La diffusion est un sport de combat

novembre 2009
Comment un mensuel atypique réussit-il l'exploit de trouver sa place chez les marchands de journaux en Paca ? Ben, c'est pas facile.

« Ce journal de merde ! » Contrairement à ce que son statut peut laisser penser, un kiosquier n’est pas toujours accueillant. Et même, de temps en temps, carrément hostile lorsque le Ravi frappe à sa porte. A l’image de ce quinquagénaire d’un quartier populaire de Six-Fours-les-Plages démarché en avril dernier.

Curieusement, les dépositaires de presse préfèrent souvent vendre un « féminin » ou du porno à 7,50 Euros plutôt qu’un mensuel pas pareil à 2,80 Euros… Paraît qu’il est donné (véridique !) et, évidemment, pas assez acheté. La ritournelle est quasiment la même depuis six ans. Et depuis son lancement, le Ravi doit se battre pour être vendu. Et acheté. En jeu : sa visibilité chez les dépositaires.

En caricaturant à peine, faire en sorte qu’il quitte le rayonnage extrême-droite pour retrouver celui de ses cousins satiriques nationaux ou qu’il ait une place aussi envieuse qu’un Marie Claire ou un Hot Vidéo. Pour ça, ses forces vives doivent trouver les mots, réexpliquer sa ligne éditoriale, son projet, etc.. Elles doivent aussi savoir écouter, prendre le temps de discuter : difficultés du secteur, concurrence d’Internet, etc. Histoire de créer de la confiance et de la connivence. Chacun ses moyens.

Ceux du Ravi sont faibles et, totalement disproportionnés avec ses ambitions. Contrairement à ses confrères, comme le montrent régulièrement leurs campagnes d’affichages ou de promotion. Et pas question de partager leurs jolis présentoirs ! Idem pour les espaces publicitaires dont disposent les régies sur les kiosques. Le dépositaire bienveillant risque une lourde sanction.

Pots de vins aux meilleurs vendeurs

Plus mesquin, la répression de l’affichage sauvage. Exemple à Marseille : les services de Jean-Claude Gaudin ont gentiment expédié deux prunes à la rédaction, cette rentrée. Total pour 80 affichettes A3 agrafés sur la Canebière : 958 euros ! Vive la liberté de la presse et la libre concurrence, saine et non faussée ! Dans la ville, les rares panneaux d’affichages « libres » sont tous squattés par des sociétés privées. Non sanctionnées, elles.

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Dernier obstacle, les Sociétés d’agences et de diffusion (Sad), les filiales locales des NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne) et des MLP (Messageries lyonnaises de presse). Ce sont des grossistes. Il y en a dix en Paca. Parce que moins gourmandes que leur maison mère, le Ravi a fait le choix de les fournir en direct. Soit 1000 bornes de Arles à Monaco et deux journées bien pleines de bagnole, et à fond la caisse dès la sortie de l’imprimerie. Chaque mois un salarié du mensuel pas pareil leur dépose ainsi un nombre d’exemplaires précis, qu’elles dispatchent ensuite chez leurs dépositaires. Le nombre de numéros par Sad et de points de vente est négocié, façon marchands de tapis. Leur objectif est d’avoir le moins d’invendus possibles, celui du Ravi d’être présent dans le maximum de kiosques (1). Les relations sont généralement bonnes, voir excellentes, mais là encore, le combat n’est pas vraiment égal…

Evidemment, le mensuel qui ne baisse pas les bras les maintient hauts dans cette bataille : affichage mensuel dans une centaine de kiosques de la région, campagne de promo lors de ses « Ravi crèche. » Et même un peu plus quand il en a les moyens. Pendant un temps, son équipe s’est fait un grand plaisir en distribuant des pots-de-vin à ses meilleurs vendeurs. Des vrais, à 13,5 % ! Un pinard tout-à-fait honnête acheté à un petit récoltant varois. Avec un certain succès. Tant qu’il y a eu des bouteilles…

Jean-François Poupelin

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