Groupe Hersant : Bonne compagnie

janvier 2009
Le rachat par Hersant des groupes La Provence et Nice Matin n’a pas chagriné les élus UMP de la région. Bien au contraire.

Echanges de bons procédés entre gens de bonne compagnie

« On s’interroge, mais on ne va pas faire de procès d’intention. » Prudent, Paul Massabo, journaliste sportif à Var Matin, a pourtant quelques raisons de s’inquiéter de la nomination le 31 janvier d’Eric Debry à la tête du groupe Nice Matin (1) en remplacement de Jean-Paul Louveau, un ancien du Monde. Le nouveau patron a en effet tout du touriste. Ancien directeur général de Pierre et Vacances et ancien PDG de Nouvelles Frontières, ses anciens employeurs l’ont remercié pour manque de résultats. Curieuse, cette nomination s’éclaire à la lumière d’un second tour de passe-passe : la promotion probable du sarkophile François-Xavier Pietri à la direction des rédactions. Arrivé en juin 2008, ce journaliste a eu son heure de gloire au même poste à La Tribune en récoltant trois motions de défiance de sa rédaction ! La dernière concernait le charcutage, en septembre 2006, d’un sondage plaçant Ségolène Royal en tête des présidentiables sur les questions économiques et sociales…

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Propriétaire des groupes La Provence et Nice Matin depuis 2007, le groupe Hersant Médias (GHM) est un habitué de ce genre de courtoisies à l’égard de l’UMP locale. Lors des dernières municipales, GHM a imposé à Nice Matin la publication d’un sondage favorable à Christian Estrosi, le jour de l’inauguration du tramway cher à Jacques Peyrat, le maire sortant (2). Cette relation incestueuse est d’ailleurs à l’origine du départ de Jean-Paul Louveau (3). « Il s’était braqué contre Estrosi et Falco, il en avait marre de les avoir tout le temps dans les pattes », assure Paul Massabo. « Beaucoup de journalistes ont constaté que le poids des pubs institutionnelles s’était renforcé depuis son arrivée », complète un ancien de Nice Matin.

« Sans Hersant, Jean-Claude Gaudin n’aurait pas été réélu »

Un échange de bons procédés : achat de pub contre tranquillité éditoriale ?« Prime au pouvoir en place », concède Didier Pillet, PDG du Groupe La Provence depuis janvier 2008, qui a pris longuement le temps de nous répondre. Ses propres recettes de pubs institutionnelles laissent pourtant songeur : 8 millions sur 88 millions d’euros de revenus (55 % de ventes, 45 % de pub) selon lui. L’ancien directeur de l’information de Ouest France (4) est de son côté tombé franchement dans les bras de Jean-Claude Gaudin en débarquant à Marseille en pleine campagne des municipales. A sa décharge, Guy Philip, un ancien chargé de communication du sénateur-maire UMP dirige la filiale de GHM pour le Sud (5). Ca peut motiver. Mais provoque encore cette remarque d’un journaliste de La Provence : « S’il n’y avait pas eu Hersant, Gaudin n’aurait pas été réélu ! » Didier Pillet s’en défend : « J’ai une déontologie et une éthique professionnelle. Je n’ai jamais fauté là-dessus. »

Pourtant, quelques faits plaident contre lui. Le remplacement des deux journalistes politiques qui suivaient la campagne ? « J’en ai mis quatre à la place ! » Les accusations de rouler pour l’UMP lancées par Jean-Noël Guérini, président PS du Conseil général des Bouches-du-Rhône ? « Une incompréhension mais pas de vrai problème. » Le « massacre » d’un Marseille l’Hebdo irrévérencieux avec Jean-Claude Gaudin, pour reprendre le mot d’un ses employés ? « Un nouveau projet qui permet aux anciens journalistes de se renouveler et de sortir de la routine. » Sans oublier sa mainmise sur la direction des rédactions, le départ de 45 journalistes cet été (6), suivis de la refonte du journal…

Conclusion de l’ancien journaliste de Nice Matin : « Hersant est proche de l’UMP pour deux raisons : parce qu’il est de droite et parce qu’en Paca le parti est en position de force pour la manne publicitaire. » Si on peut allier boulot et plaisir…

Jean-François Poupelin

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