La petite boucle
Après l’hiver, le printemps puis l’été. Après le turbin, le temps des bains badins. Ce que Nietzsche, en lissant facétieusement sa moustache, résumait avec classe par « l’éternel retour du même ». Autre traduction, moins philosophique, de l’implacable enchaînement des saisons : le départ, depuis plus d’un siècle, début juillet, du Tour de France. La compétition sportive préférée des amateurs de la trilogie « chaise pliante, glaciaire, bière fraîche » se nomme « la Grande Boucle ». Les mots ne trompent pas : c’est une affaire de cercle, une révolution sans cesse recommencée…
L’inaltérable popularité de cette compétition cycliste a forcément des fondements métaphysiques. Sinon comment expliquer l’enthousiasme jamais démenti pour des « forçats de la route » chaque année pris en flagrant délit de tricherie ? Alberto Contador, vainqueur en 2007, 2009 et 2010, dopé l’été dernier aux anabolisants, a obtenu pourtant le droit de figurer sur la ligne de départ. Vous pourrez aller vérifier vous-même entre Saint-Paul-Trois-Châteaux (26) et Pinerolo (Italie), en passant par Gap (04), si l’Union cycliste internationale surveille bien son urine…
À moins que vous préfériez, comme nous, emprunter des chemins de traverse. Depuis 2008, une petite boucle fait de plus en plus parler d’elle : un « alter tour » qui dénonce le dopage sous toutes ses formes, dans le sport mais aussi l’agriculture industrielle, l’économie de marché… Sa 4e édition va lézarder en Provence et dans le Lubéron. Les vélos sont partagés, le circuit serpente de chemins de halage en places de village. Les cyclistes s’octroient des pauses fréquentes pour multiplier débats et rendez-vous festifs. Bref, quelques moments volés où l’utopie est (la petite) reine.
le Ravi