France 3 Méditerranée : TV Cafard

janvier 2009
Sans la pub, France 3 Méditerranée gagne des minutes d'antenne. Mais pas de moyens supplémentaires. Entre routine et craintes, l'accablement domine dans une rédaction vieillissante...

Bienvenue dans une forteresse assiégée ! France 3 Méditerranée avec ses troupes, plus de 400 salariés, et son audience, occupe la pole position des médias régionaux. Un temps menaçantes, les télévisions locales privées sont en pleine déconfiture. M6 vient de fermer ses derniers bureaux régionaux, dont celui de Marseille. Avec la suppression de la pub après 20 heures, les locales gagnent des minutes d’antenne. Pourtant, rien ne va plus. « On se demande si les programmes régionaux ne vont pas finir par disparaître. Face à nos inquiétudes, notre direction se retranche derrière ses projets de « global médias » et de « web Tv ». Que vont devenir tous les personnels employés aujourd’hui ? », s’interroge Laure Bolmon, journaliste et déléguée syndicale SUD. Actuellement France 3 Méditerranée, c’est une maison mère basée à Marseille chapotant une rédaction « Côte d’Azur » (Alpes-Maritimes et une partie du Var) et « Provence Alpes » (le reste de la région Paca) avec trois bureaux locaux à Nice, Marseille et Toulon. Première conséquence en Paca de la fin de la pub en soirée : la suppression de la rediffusion du décrochage « local » à 19 h 55 pour réserver ce créneau aux annonceurs. Les journaux de proximité sont avancés à 18h40, horaire où il y a beaucoup moins de gens devant leurs écrans. « Logiquement, notre audience baisse. C’est comme si l’on voulait faire la démonstration qu’on n’est pas bon », déplore Laure Bolmon.

« Nous sommes une chaîne senior. »

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Mais le malaise remonte plus loin. « Les gens nous voient de moins en moins sur le terrain. On ne se déplace que quand il y a des faits divers, déplore Marc Civallero, journaliste et délégué CGT du personnel. Notre mission de service public c’est pourtant de faire découvrir la richesse sociale et culturelle d’un territoire. » Il y a 5 ans, France 3 a supprimé les « formats longs » de 13 et 6 minutes. Il faut donc faire de plus en plus court et vite. « Impossible de laisser une équipe de journalistes travailler un mois pour creuser un sujet, poursuit Marc Civallero. On ne fait quasiment plus d’investigation. Il y a toujours eu des lignes directes entre nos directions régionales et les institutions. Mais avec des sujets de 50 secondes à 1 minutes 15, on n’a même plus la possibilité d’emmerder qui que ce soit en menant des enquêtes ».

Présentateur de la « Voix est libre », l’émission politique régionale de France 3, membre du SNJ, syndicat minoritaire dans un bastion CGT, « un Etat dans l’Etat », Yves Gerbault, tout en déplorant aussi les réformes, a une autre explication de la sinistrose ambiante : le vieillissement d’une rédaction, bien payée, rendue en partie amorphe par de confortables conditions de travail et le poids des habitudes. Pour Provence-Alpes, aucun des 70 journalistes n’a moins de trente ans, nombreux sont ceux qui dépassent joyeusement la cinquantaine. Un journaliste avec un peu d’ancienneté gagne autour de 3000 euros net avec un 13ème mois, 9 semaines de congés, 22 jours de RTT… « Parfois le matin, lors de la conférence de rédaction, c’est l’encéphalogramme plat, reconnaît Yves Gerbault. On est mou. Après 21 ans dans la maison, je bande moins pour le dernier sujet d’actu venu ». Yves Gerbault bande moins au travail mais ne manque ni d’humour ni de franchise. Il a longtemps présenté le « midi pile », le rendez-vous régional d’info de la mi-journée. « Qui regarde la TV à midi ou avant 19 heures ? On a un public âgé, nous sommes une chaîne senior. On fait des programmes conventionnels. Avant de prendre l’antenne à midi, le défilé des pubs n’est pas très exaltant : appareil dentaire Steradent, maisons de retraite, convention obsèques… ».

A France 3, où les syndicats redoutent un plan social, tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés. L’an dernier, aucun stagiaire n’a été pris à France 3. Pour des raisons d’économies et pour faire d’abord travailler des personnels en CDD. Le sang neuf risque donc se faire attendre…

Michel Gairaud

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