La chasse aux Roms
Un tractopelle écrase des caravanes. Les vitres explosent et de multiples objets sont éjectés sur le sol. Parmi eux, des peluches. Les enfants et les familles qui habitaient là, en situation illégale, ont fui avec précipitation avant l’arrivée de la police. Cette scène ne s’est pas déroulée au siècle dernier, en catimini, ou dans quelques régimes exotiques, mais le 19 août dernier, à Aix-en-Provence, en présence de nombreux journalistes prévenus par la Préfecture. Le même spectacle, le même déshonneur, s’est reproduit un peu partout dans l’Hexagone. Dans cette France toujours prompte à donner des leçons de vertu au monde entier. Et cette chasse aux Roms, puisqu’il s’agit bien de cela, a été lancée au plus haut sommet de l’Etat.
« Les discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu’il y a des populations inférieures sont inacceptables », a protesté Christophe Dufour, l’Archevêque d’Aix-en-Provence et d’Arles, réclamant « le respect des personnes et de leur dignité » à l’image de nombreux responsables catholiques ou protestants. Des réactions d’indignations se sont exprimées même à droite. Le député UMP de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, est allé jusqu’à dénoncer « des méthodes qui rappellent les rafles pendant la guerre ». Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’Onu s’est très officiellement « inquiété de la montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms » en France.
Les Roms, pauvres parmi les pauvres, ne sont pas des anges. Ils survivent souvent de petits trafics et de travail au noir. Pourtant, qui peut croire sans rire que leur présence est la cause des problèmes économiques et sociaux de notre pays ou les aggrave significativement ? Qui peut affirmer sans rougir, même parmi les élus obsédés par la « sécurité » si nombreux à droite comme à gauche, que leur expulsion systématique fera baisser sensiblement la délinquance en France ? Mais peu importe ! Les Roms, frères maudits des bohémiens et autres gens du voyage, réveillent des peurs ancestrales. Et la peur – comme la haine de la différence, le rejet du plus faible – a toujours été un atout prisé par les démagogues politiques.
le Ravi