Moi, Xavier Giocanti, le « plaisir intérieur brut »
New York, au centre de Manhattan, chambre 2806 du Sofitel. Xavier Giocanti, appréciant en connaisseur et avec gourmandise le luxe, déambule, pensif, d’une pièce à l’autre, avant de se laisser tomber dans le confortable sofa du petit salon privatif. Je me demande si Christine a eu vraiment une bonne idée de réserver cette suite. Ça va faire jaser. C’est vrai, l’hôtel est parfait : Times Square, Broadway, les grands restaurants… C’est quand même plus glamour que les quartiers Nord de Marseille ! On sent que le moindre détail a été pensé pour satisfaire les clients. La moquette est d’un moelleux ! Les femmes de chambre sont dévouées. Et mignonnes en plus ! (Il se fige, inquiet, comme si quelqu’un avait pu l’écouter.)
Ne surtout pas s’approcher des femmes de chambre ! De toute façon, moi, je suis l’homme d’une seule : Christine. On s’est connu à la fac de droit de Nanterre, au début des années 1980. Avec nos diplômes tout juste en poche, nous étions chargés des travaux dirigés. Super glamour ! Nous nous trouvions sympathiques. Rien d’autre. Nous étions mariés chacun de notre côté. La vie a passé. J’ai eu deux enfants, Christine aussi. Nous nous sommes perdus de vue. Nous avons divorcé. Je regardais de loin la carrière de « Mme Lagarde » s’élever vers les sommets : « chairman » d’un grand cabinet d’avocats américains, ministre dans le gouvernement Villepin.
« Préparez-vous à avoir de courtes nuits »
Mon Amérique à moi, ce sont les quartiers Nord de Marseille. Jean-Claude Gaudin m’a offert un truc génial : une zone franche urbaine. Je résume. Sous prétexte de relancer l’économie dans des quartiers socialement explosés et de créer des emplois pour les pauvres, on offre à des riches – pardon, à de dynamiques entrepreneurs – le moyen de faire de belles affaires en pratiquant la défiscalisation en toute légalité. Marseille ! J’adore. Comme tous les Corses, je m’y sens vraiment chez moi. (Son portable vibre.) Tiens, un SMS de mon « frère » (1) d’adoption, Renaud Muselier.
Renaud, c’est mon grand copain. Il a investi avec mon frère, François-Michel, le beau-frère de Christine, dans un beau projet immobilier sur l’île de Saint-Martin aux Caraïbes : 33 villas de luxe, un golf, des plages privées, les services d’un Sofitel et, bien entendu, un régime fiscal privilégié. Le soleil, une zone franche, le pognon, comme dans les quartiers Nord, la racaille en moins ! Faut dire qu’il a pris goût aux voyages, Renaud, après son secrétariat d’État aux Affaires étrangères, sa mission au bidule euro-méditerranéen. Comme c’est mesquin de lui reprocher un conflit d’intérêts entre ses fonctions politiques et son sens des affaires ! Les gens sont jaloux.
On rigole bien ensemble. Il a tenu la chandelle lors de mes retrouvailles avec Christine, en 2006, vingt ans après la fac de Nanterre. Ministre déléguée au Commerce extérieur, en visite à Marseille, elle enchaîne une réunion avec des entrepreneurs locaux – j’y suis ! – puis un dîner avec des militants UMP – j’y suis encore ! Chabadabada ! Chabadadada ! « Le coup de foudre, oui. (2) » Christine, sous ses airs sévères, c’est une vraie midinette. Et une coquine aussi. Elle adore la presse people qui nous le rend bien aussi. À Gala, en parlant de moi, elle a donné ce conseil aux jeunes filles ambitieuses et amoureuses : « Choisissez attentivement votre compagnon de route et de vie, et préparez-vous à avoir de courtes nuits. (3) »
Hé hé ! Nos nuits sont très courtes. « Je m’occupe de son PIB, son plaisir intérieur brut. (4) » Ben quoi ? C’est pas parce qu’on est aux States qu’on ne peut plus parler sexe. Ils ont le droit de me passer les menottes si je m’envoie en l’air avec la présidente de l’International Monetary Fund sans être encore passé par la case mariage ? « Les chefs d’entreprises ne sont pas des corps abstraits et intouchables. Ce sont des êtres humains qui aiment partager des moments forts avec les autres […]. L’effort physique est un excellent révélateur de personnalités et un facteur unique de rapprochement. (6) » Je ne parle plus de bagatelle, petits vicieux, mais de sport ! J’ai lancé « La Course des 3 chances » à Marseille. Objectif ? Tisser des liens entre employeurs et jeunes demandeurs d’emploi.
Les gens ont l’esprit mal placé. On me l’a emmerdée, ma Christine, avec Bernard Tapie. Prendre le risque de faire capoter sa candidature au FMI parce qu’elle aurait fait preuve d’abus de pouvoir en aidant Nanar à encaisser 45 millions d’euros supplémentaires ! Comme c’est mesquin… Les mêmes plumitifs sont allés me gonfler avec une pseudo affaire. Mon entreprise aurait abusivement perçu des subventions européennes. Moi, rien ne me démonte. Ma boîte, je l’ai appelée Résiliance, avec un « a ». Ma devise : rebondir plus haut après les épreuves. Si j’ouvre une zone franche urbaine en Grèce, ils vont tous me tomber dessus ! Tiens, c’est une bonne idée. Faut bien les aider à remonter la pente, les Grecs ! Je vais en causer à Christine. Mais qu’est-ce qu’elle fait enfin ? Elle devait juste prendre une petite douche rapide. Xavier Giocanti se lève, mais s’immobilise aussitôt. Stupéfait. Christine Lagarde sort de la salle de bain entièrement nue, les yeux brillants. Elle va verrouiller la porte d’entrée et se précipite ensuite sur son compagnon « de route et de vie » en le jetant à même sol. Arrête Christine, arrête ! Ils vont encore devoir changer la moquette !