Quand j’entends le mot TER, je sors mon révolver

juin 2010
L'insécurité dans les trains régionaux est l'un des fonds de commerce préférés de l'extrême-droite, dramatisant chaque fait divers. Les incivilités dans les TER restent pourtant l'exception...

« La France est complètement désarmée, ouverte à toutes les agressions, à toutes les invasions ». Dans son « journal de bord » du 30 janvier, vidéo hebdomadaire sur son site de campagne, Jean-Marie Le Pen éructe comme à l’accoutumée. Motif du dernier coup de sang de la tête de liste du Front national en Paca ? Les 7 trains, dont 2 TER, dévastés par des casseurs en gare de Nice, dans la nuit du 23 au 24 janvier. Pour l’extrême-droite, c’est simple : les trains régionaux sont le théâtre d’une insécurité permanente. Et de monter en épingle chaque fait divers, surtout si y figurent des jeunes d’origine maghrébine. Entre Saint-Raphaël et Mandelieu, un groupe venu fêter l’Aïd à Nice a semé la panique dans un TER le 20 septembre dernier. Var Matin titre « un train mis à sac » tout en reconnaissant, presque à regret, « qu’il n’y a pas eu de violence physique ni de vol à l’encontre des passagers ». Le Pen publie aussitôt un communiqué dénonçant « un déchaînement de violence »… « Les Tags génèrent de l’insécurité mentale » La Ligue du sud, l’autre liste d’extrême-droite conduite par Jacques Bompard, surenchérit : « pour que la peur change de camp, mettons fin à l’impunité de la racaille ! ». Au motif que « chaque jour les usagers et le personnel des TER subissent insultes, intimidations, vols, violences », le maire d’Orange (ex-FN, ex-MPF, ex-vice-président de la Région Paca du temps de la co-gestion entre Jean-Claude Gaudin et le FN) promet la création d’une brigade régionale des transports « ayant comme mission de sécuriser les TER ». Il existe pourtant, depuis 2003, une police régionale des transports, forte de 215 agents, financée par le Conseil régional. Coût : 6 millions d’Euros par an. « Est-ce qu’il faut placer un gendarme derrière tous les passagers ?, interroge Philippe Cretin, délégué varois de la Fédération nationale des usagers des transports. Je ne monte jamais dans un TER en redoutant ce qui va m’arriver ! Le problème c’est plus la dégradation du matériel, les tags systématiques, qui génèrent de l’insécurité mentale ». Les syndicats protestent, de leur côté, contre la réduction des effectifs déshumanisant les gares, souvent désertes, et des trains où les contrôleurs se font rares. En décembre dernier, l’opération « billets à 1,20 Euros » dans les TER la nuit de la Saint Sylvestre a été supprimée pour éviter les débordements. En janvier 2006, le ministre de l’Intérieur, un certain Nicolas Sarkozy, s’était déplacé dans le Var après des incidents causés par des jeunes enivrés. « Dire qu’il n’y a aucun problème de sécurité dans les TER est aussi con que d’affirmer que ce sont des coupe-gorges, assène Christophe Castaner, conseiller régional socialiste. Nous n’avons pas baissé les bras ni fermé les yeux. Nous avons financé des agents alors que ce n’est pas notre prérogative. Nous avons équipé certaines gares de caméras de surveillance ». Autre conseillère régionale sortante, passée des Verts au Modem dont elle conduit la liste en Paca, Catherine Levraud a un point de vue sensiblement différent : « Quand on raconte qu’il y a de l’insécurité dans les trains, on oublie le bilan de la voiture. Combien de morts sur la route, de véhicules volés, dégradés, d’agressions ? Je prends souvent le TER, c’est un lieu de convivialité. On s’y parle ! Face à des jeunes faisant les idiots, j’ai toujours réussi à me faire entendre. Et je ne fais pourtant pas 2 mètres de haut et 120 kilos ! ».

Michel Gairaud

Imprimer