Marignane, conseil municipal du 22 août 2008

août 2008

16rv55lop_disses.jpg17h55 Malgré les vacances, la petite salle du conseil est comble. Le menu de cette séance de rattrapage est alléchant. Soupçonnant un héritage de 4 millions d’euros de déficit, la nouvelle majorité (divers droite) menée par Eric Le Dissès, conseiller national UMP entré en dissidence, avait décidé, avant l’été, de présenter un premier budget en déséquilibre. Mais ce 22 août, les élus doivent revoter le budget primitif 2008 de la ville, à l’aune des recommandations de la Chambre régionale des comptes (CRC), saisie en juin par le préfet. Les conclusions de la CRC sont lapidaires à l’encontre de Daniel Simonpiéri, ex-maire, ex-FN, ex-MNR et divers droite, défait en mars malgré l’investiture de l’UMP accordée par son ami Jean-Claude Gaudin, sénateur maire de Marseille. La chambre décrit une capacité de financement nulle depuis 2001, pas de marge fiscale, des dépenses de personnel qui représentent 63 % des charges de gestion courante…

17h58 Sans surprise, l’appel confirme l’absence de l’ancien maire frontiste, également inquiété par la police judicaire, selon Rue89Marseille, pour des faits concernant sa gestion.

17h59 Regard noir, Eric Le Dissès coupe la parole à Richard Vendrame, chétif colistier de Daniel Simonpiéri à la calvitie plus que naissante, d’un énigmatique : « Vous n’êtes pas le seul patriote ! J’y ai aussi pensé. » Boutade du tac au tac du conseiller UMP-divers droites : « Les grands esprits se rencontrent… » Absolument pas réceptif, le maire tacle méchamment : « Je ne sais pas si vous en êtes un ! » Puis conclue en levant le voile : « Je vous demande une minute de silence en souvenir du drame d’il y a cinq jours [la morts de 10 soldats français en Afghanistan]. » L’assemblée s’exécute dans un même élan… très patriotique.

18h03 Grégory Panagoudis, élu de la majorité, attaque la lecture des décisions prises par le maire depuis le dernier conseil municipal. La première concerne « l’assignation en référé [en vue d’expulsion] du Front national pour occupation sans droit ni titre d’un local communal ». La nouvelle majorité semble décidée à en finir avec l’image de ville d’extrême droite qui colle à Marignane depuis 13 ans. Et à faire oublier la présence dans ses rangs de plusieurs anciens frontistes ?

18h10 Délibération n°3 sur l’adoption du règlement intérieur. « Dans l’ancienne mandature, il y avait cinq questions orales par groupe. Je ne sais pas si c’est parce qu’elles n’étaient pas utilisées, mais redescendre à deux me paraît restrictif », pique Vincent Gomez, chef de file, massif et bronzé, du Rassemblement des forces de gauche. C’est une allusion à la faible activité du nouveau maire lorsqu’il était sur les bancs de l’opposition municipale.

18h23 Vote du budget primitif 2008 : Eric Le Dissès attaque par la lecture d’un « audit social » et l’annonce de la solidarité des collectivités territoriales, notamment du Conseil général des Bouches-du-Rhône. « Il est encore en campagne ! », s’amuse un retraité dans le public.

18h39 Début des règlements de comptes. Patricia Colin, adjointe aux finances aligne les chiffres, dont un trou de 4,3 millions d’euros et un excédent fictif de 2,8 millions d’euros. Mais Marie-José Pérez, colistière de Daniel Simonpiéri, ne se démonte pas et pérore d’une voix affreusement nasillarde et lancinante : « Notre groupe est satisfait. L’excédent de 3 millions d’euros dont l’adjointe aux finances nous disait en mai qu’elle ne savait pas s’il existait ou non est bien là. Il n’y a donc pas les 4 millions de déficit que vous avez annoncés partout. » Et de conclure : « Nous nous abstiendrons. » Patricia Colin coupe sans ménagement Eric Le Dissès, brandit un document à la manière de l’inénarrable maître Collard et tacle : « Votre prétendu excédent provient notamment d’un emprunt de 2 millions d’euros souscrit le 21 décembre 2007 auprès de Dexia et vous l’avez utilisé pour combler votre déficit ! » Marie-José Pérez nie farouchement. Après plusieurs minutes d’un dialogue de sourds, l’adjointe aux finances explose : « Vous ne comprenez rien ! Expliquez-moi comment vous investissez 2 millions d’euros à 10 jours de la clôture de vos comptes ?! » Pour toute réponse, Marie-José Pérez ressasse sa litanie : « Je sais juste qu’il y a 2,8 millions d’euros d’excédent… »

18h47 La conseillère d’opposition continue de s’enliser dans ses explications. « Je crois que celui qui vous a rédigé votre papier ne vous a pas tout expliqué », s’amuse l’adjointe aux finances. Pas Vincent Gomez, qui sort de son silence et tonne : « Nous allons nous abstenir car nous ne pouvons avoir de débat politique sur un budget faussé. » Et de tempêter : « Les Marignanais trinquent et ce n’est pas sans raison que la liste Simonpiéri a fini troisième ! » Tête basse, Marie-José Pérez marronne.

19h00 Dépassé dans les débats, Eric Le Dissès tente de profiter d’un moment d’accalmie pour reprendre la main. Mais, une nouvelle fois, son adjointe aux finances lui vole la vedette. Scénariste et metteur en scène de comédies musicales par passion – sa dernière ?uvre est La vie de Martin Luther King -, le maire a par contre beaucoup de mal à diriger ses troupes…

19h15 Le vice-président de la CUM peut enfin déverser tout son fiel sur ses prédécesseurs ! Soutenue par un retraité planqué en fond de salle qui reprend ou devance ses interventions, Marie-José Pérez tente désormais de justifier les difficultés financières de sa majorité par l’entrée de la ville dans la CUM. Eric Le Dissès ironise : « Pourtant, vous aviez des amis à sa tête… » Toujours prompte, l’élue UMP-divers droite lui renvoie la balle : « Les mêmes que les vôtres… » Mais le maire, qui n’a pas pardonné à Jean-Claude Gaudin l’investiture de Daniel Simonpiéri, grince : « Il m’ont bien aidé ! » Puis revanchard : « Aujourd’hui, on demande son avis à Marignane ! »

19h22 Vincent Gomez boit du petit lait : « Je suis ravi ! Vous êtes en train de nous expliquer pourquoi Messieurs Gaudin et Muselier ont perdu la communauté urbaine ! » Et d’enfoncer le clou : « Monsieur Gaudin et ses amis n’ont jamais travaillé pour la CUM mais pour Marseille, alors que le projet de Monsieur Caselli [président socialiste de l’institution] est complètement à l’opposé ! Quand je vois maintenant Monsieur Simonpiéri qui embrasse Monsieur Gaudin presque sur la bouche… » Le mot de trop. Marie-José Pérez le coupe exaspérée : « Que fait Monsieur Guérini [président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône] de son côté ? Il prend l’argent des Marignanais mais ne leur donne rien ! » Fureur de Vincent Gomez : « Est-ce que Monsieur Guérini donne plus aujourd’hui parce que la ville n’a plus d’étiquette FN ? Oui ! » Commentaire assassin de Richard Vendrame : « Aujourd’hui, d’anciens FN siègent avec Monsieur Le Dissès… » Un ange passe.

19h33 Le calme revenu et son budget voté en équilibre, Eric Le Dissès parade. Il clôt le conseil en annonçant la date de la prochaine séance. Fièrement, il commente : « C’est pas souvent que ça arrive ! »

19h34 Les trois colistiers de Daniel Simonpiéri s’agglutinent autour de Vincent Gomez, pleins de reproches. Les dépassant d’une bonne tête, la tête de file du Rassemblement des forces de gauche de Marignane s’amuse en leur tapotant les épaules : « Fallait bien que je le dise ! Chacun est sur ses trucs ! »

Jean-François Poupelin

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