Terres fertiles ou spéculatives ?

octobre 2008
L'appétit des promoteurs et des aménageurs a une conséquence : la disparition des terres agricoles en Paca. Le Collectif des terres fertiles se mobilise dans le Var pour sauver ce qui peut l'être encore...

« La première cible pour les aménageurs et les promoteurs, ce sont les terres agricoles : elles sont faciles d’accès, plates, sans rochers donc d’un moindre coût si l’on souhaite y construire. » Michel Apostolo est à la fois porte-parole de la Confédération paysanne dans le Var et du Collectif des terres fertiles. Ce dernier regroupe des agriculteurs, des associations comme Attac, les Verts, des chercheurs. Il s’est fixé une mission : « convaincre les élus, les décideurs publics et les habitants du Var, de la nécessité de protéger les terres agricoles ». Et il y a du travail !

Une étude a marqué les mémoires : elle annonçait, en 2004, la disparition de l’agriculture en 7 ans dans les Alpes-Maritimes, 15 ans dans les Bouches-du-Rhône et 20 ans dans le Var (Source : Draf-Paca). Tous les élus du territoire se disent aujourd’hui déterminés à agir. Mais les terres fertiles sont toujours menacées par l’appétit des bétonneurs. Tous les mois dans le journal agricole du pays varois, des sociétés immobilières publient des annonces indiquant qu’elles recherchent des domaines à acheter. « Elles les revendent ensuite à des investisseurs étrangers, explique Michel Apostolo. Ces terres restent agricoles, mais elles hébergent souvent de gros bâtiments. Ce genre de ventes participent à l’augmentation du prix du foncier. » Difficile pour les agriculteurs de résister à pareille pression…

Avec la saturation sur la côte, la « peri-urbanisation » progressive du moyen Var et du haut Var, le prix des terres agricoles se rapproche de plus en plus de celui des terrains constructibles. « Même la friche devient spéculative. Les gens ne louent plus aux paysans. Ils espèrent que leur terre va devenir constructible et réaliser ainsi une forte plus-value », poursuit le syndicaliste paysan. Dans ce contexte, l’installation des jeunes est extrêmement problématique. « J’ai essayé de trouver un terrain pour un maraîcher, raconte encore Michel Apostolo. A Sillans la Cascade, petit village près du lac de Sainte-Croix, un propriétaire demandait 1 000 euros par mois pour un bout de terre inconstructible. Le prix du loyer d’une maison ! »

Le Collectif des terres fertiles cible les élus, « les principaux responsables » de la situation car les seuls à pouvoir réguler les tendances du marché. Le Conseil général du Var a signé une charte de préservation des terres agricoles fédérant la Chambre d’agriculture, la Direction départementale de l’équipement, les communes… Passer de la théorie à la pratique est moins facile. A Rocbaron, le CG a donné un avis positif sur le nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) du village prévoyant un mécanisme de « compensation » : des terres agricoles sont rendues constructibles et d’autres terrains sont classés en zone agricole. « Le problème c’est que les 30 hectares de zones vertes protégées déclassées sont en fait des collines pentues impropres à l’agriculture, souligne Michel Apostolo. On voit mal comment trouver aujourd’hui dans le Var de nouvelles terres non cultivées ayant une bonne valeur agronomique. »

Des outils existent pour calmer les ardeurs des aménageurs. Les schémas de cohérence territoriale (Scot) et leur arsenal juridique peuvent encadrer les fameux PLU des communes, eux-mêmes très protecteurs si les maires le souhaitent. Nombreux continuent souvent d’urbaniser leur territoire sans attendre qu’un Scot soit établi et sans se soucier du sort des agriculteurs… Le Collectif des terres fertiles est ainsi intervenu à La Garde et à La Crau, près de Toulon, pour soutenir des exploitants menacés par une révision du PLU. Les bétonnières ont vite fait de tourner…

Michel Gairaud

Imprimer