L’Education nationale redécouvre Mosart
Pure coïncidence ? Jamais à court de lyrisme en matière de dénomination de ses outils informatiques (Edwige, etc.), le gouvernement s’est encore surpassé avec sa future application chargée de gérer les retenues sur salaires des personnels de l’Education nationale. Son doux nom : Mosart. Un musicien mort sur la paille…
Lancé en début d’année scolaire dans quelques académies pilotes, dont celle de Nice-Toulon, ce « module de suivi des absences et des retenues sur traitement » est bien plus qu’un simple « outil à finalité comptable », comme l’expliquait le ministère de l’Education nationale (Men). En précisant, à l’avant-dernier paragraphe d’un courrier destiné aux recteurs en 2009 : « Mosart comportera également un module consacré à l’estimation du nombre d’absents, sans mention nominative, destiné à être utilisé en cas de cessation concertée du travail. » En français : un pointage des grévistes.
Si certains ont pu espérer qu’en passant à l’informatique, le comptage serait enfin juste, ils ont rapidement déchanté. L’application ne change strictement rien aux bidonnages, comme a pu le constater dès novembre dernier Pascal Brun, administratif dans un lycée de Brignoles (83) et membre du bureau de Sud Education Var : « pour les enseignants, le chef d’établissement donne les absences à 9h et à 10h sur l’effectif total et non sur ceux qui ont cours. Résultat, plus la grève est suivie, plus la différence entre le taux réel et le taux Mosart est importante. » Les joies de l’informatique.
Elles sont immenses ! Dans son obsession de taper au portefeuille les contestataires, le gouvernement fait également des dégâts collatéraux. « Depuis la grève du 23 mars, Mosart a évolué. Désormais, un courrier pour service non fait est immédiatement envoyé aux grévistes. Sans possibilité de recours pour ceux qui étaient malades ou en formation », dénonce encore le responsable Sud Education.
Mais ces petits bidouillages ne sont rien à côté du vrai bug possible. S’il considère que le module est loin de rivaliser avec « Base élèves », Yvon Guenier, directeur de l’école Bon Voyage à Nice, note malgré tout quelques dérives possibles. Et inquiétantes. « La notion de « service non fait » est assez floue pour qu’il y ait des risques que le refus de mettre en œuvre le soutien individualisé ou de remplir la Base élèves soit sanctionné », note le délégué Sgen CGT. « Ou tout ce que les personnels administratifs ne font pas même si ça n’est pas dans leurs attributions », complète Pascal Brun.
Beaucoup plus suspicieux, le militant estime de son côté que l’application va surtout permettre d’identifier plus facilement les moins dociles. Et d’accuser : « Mosart est un élément isolé de la machinerie de fichage des enseignants et des élèves. » De fait, depuis décembre, une autre application Internet a été mise en service dans le Var. Elle permet de suivre l’absentéisme des élèves, le nouveau grand combat de Nicolas Sarkozy. Un nouvel « outil à finalité comptable » ?
Jean-François Poupelin