Mariani : le vrai départ ?

juin 2010
Thierry Mariani mène une campagne au pas de charge pour tenter de rattraper son retard à l'allumage. Le 23 janvier, l'inauguration de sa permanence, entourée des grands barons de la droite régionale, a marqué le « vrai départ » d'une bataille à l'issue incertaine pour l'UMP. Récit & décryptage.

Cravates, talons hauts. La petite troupe qui s’accumule boulevard des Dames, ce 23 janvier, ne passe pas inaperçue. Nous sommes dans le périmètre d’Euroméditerranée, l’opération de rénovation urbaine censée bâtir un grand quartier d’affaires sur les ruines du Marseille portuaire. Au même moment, Porte D’Aix, à quelques pas du local de campagne de Thierry Mariani, s’affaire une autre foule, plus colorée et moins fortunée, autour d’un « traditionnel » marché aux puces sauvage. Mais l’UMP n’est pas venue ici pour se rapprocher des masses populaires et immigrées. Car Porte d’Aix, c’est aussi l’adresse de l’Hôtel de Région. « Nous n’aurons que 300 mètres à parcourir le soir du 21 mars après notre victoire », lance Bernard Deflesselles, député des Bouches-du-Rhône où il est tête de liste.

L’UMP a mobilisé ses grands barons pour marquer « le vrai départ », selon Mariani, de la bataille électorale. Jean-Claude Gaudin, Hubert Falco, Marie-Josée Roig, Maryse Joissains et de nombreux parlementaires ont fait le déplacement. A peine remarque-t-on l’absence du ministre Christian Estrosi, probablement affairé dans les hautes sphères parisiennes à sauver l’industrie française. Guy Teissier, président d’Euroméditerranée, n’est pas non plus de la fête. De là à penser qu’il n’a pas digéré que le député du Vaucluse ait été choisi à sa place… La petite salle, surchauffée, est comble. Musique à fond les ballons, les héros du jour entrent en scène.

Renaud Muselier, député et président de la fédération UMP des Bouches-du-Rhône, ouvre le bal. « Fils de Paca », il avait conduit la liste de la droite en 2004. A l’arrivée : seulement 26 % des suffrages au premier tour et moins de 34 % au second… « Cette campagne va être un affrontement idéologique sur le fond, face à une équipe sortante qui se positionne comme la résistance au changement national (…) Nous pouvons gagner car nous avons la majorité dans cette région. » C’est le paradoxe en Paca. Toutes les grandes villes y sont dirigées par la droite, Nicolas Sarkozy a obtenu dans la région ses plus beaux résultats. Mais la région elle, est dirigée depuis 1998 par un socialiste allié aux communistes et aux écologistes. A chaque fois, Michel Vauzelle a pourtant mené une campagne très ancrée à gauche. A chaque fois, il est vrai, le score élevé du Front national lui a facilité la tâche. Le président de la République a voulu faire du prochain scrutin un enjeu national. Un fardeau parfois lourd à porter pour les petits soldats de l’UMP…

Bernard Deflesselles, député des Bouches-du-Rhône, prend le relais. Il était lui aussi candidat pour conduire la liste UMP. Président du groupe au Conseil régional, présent dans l’hémicycle, il était légitime. Mais l’Elysée lui a préféré Mariani, mieux identifié à Paris notamment en raison de ses prises de position musclées contre l’immigration… « Nous n’avons pas peur ! Un sondage commandité par Michel Vauzelle nous explique que nous sommes satellisés. Nous ne sommes pas dupes ! »

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Payée par le PS, une étude, publiée fin janvier, donne Vauzelle à 30 % au 1er tour et Mariani à 28 %. Au second tour, dans une triangulaire avec le FN, Vauzelle gagne avec 48 % et Mariani à 34 % (comme Muselier en 2004 !). Même dans l’hypothèse d’un duel, l’écart se creuse en faveur du président sortant (56 % contre 44 %) Curieusement, seulement 18 % des sondés s’abstiennent (39 % en 2004 au 1er tour) ce qui fausse l’analyse… Mais tous les autres sondages précédents ont, eux aussi, donné Mariani perdant.

C’est au tour d’Hubert Falco. Le maire de Toulon, que Sarkozy aurait aimé voir monter au front, s’est désisté puis résigné à conduire la liste dans le Var. Secrétaire d’Etat, il se lance dans un plaidoyer laborieux du président grâce auquel « la France est le pays d’Europe qui se sort le mieux de la crise ». Si Falco n’a jamais perdu une élection, ce n’est pas grâce à ses talents de tribun ! « Faisons taire l’arrogance et le triomphalisme de Michel Vauzelle ! Plaçons en tête Thierry dans chacun de nos départements au 1er tour et la victoire est possible ! » Cette stratégie de l’UMP lui a bien réussi aux Européennes en 2009 : 28 %, un score très modeste mais suffisant pour s’imposer comme la 1ère formation politique en France. « Petit » problème : aux régionales, il y a encore deux tours. Du moins jusqu’en 2014 puisque le gouvernement va réformer le mode de scrutin…

Jean-Claude Gaudin chauffe à blanc en quelques minutes la salle. Pas de doute ! Le meilleur orateur c’est bien lui. Dommage pour l’UMP qu’il ne soit plus candidat hors des frontières de Marseille. Tonitruant. « La campagne ne permet pas tous les mensonges. Personne ne veut retourner à l’ancien régime en supprimant les régions ! » Cinglant. « Le conseil régional veut intervenir sur tous les sujets, la mondialisation, les associations. Hélas, ce n’est pas toujours très clair ! » (référence aux « affaires » qui déclenche les rires) Catégorique. « Nous sommes unis. Nous sommes une famille. » Sauf que ! Faire entrer tous les prétendants sur les listes – UMP, Nouveau Centre, Villiéristes, « progressistes » (les amis d’Eric Besson. Il en a encore !) – n’a pas été simple. Robert Assante, le président du Nouveau centre dans les Bouches-du-Rhône s’estime lésé et menace de représailles. Les chasseurs de CPNT n’ont pas trouvé d’accord avec l’UMP dans trois régions françaises, dont Paca. Jacques Bompard, leader régional Villiériste a quitté le MPF et présente sa propre liste, la Ligue du Sud. Le Modem, très anti-UMP, veut aussi séduire les électeurs du centre droit que courtise aussi une Alliance centriste…

Jean-Claude Gaudin, toujours lui, à l’honneur de présenter Thierry Mariani. « Il est député depuis 20 ans, c’est un bon orateur, il s’est battu contre le FN .» Thierry Mariani n’a jamais, dit-il, pactisé avec le FN. Il a affronté, à plusieurs reprises, Jacques Bompard dans le Vaucluse. Mais il s’est toujours positionné « tout contre » l’électorat d’extrême-droite. Pratiquant, avec moins de succès que Sarkozy, la stratégie de « siphonnage » des thémes sécuritaires du FN.

Et Thierry Mariani fut. Moins mauvais qu’un Falco, moins bon qu’un Gaudin. En exclusivité, la bande annonce de sa campagne : Agressif. « La seule chose qui marche dans cette région, c’est la politique de communication. Cela se fait dans l’illégalité car Michel Vauzelle fait campagne à grands frais sur le dos des contribuables. Le seul train qui marche en Paca, c’est le train de vie de son président. » Rassembleur. « Notre force c’est l’union. Nous présenterons les mêmes listes au 1er et au 2ème tour. En face, quelle crédibilité peut avoir une majorité où certains veulent construire une autoroute et les autres ne surtout pas en faire pour préserver l’environnement ? » Magnanime. « Assez de sectarisme ! Nous donnerons à l’opposition la présidence d’une des grandes commissions. Celle des appels d’offres par exemple pour être au-dessus de tout soupçon et partager les responsabilités. » Sarkozyste. « Vauzelle dit qu’il résiste. En fait, il bloque. Nous ferons en sorte que les efforts de l’Etat donnent leur pleine mesure en Paca. »

Fin des hostilités. Peu galants, ces messieurs de l’UMP n’ont pas donné le micro à une seule femme ! Même Chantal Eymoud, tête de liste dans les Hautes-Alpes, a fait de la figuration. Thierry Mariani se rattrapera peut-être pour la Saint-Valentin, le 14 février à Draguignan, où il présentera son programme. Ou le 12 février à Toulon, lors d’un grand meeting avec François Fillon. La grand messe d’avant premier tour aura lieu le 10 mars à Marseille. Pour l’heure, ce 23 janvier, candidats et militants sabrent le champagne. Sans attendre. C’est plus prudent…

Par Michel Gairaud

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