Le contrôle des élus sous contrôle

juin 2010

Une réforme menace le pouvoir des Chambres régionales des comptes. Dans l’indifférence de nombreux élus. Qui vont pouvoir enfin être tranquilles ?

Médiatisée et massivement suivie, la grève du 17 novembre des magistrats des Chambres régionales des comptes (CRC) pour contester la réforme de leur juridiction a, à contrario, trouvé peu d’échos chez les politiques (1). L’actualité judiciaire est-elle trop riche ? Pas seulement. Contrairement à la réforme de la taxe professionnelle, par exemple, celle des CRC est pourtant plutôt une bonne nouvelle pour les élus.

Sous couvert de regroupement des 22 Chambres régionales en 6 ou 10 juridictions financières interrégionales, le projet de loi déposé fin octobre à l’Assemblée nationale programme la disparition du contrôle de la gestion des collectivités locales au profit d’une activité d’audit des politiques publiques nationales (RSA, etc.). « Les chambres régionales ont été créees en 1982 comme contrepoids à la décentralisation. Le contrôle, c’est le cœur de notre mission, l’éclairage donné aux citoyens de la régularité et du bon usage des deniers publics, pas un jugement sur les choix des élus », déplore Daniel Gruntz, président de la 3e section de la CRC Paca.

Autre « bonne » nouvelle : la réforme sera largement définie par ordonnance et sans débat parlementaire donc dans le secret des dieux. Las but not least, le texte réduit la marge de manœuvre des magistrats : choix des inspections dicté par Paris, dépénalisation du favoritisme, obligation de trouver un ordre écrit pour engager la responsabilité d’un élu, etc.. Analyse de Philippe Chesneau, vice-président Vert du Conseil régional et chaud partisan d’un encadrement strict de l’attribution des subventions : « C’est un retour en arrière. Au même titre que la suppression du juge d’instruction ou la réforme de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), celle des CRC vise à offrir plus de liberté aux gens qui font du business. En privilégiant si possible les copains, ce qui est le plus lamentable. » Daniel Gruntz prévient : « Les collectivités locales assurent 75 % des investissements publics, c’est colossal. S’il y a un relâchement du contrôle, il y a un risque de gaspillage et de tentations. »

Comme le révèlent régulièrement les rapports de la juridiction financière, dont le Ravi se fait à l’occasion l’écho, le « gaspillage » et les « tentations » sont déjà grands : clientélisme, arrangements avec la comptabilité publique, délégations de services au bénéfice du délégataire, etc., font partie des pratiques les moins avouables des élus. S’ils franchissent la ligne blanche, les magistrats peuvent d’ailleurs transmettre au parquet. Pour l’avoir fait, François Bernardini à Istres et Jacques Médecin à Nice sont accrochés au tableau de chasse de la CRC Paca.

C’était dans les années 90, décennie marquée par les scandales politico-financiers et les bonnes intentions. Les récentes et nombreuses mises en cause d’élus en Paca prouvent, s’il le fallait, l’utilité des CRC…

Jean-François Poupelin

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