à construire. » Ajoutant : « Et après une bataille, ce qu’il faut, c’est une amnistie. Mais ce rapprochement était non seulement rationnel mais nécessaire car il nous donne une véritable dimension régionale. » Victor Hugo Espinosa, lui, restera attentif sur deux points : « L’indépendance et le financement. Car qui finance ces structures ? L’Etat, les industriels et les collectivités locales. Vous paieriez, vous, pour vous faire taper sur les doigts ? »

Sébastien Boistel

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