Gilbert Collard, avocat.

novembre 2007
Maître Gilbert Collard, avocat au barreau marseillais, se tire régulièrement la bourre avec Jacques Vergès, Arno Klarsfeld et Vincent Mc Doom au concours du mec en robe qui passe le plus à la télé. Il vient de marquer des points en se chargeant de la défense de l'association humanitaire l'Arche de Zoé.

L’avocat Sbonbon 19rv47trax_collard.jpg« Maître Collard sur son barreau perché, tenait dans son bec un fromage… » Vous connaissez la suite, mais si j’ai bien le plumage d’un corbeau, mon ramage, lui, présente une exceptionnelle richesse : je roucoule, je stridule, je jacasse, je glougloute, je tutube, je pupute, je glapis, je zinzinule, je turlute, je carcaille, j’ulule, je pleupleute… Il suffit de mettre une brochette de micros et de caméras devant moi, et c’est parti ! On m’a d’ailleurs surnommé « l’avocat Thodique », c’est pas terrible, n’est-ce pas ? Mais c’est mieux en tout cas que « l’avocat Tastrophe », ou encore « l’avocat Lamité »… A ce sujet, j’avoue sans vergogne perdre plus d’affaires que je n’en gagne. Ce qui s’avère sans aucune influence sur mon bizness, que voulez-vous, si je passe à la télé, c’est que je suis le meilleur, non ? Etre défendu par maître Gilbert Collard, c’est cela qui compte. Ensuite, gagner ou perdre, ce sont des détails, quoi. Bon, c’est à moi , là ? Attention, moteur, action, ça tourne ! Ah, laissez-moi défendre mon plus beau cas, me battre pour ma plus belle cause, enfourcher mon cheval de bataille : moi-même. Je plaide coupable. Coupable d’être génial, il va de soi, coupable d’être le bouc émissaire de vos honteuses passions journalistiques, coupable d’être incompris dans ma grandeur. Je suis donc né le 3 février 1948 à 11h20 à Marseille. Cette précision, je la fais figurer dans la biographie publiée sur mon site Internet. Vous en aurez déduit que c’est afin que les astrologues passionnés par mon cas puissent déterminer quel mystère céleste, quelle incroyable conjonction astrale a pu donner le jour à un tel être d’exception. Autre précision, « 3 jours après la mort de Gandhi ». Si, si. Qu’en déduire ? Eh bien, 3 jours c’est le délai raisonnable pour qu’une âme revienne. Regardez le service militaire, 3 jours pour être déclaré apte ou non, ou encore la Bible, les 3 jours au tombeau du Christ… Bref, je suis la réincarnation du Mahatma Gandhi ! Vous rigolez ? Mais regardez-y de plus près. Comme lui je suis avocat, comme lui je me passionne pour les grandes causes, comme lui je suis écrivain, comme lui je m’investis dans la politique (bon d’accord, la mairie de Vichy, ce n’est pas exactement la direction d’un pays de plusieurs centaines de millions d’habitants…), et tout comme il a marqué le vingtième siècle, je marquerais aussi celui-là et puis le suivant. Puisque je tenais à mes aises, je me suis réincarné dans une famille bourgeoise, qui m’a donné une éducation très comme il faut, papa notaire et maman héritière, un château dans le Gard, et tout le bataclan. Pour ce qui est de la scolarité, les pères Maristes à la Seyne-sur-Mer où j’ai obtenu le premier prix de catéchisme (mon côté Jésus), puis la fac de droit à Aix. Je m’inscris au barreau de Marseille en 1971, barreau que je ne quitterai plus. Ce qui bien sûr ne m’empêche pas de plaider urbi et orbi, tant mon génie éclabousse le monde. Vous dire qui j’ai défendu, la liste serait trop longue, l’humanité entière me doit quelque chose. Vous insistez ? Des noms : Patrice Alègre, Richard Virenque dans l’affaire Festina, Paul Aussaresses, les familles dans l’affaire de la profanation de Carpentras (rappelez-vous, j’avais brandi devant les caméras une enveloppe contenant soi-disant le nom des coupables, alors qu’elle était vide), Jean-Pierre Bernès dans l’affaire VA-OM, la « fille cachée » d’Yves Montand, Charles Pasqua dont je suis l’ami, et dernièrement l’association « L’Arche de Zoé ». Toutes ces affaires ultramédiatisées m’attirent un bon paquet de clients inconnus, des sans-grade, dont je ne parle évidemment pas sur mon site ni ailleurs, car « Il y a dans la vie des grands hommes, les vraies places et les strapontins » (1). Et les grands hommes, cela a son prix. Donc je tabasse au niveau des honoraires, ce qui me vaut d’être régulièrement emmerdé par des litiges avec mes clients passés qui trouvent que j’y vais un peu fort. Il y aurait même une personne au barreau de Marseille qui passerait le plus clair de son temps à gérer le contentieux de Maître Collard… De temps en temps, quand je suis allé vraiment trop loin, je reçois un coup de fil du bâtonnier, et alors je rembourse, grand prince. Il arrive aussi que ces péquenots se retrouvent aux assises avec pour défenseur un assistant de mon cabinet, bleubite qui n’a jamais plaidé de sa vie, alors qu’ils ont payé le prix fort pour avoir la diva. Mais elle a ses caprices… J’ai bien évidemment plusieurs facettes à mon talent (mon côté Léonard de Vinci). En fait, « J’aurais voulu être comédien mais c’était une profession que la bourgeoisie réprouvait ». (2) J’ai pu tout de même faire l’histrion avec Vergès sur TF1 pour une croûte qui refaisait le procès de Louis XVI (évidemment, Vergès défendait le monarque, et moi la nation). Bref, j’ai dû me contenter d’être avocat, écrivain (disons plutôt que je commets des bouquins comme tous les pipoles), mais aussi homme politique. Je suis conseiller municipal de Vichy, cette paisible bourgade qui sent bon le thermalisme et la collaboration. J’ambitionne d’en devenir l’édile suprême, après m’être ramassé une première fois. Je tiens un blog très modestement intitulé venividivichy.com (authentique), car il y a également un peu de César en moi. En fait, je ne fous pas grand-chose, ce sont les internautes qui nourrissent le truc avec de beaux et nobles sujets, comme un communiqué pour une conférence sur les richesses du musée philatélique de Vichy ou bien une protestation sur la suppression de la bourse aux armes, rédigée par un collectionneur d’armes militaires. Bref, je suis le « résistant de Vichy », ah, que je suis drôle, mon Dieu. Voilà, public bien aimé, il ne te reste donc qu’une seule chose à faire : m’acquitter !

Paul Tergaiste

(1) Interview à France Soir

(2) Entreprendre n° 208

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