Les « privilégiés » crisent
Montrés du doigt, soumis à la « réforme générale des politiques publiques » (RGPP) depuis fin 2007, les fonctionnaires subissent aussi la crise. Comme les usagers de services publics dégradés. À sept mois de la présidentielle et un an après l’échec du mouvement social contre la réforme des retraites, enquête-bilan en Paca.
Curieux. L’une des grandes avancées de la réforme générale des politiques publiques, cette « modernisation de l’État » et de tous ses services chère à Nicolas Sarkozy, devait être l’évaluation : celle des fonctionnaires, des politiques publiques… Pourtant, quatre ans après son lancement en 2007, aucun véritable bilan précis n’a été tiré par le gouvernement et ses préfets de cette « RGPP ».
Paca n’échappe pas au culte du secret. Contactée, la préfecture de région n’a pas répondu au Ravi. Pour avoir une idée de la situation dans les Alpes-de-Haute-Provence, même Jean-Louis Bianco, président PS du conseil général, doit sortir sa calculette. Son département n’a pas été épargné : fermeture de la direction des finances publiques, de celle de la protection judiciaire de la jeunesse, du centre d’instruction et d’entraînement au combat en montagne de Barcelonnette… « Entre les 31 décembre 2007 et 2010, 282 postes ont été supprimés, soit 7 % des effectifs de l’État, auxquels s’ajoutent les 80 emplois en moins à l’hôpital de Digne, explique ce proche de Ségolène Royal. C’est une estimation au conditionnel, mais lorsque nous avons présenté nos chiffres, la préfète était très intéressée. »
Les syndicats font aussi leurs calculs. À la rentrée, le Snes a annoncé la suppression de 754 nouveaux postes en Paca dans l’Éducation nationale, qui a déjà vu ses effectifs fondre de 10 % depuis 2003. La FSU estime de son côté que la fusion du Trésor et des Impôts a également eu raison d’au moins 10 % de ses troupes régionales. Dans les Bouches-du-Rhône, la répression des fraudes a perdu 28 inspecteurs selon la CGT. Ils ne sont plus que 26. Résultats ? « Des gens meurent dans les Mac Do, des gamins s’étouffent avec des particules de jouets », s’énerve Frédéric Larrivée, secrétaire général adjoint de la CGT Finances publiques des Bouches-du-Rhône. « Les agents sont mis sous pression constante, avec des objectifs difficiles à atteindre », explique Gilbert Jean, ancien du ministère du Travail et secrétaire général adjoint à la FSU 13.
Pour les usagers, la partie visible de l’iceberg, ce sont les files d’attente qui s’allongent, des services publics qui s’évaporent, d’autres qui ne sont plus accessibles que par téléphone (et encore). La RGPP met aussi en péril l’égalité d’accès et de traitement des citoyens. « Les impôts sont réorganisés en fonction de la fiscalité des riches et des pauvres, ces derniers étant considérés comme un enjeu négligeable. À Marseille, il est question de créer un centre regroupant les 2e, 3e, 14e, 15e et 16e arrondissements, soit les plus peuplés et les plus populaires », assure Frédéric Larrivée. Autre « lourd dossier » dénoncé par le syndicaliste : « La vente du patrimoine de l’État, sous prétexte de remboursement de la dette. C’est la tactique de la terre brûlée, ça empêche tout retour en arrière. »
Nicolas Sarkozy ne change pas de cap : en période de crise, explique le président, les fonctionnaires ont, certes, « un métier difficile », mais surtout « un statut qui les protège ». Inutile, donc, de trop s’en faire pour ces privilégiés. S’ils ne sont pas contents, qu’ils crisent ! Le gouvernement réfléchit déjà à abandonner de nouvelles missions au privé. Évidemment, dans le plus grand secret. Et dans l’intérêt général…
Jean-François Poupelin