Dans la gueule de l’extrême droite
De Nice à Orange, en passant par Toulon, Marseille et Marignane, du Front national à la Ligue du Sud, sous oublier les Identitaires et autres groupuscules « nostalgériques », le Ravi a enquêté sur l’extrême droite. Paca est toujours un de ses bastions. Et pourrait bien le rester durablement…
Nice, le 6 novembre. Plus de 250 personnes assistent à l’hôtel Campanile, promenade des Anglais, à un « grand débat-apéritif » avec Marine Le Pen. La fille du vieux leader xénophobe – qui passe le relais lors du congrès du Front national en janvier prochain – est en pleine campagne interne. Dans la salle, les questions des militants sont celles d’une extrême droite décomplexée. Exemple : « Quand est-ce que l’on ramène nos gars d’Afghanistan ? On pourrait en avoir besoin dans les banlieues ! » Marine, discrètement complice, ne contre surtout pas aussi bel enthousiasme mais cadre sa réponse en dénonçant seulement la présence française en Asie centrale. Nul dérapages verbaux comme les affectionne toujours son père…
Continuité et changements : dans l’hémicycle de l’hôtel de région à Marseille, les 22 élus du FN illustrent bien la tendance qui domine dans l’extrême droite régionale. Très symboliquement, le groupe compte le doyen de l’assemblée, Jean-Marie Le Pen lui-même, 82 ans, et David Rachline, 23 ans, son benjamin. Né à Saint-Raphaël (83), ce dernier préside au niveau national le FNJ, le mouvement de jeunesse du parti. La place importante faite aux nouvelles générations s’explique, bien sûr, par la fuite de certains cadres frontistes vers les rangs des frères ennemis de la Ligue du Sud. Mais pas seulement. Les républicains auraient tort d’espérer que le Front s’éteigne naturellement avec l’âge.
De Nice à Orange, en passant par Toulon, Marseille et Marignane, du Front national à la Ligue du Sud, sans oublier les Identitaires et autres groupuscules « nostalgériques », notre journaliste, Jean-Baptiste Malet, a enquêté en se plongeant dans la gueule de l’extrême droite. La bête a de beaux restes en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Lors des dernières élections régionales, le FN – tout juste 9 % en France – y a frôlé les 23 %. Les calamiteuses expériences municipales à Toulon et Vitrolles ne semblent pas avoir vacciné les électeurs provençaux. Elles ont laissé des traces durables comme à Marignane (13), où le nouveau maire divers droite a parrainé une stèle en hommage à l’OAS…
La division entre fidèles de Le Pen et partisans de Bruno Mégret a longtemps ravagé l’appareil FN en Paca. La volonté de Jacques Bompard, le maire ex-FN et ex-MPF d’Orange (84), de fonder en mars dernier une « Ligue » sur le modèle de celle des néofascistes italiens a fait craindre, ou espérer, une nouvelle bataille fratricide. Les déchirements entre pro-Marine et pro-Gollnisch illustrent eux aussi la grande capacité de ce beau monde à s’entre-déchirer. Mais au-delà des haines et des ambitions, des liens puissants unissent les divers courants de l’extrême droite : culte du chef, rejet viscéral des étrangers, nostalgie d’un âge d’or fantasmé où l’ordre régnait, haine de l’establishment…
Cette enquête sur l’extrême droite, qui suit de peu (le Ravi no 78) une autre sur la droite extrême, n’est qu’une première étape. Reste devant nous une question. Et pas la moindre. Jusqu’à quand la droite républicaine se tiendra-t-elle à distance du FN ? Se contentera-t-elle encore longtemps de draguer ses électeurs à coup de rodomontades sécuritaires et autre débat sur « l’identité nationale » ? Pour l’heure, Marine Le Pen tient ses distances avec l’UMP afin de fédérer ses troupes. La dernière fois que le cordon sanitaire autour du Front national s’est rompu, c’était en Paca, en 1986. Une initiative de Jean-Claude Gaudin qui lui a permis de présider la région. Une vieille histoire révolue ou un modèle à suivre pour l’avenir ?
M. G.
Rencontres publiques Ravi & extrême droite
le Ravi invite Charlie Hebdo
Marseille
Samedi 4 décembre
15 heures
Equitable café
54 cours Julien, 13006
le Ravi enquête sur l’extrême droite
Toulon
Rencontre avec la rédaction et François Nadiras, de la LDH Toulon
Samedi 11 décembre
17 heures
Librairie La Nerthe
17 rue Paul Lendrin, 83 000