Moi, SAS Stéphanie de Monaco Comme un ouragan dans un verre d’eau

juin 2010

Le 14 janvier, Son Altesse Sérénissime Stéphanie de Monaco, va présider l’ouverture du 34ème festival international du cirque de Monaco. En exclusivité mondiale, le Ravi s’est procuré son discours, retranscrit ici mots pour mots. On y découvre avec émotion que la princesse y prend ses distances avec la famille régnante…

« Cher Auguste, cher clown blanc, monsieur le maire de Nice, cher voisin, mesdames, messieurs,

C’est avec beaucoup d’émotion que je me tiens devant vous pour ouvrir l’édition 2010 d’une tradition familiale : le festival international du cirque de Monaco. Cette manifestation avait été créée par mon père, il y a 34 ans. En chef d’Etat avisé, il estimait que le spectacle ne devait pas revenir qu’à la famille princière, et qu’il est bon que Russes et Asiatiques puissent venir à Monaco pour autre chose que jouer au casino ou pratiquer l’évasion fiscale. A la mort de mon père, il y a cinq ans déjà, ne pouvant lui succéder à la tête du gouvernement, j’ai pris sa place ici. Et s’il est encore besoin de prouver mon attachement à la culture millénaire du cirque, je voudrais, à ce moment de la cérémonie, m’arrêter quelques instants pour retracer des moments forts de ma vie. [Un temps]

« Je parcours la Terre pour délivrer mon message »

Comme vous, mes amis, je suis née dans le sable et la poussière du strass. Ma mère, actrice et déjà princesse, m’a mise au monde en 1965. Comme la vôtre, ma vie est un théâtre. Gouvernante d’un pays de 2km2, ma famille attire les caméras et la lumière des projecteurs pour ne pas montrer la noirceur de la vie là-bas, dans les coulisses. Comme plusieurs d’entre vous, j’ai été frappée par le malheur : à mes 17 ans, ma mère se tue en voiture, en répétant un numéro d’acrobatie pour le festival ont insinué des plumes malveillantes. J’étais à ses côtés, et je jure qu’il n’en est rien ! Pour conjurer le sort, j’ai moi aussi enfilé justaucorps et maillots, comme mannequin de ma propre maison de maillots de bains, dont je dessinais de surcroît les modèles.

Comme vous, j’ai chanté, que ceux qui n’ont jamais fredonné « Comme un ouragan » me jettent la première pierre. Contrairement à vous, certes, j’ai connu le succès, mondial, jusqu’à susurrer des mots chauds à Michael Jackson sur sa chanson « In the Closet ». Mais comme vous, à nouveau, j’ai connu la chute. Aliassée « Mystery Girl » sur l’album, personne n’a jamais deviné que c’était moi, et le King of Pop a préféré Naomi Campbell pour son clip alors même qu’en 1991, comme aujourd’hui, avec mes jambes interminables, mes yeux bleus lagon et mon bronzage first quality, j’étais et reste une tuerie en maillot. Comme vous, j’ai pansé mes blessures, connu les joies de la vie de famille auprès de mon garde du corps, puis de l’un d’entre vous, un acrobate. Comme vous, j’ai finalement préféré la liberté, malgré ce que me chantait Serge Reggiani. [Un temps]

Et c’est ainsi, forte de ces joies et de ces tristesses qui font le cirque, que je me tiens devant vous pour vous dire l’amour et l’affection qu’au travers de moi, toute la famille régnante de Monaco vous témoigne. Car si les Grimaldi sont sérénissimes, « over-sereins » comme me disent mes enfants, ce n’est qu’à l’extérieur. A l’intérieur, ils bouillent du feu de la passion pour leurs semblables. Depuis six ans, je me bats au sein de ma fondation pour rappeler au monde que le Sida fait du mal et la discrimination des séropositifs aussi. Ambassadrice de l’Onu contre le Sida, je parcours la Terre pour délivrer mon message. J’enregistre des disques, organise des ventes de charité, mobilise la générosité de ceux qui ont tout pour ceux qui n’ont rien. Et il faut faire vite, car bientôt ceux qui ont tout ne seront plus très nombreux.

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« Je me jette dans la fosse aux lions »

Durement frappée par la crise, la Société des bains de mer, propriété de notre gouvernement, a vu son chiffre d’affaires baisser de 13 % en 2008, pour atteindre 400 millions d’Euros. Plus dur encore a été l’effondrement de son résultat net, passé de 93 millions à 40 millions d’Euros. Dans l’activité bancaire, également, les perspectives sont sombres : il y a cinq ans à peine, notre pays hébergeait généreusement plus de 70 milliards d’Euros d’actifs. Las, depuis, nos puissants voisins se sont mis en tête l’idée folle de réglementer la finance internationale, et notre pays a dû se mettre aux normes de l’OCDE. Il y a un mois, cette organisation nous a officiellement exclu de la liste grise des paradis fiscaux, jugeant que Monaco avait « mis en œuvre, de manière substantielle, les standards fiscaux internationaux » (1). Notre souverain a raison de dire que nous gardons malgré tout « une fiscalité douce » (2), mais je reste inquiète, craignant que cette poussée de rigorisme ne pousse nos invités les plus fortunés à aller explorer d’autres contrées.

Notre maison brûle et nous, nous regardons ailleurs. Vers Copenhague d’abord, où notre gouvernement a plaidé fortement pour « revoir, dans nos pays industrialisés, nos modes de production et d’utilisation de l’énergie ». [Un temps] En plus de nous divertir des enjeux financiers, cette idée peut nuire encore davantage à notre économie. Que vont devenir nos voyages en hélicoptère ? Que va devenir notre grand prix de Formule 1 ? Exigera-t-on des yachts qu’ils carburent au solaire pour pouvoir mouiller au pied du Rocher ? [Un temps]

Mesdames, messieurs, saltimbanques, chers amis, je vous le dis en vérité : se soucier de l’environnement de demain, c’est mettre en danger les richesses d’aujourd’hui, et donc la charité dont ont besoin les pauvres de tout de suite. A bientôt 45 ans, et deux enfants à charge, c’est une direction que je ne veux pas voir mon pays prendre. C’est pourquoi, j’annonce aujourd’hui devant vous la création d’une fondation pour la taxe Stéphanie sur les transactions financières (FTsTF).

Basée à Monaco, cette fondation œuvrera auprès de tous les pays à fiscalité douce pour garantir leur extraterritorialité, tout en prélevant sur chaque transaction une somme modique pour financer l’aide en direction de ceux qui souffrent. J’ai la conviction que, grâce à l’énormité des flux en jeu, cette taxe ne pèsera pas sur l’activité économique et que, de par cette même énormité, elle nous permettra de résoudre en cinq semaines les problèmes du VIH, de la malaria, de la sécheresse et de la partition de Jérusalem-Est. J’ai conscience qu’en agissant ainsi, je me jette dans la fosse aux lions et dans un numéro de trapèze sans filet, au cœur du grand chapiteau du cirque politique. Mais en tant que saltimbanque et professionnelle du spectacle depuis ma naissance, c’est le moins que je puisse faire pour mes enfants et pour mon pays.

Mesdames et messieurs, vive la liberté bancaire, vive la monarchie, vive Monaco. »

Seul le prononcé fait foi

(1) Communiqué OCDE,17 décembre 2009 (2) Aujourd’hui en France, 18 décembre 2009

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