Dans la casemate de la nostalgérie
Une immense croix de Lorraine, symbole inconditionnel du gaullisme, est dynamitée depuis son socle. Au milieu d’étincelles lumineuses, le logo du « Comité Véritas » brille de mille feux. Dans ce bulletin d’adhésion 2010 de l’association de nostalgériques ultras, son ancien président, feu Joseph Hattab-Pacha (1), n’y va pas de main morte : « Charles de Gaulle mérite d’être poursuivi et condamné comme l’ont été les artisans et les complices de l’holocauste juif ! » Posé parmi d’autres, le tract de cette officine révisionniste proche du Front National se trouve au premier étage de la « Maison du Maréchal Juin », située 27 avenue de Tubingen à Aix-en-Provence. Équipement municipal créé par le maire socialiste Jean-François Picheral, il s’agit de la plus grande maison des rapatriés de la région (voir le Ravi n°12).
Ici, de nombreuses associations sont hébergées et composent le Collectif aixois des rapatriés (CAR), subventionné par la mairie d’Aix-en-Provence à hauteur de 78 686 euros en 2008, et 43 086 euros en 2009. On y retrouve le Cercle algérianiste d’Aix-en-Provence (6 000 euros de subvention annuelle) ; le Centre de documentation historique sur l’Algérie (15 245 euros), mais également les pro-OAS de l’Adimad (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française, voir le Ravi n° 55 et 58) ou le Comité Véritas, précédemment cité.
« De Gaulle doit être condamné »
Est-ce la présence de ces associations d’extrême-droite et de leurs documentations qui ont mené René Andrès, président du CAR et taulier de la maison, à refuser de répondre à nos questions ? Toujours est-il que le Ravi n’est pas le seul à être tenu à distance par cette « maison des rapatriés ». Jacques Pradel préside l’Association nationale des Pieds-Noirs progressistes et leurs amis, une association qui, entre autres choses, « condamne sans réserve le système colonial qui a été imposé par l’état français, avec à l’époque un large consensus national, aux populations d’Algérie ». Il explique : « J’ai cherché à plusieurs reprises à joindre René Andrès pour connaître les modalités de fonctionnement de cette « maison des rapatriés ». Je n’y suis jamais parvenu. »
Dans ce véritable lieu de contre-culture, un début d’explication se trouve sur les panneaux de photographies affichées au premier étage. L’un d’entre eux présente des clichés de la maire, Maryse Joissains, lors de sa grande messe du Pasino « La mémoire qui saigne » (voir le Ravi n°74) durant laquelle Jean-Pax Méfret, le chanteur d’extrême-droite que la mairesse affectionne, avait revisité des chapitres entiers de la guerre d’Algérie. À côté de ces photos, d’autres représentent une messe donnée dans l’église Lefebvriste Saint-Nicolas du Chardonnet, à Paris. Là encore, un site emblématique de l’extrême-droite française. Autre fait marquant : en 2003, le théoricien de la guerre révolutionnaire Charles Lacheroy (2), qui fut condamné à mort par contumace en 1961 pour ses manœuvres avec l’OAS, dédicaçait ses livres… dans cette « maison des rapatriés », colonisée par des nostalgériques ultras, et financée par la République.
Jean-Baptiste Malet