Un projet Berthe et méchant ?

avril 2009
Isolée au nord de la Seyne-sur-Mer et délaissée par les politiques, la cité Berthe bénéficie d’un programme de rénovation urbaine (Anru). Bien parti pour laisser les choses en l’état ?

« Berthe, c’est les Quartiers nord de la Seyne. » Guy-Laurent Sylvestre, chargé du développement départemental à l’Université du citoyen, estime que la cité « sensible » de l’ancienne ville ouvrière n’a vraiment rien à envier à sa voisine bucco-rhodanienne. Taux de chômage vertigineux (35 % chez les moins de 25 ans, 50 % de la population), discriminations, délinquance ou encore concentration de l’habitat social y sont également le quotidien de ses 15 000 habitants.

Mais contrairement à ses cousines marseillaises, Berthe jouxte le centre ville. Pourtant, elle en est coupée depuis longtemps. Située à l’entrée de la Seyne, à la sortie de l’A50, entre une quatre voies et une voie ferrée, la cité n’est désenclavée que par des lignes de bus et quelques initiatives associatives. « Tous les maires mettent en avant la nécessité de créer des passerelles, de réintégrer Berthe à la ville. Mais les expériences, comme le carnaval, ne sont jamais pérennes », déplore Catherine Martinez présidente du Petit prince, un restaurant d’insertion ouvert en 2001 qui attire une population extérieure (1). Edifiée à la fin des années 50 dans le sillage de la reconstruction d’après-guerre et de l’activité navale, Berthe a vécu jusqu’au déclin de celle-ci, à la fin des années 70, en bonne harmonie. « Au rythme des chantiers et de la solidarité ouvrière », raconte Catherine Martinez. Le départ des classes moyennes vers les quartiers sud de la ville, le chômage, la concentration de populations d’origine immigrée ou encore l’installation d’une communauté gitane ont progressivement paupérisé la cité. Les politiques s’en sont alors désintéressés. « Ils sont passés de la construction au coup de peinture. Berthe ne rapportait plus d’impôt, était sans intérêt électoralement et devenait un quartier à problèmes », explique Freddy Guglielmi, ancien directeur de l’école Malraux et vice-président de l’association Histoire et patrimoine seynois. Avant de rappeler : « Dès 1964, Le Méridional présentait la cité comme la future Chicago. Cette image l’a finalement emportée. »

« Le Méridional présentait la cité comme la future Chicago. »

Le programme de rénovation urbaine lancé en 2006 par Arthur Paecht, maire UMP sorti aux dernières municipales, n’est pas parti pour modifier les rapport de Berthe à la Seyne. « Il y a des choses intéressantes, structurantes, et des changement sur la forme qui vont égayer la cité », résume Karim Benaïssia, directeur de nouvel Horizon, association créée en 1995 par des jeunes de Berthe. Centrée sur l’animation et l’accompagnement scolaire et familial, elle a progressivement ouvert des antennes dans tous les quartiers et permet à leurs populations de se rencontrer. Mais cela reste insuffisant. « La plate-forme services (Caf, ANPE…) comme l’offre scolaire enferment les gens dans la cité. Il faudrait une vraie mairie annexe pour obliger tous les Seynois à venir à Berthe. Sans ça, elle ne sera jamais vraiment intégrée à la ville », peste Emile Adjedj, vice-président de la Confédération nationale des familles du Var.

Le récent changement de majorité n’a pas pour l’instant inversé la tendance (2). Marc Vuillemot, le nouveau maire, dispose d’un capital sympathie pour avoir été le coordinateur du programme ZEP sur le quartier. Pour l’heure, il a stoppé les destructions au profit de la rénovation. Mais Karim Benaïssia est catégorique : « La cité ne sera que le reflet de la politique municipale et de celle de ses partenaires. » Celui laissé par les six premiers programmes estampillés « politique de la ville », auxquels Berthe a eu droit depuis 1980, n’est pas très joli à voir.

Jean-François Poupelin

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