Nice, conseil municipal du 12 octobre 2007

octobre 2007

08rv46lop_peyrat.jpg9h15 Une ambulance du Samu stationne devant l’entrée de la mairie. Serait-ce en prévision des affrontements annoncés entre Jacques Peyrat, sénateur-maire UMP de la ville depuis 1995, ex-FN, candidat à sa succession en mars, et certains de ses adjoints qui appellent à la candidature de Christian Estrosi (1), secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer, président du Conseil général des Alpes-Maritimes et patron de la fédération UMP du département ?

9h20 Bloqué trois quarts d’heure dans les embouteillages à 20 km de Nice à cause d’un accrochage, puis cinq minutes par la police municipale devant la salle du conseil municipal, le grand reporter du Ravi oscille entre soulagement et dépit à son entrée dans le saint des saints. La salle est comble, les journalistes sont venus en nombre (une quinzaine), mais les échanges entre les élus restent cordiaux. Le Samu peut repartir…

9h50 « Nous arrivons à l’aménagement de la Plaine du Var », annonce avec délectation Paul Cuturello (PS), leader de Nice Plurielle depuis la décision unilatérale de Patrick Mottard (PS) de présenter sa propre liste de gauche aux municipales. Et d’attaquer : « Au bout de 13 ans, vous ne maîtrisez rien. Je parle du foncier… » Voix posée, Jacques Peyrat attrape la balle au bond et contre, ironique : « ça illustre mon incompétence… » Puis, sérieux : « Si on enlève l’aspect fielleux de ce dossier, la vérité est que cette opération n’est pas simple ». Et de promettre : « Je vais vous dire quelque chose qui intéressera la presse, même si elle est venue pour d’autres raisons… » « Non, non ! », s’amuse l’opposition de gauche. Indifférent, le sénateur-maire explique « une opération d’intérêt national » presque terminée « intellectuellement », approuvée par « Christian Estrosi lorsqu’il était secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire et aujourd’hui en tant que président du département » bien qu’elle dépossède certains maires de la communauté d’agglomération Nice Côte d’Azur (Canca) « de leur droit d’accorder les permis de construire ». Le néophyte n’en saura pas plus.

10h02 Alors que Paul Cuturello explique que son groupe s’abstient, un noir constate, sous le regard vindicatif de son ancien voisin , qu’on lui a piqué sa place. Il part s’installer, debout, dans un coin du minuscule espace disponible pour le public et la presse au fond de la salle du conseil.

10h05 Premier gros dossier de la matinée : « la promesse de bail à construction à consentir à la société GENERIM pour l’exploitation d’un complexe hôtelier [de luxe] ». Paul Cuturello se rue immédiatement sur Jacques Peyrat : « Vous bradez le patrimoine ! Le bail de 75 ans que vous proposez pour ce terrain de 2 479 m2 situé sur la promenade des Anglais permettra au promoteur d’effectuer une opération de 40 millions d’Euros. Le tout pour un loyer total de 7 millions. A 3 euros par m2 et par mois, si j’avais les moyens, j’achèterais ! »

10h17 Jacques Peyrat laisse passer l’orage de gauche en offrant la parole à Gérard de Gubernatis (Pour Nice – Un avenir d’azur, FN). « Il manque encore à Nice des hôtels de luxe par rapport aux autres grandes villes touristiques. Je rappelle que Nice est devenue ce qu’elle est grâce à des gens fortunés », assure l’octogénaire et ancien partenaire du sénateur-maire. Gilbert Stellardo, ancien premier adjoint de Peyrat, aujourd’hui non inscrit, conclut l’intervention de l’opposition par une recommandation : « Le vote se fait pour un promoteur et non pour un exploitant, il faut demander un droit de regard en cas de revente ». Une aubaine que saisit immédiatement le président de la Canca : « Cadenassons ! Si ça n’est pas dans le projet de contrat, ça le sera ».

10h24 La promesse réveille les passions. « Dans trois ans, ils revendront en doublant la mise. Après le scandale de la banque nationale vendue par vos soins 130 millions d’Euros, puis revendue 300 millions par l’opérateur, c’est encore un cadeau ! », hurle Robert Injey (Nice Plurielle, PC) au milieu du brouhaha. Tacle méchant et définitif du sénateur-maire : « Tu le diras aux masses populaires, à ce qu’il en reste d’ailleurs ».

10h30 « Il y a du monde au balcon », s’amuse Yann Librati (Nice plurielle, PS) au moment du vote. Douze élus de la majorité – dont cinq adjoints, parmi lesquels Dominique Estrosi, femme du sous-ministre à l’Outre-Mer – et les deux non-inscrits suivent la gauche. La délibération est adoptée par 35 voix contre 29 sous les applaudissements de la majorité et d’une partie du public.

10h35 « C’est le moment des interviews », lance une journaliste. Patrick Mottard et plusieurs autres élus de Nice Plurielle sortent de la salle du conseil.

10h38 Dominique Estrosi, physique d’actrice de série américaine (entre Sue Ellen et Pamela de Dallas), profite des sorties de ses collègues et du public pour lancer des ?illades complices au caméraman municipal.

10h51 « Monsieur le maire, monsieur le maire, monsieur le maire, monsieur le maire… », tente Patrick Mottard alors que Jacques Peyrat est plongé dans les délibérations qui s’enchaînent. « Les habitants du quartier où j’ai ma permanence et mon habitation se plaignent du plan de circulation », explique l’ancien chef de file de la gauche. Quand on est candidat, chaque voix compte…

10h55 « Acquisition d’un logiciel de gestion des marchés publics », annonce la délibération 12.1. Après avoir alerté les employés de la Canca sur la conduite à tenir en cas de descente de police au printemps dernier (ne pas donner d’autres documents que ceux demandés…), Jacques Peyrat poursuit sa lutte contre les risques de corruption à Nice…

10h57 Second gros dossier de la séance : « Approbation de la délégation de service public pour le grand stade de Football ». Comme un seul homme, Patrick Mottard, Robert Injey et Bruno Della-Sudda (Nice Plurielle, Alternatifs) demandent la parole. « Laissez-moi au moins le plaisir de lire la délibération », s’amuse Jean-Claude Mari, adjoint aux Sports. Chose faite, le premier tacle : « Alors que le préfet et le tribunal administratif ont déjà dénoncé le déséquilibre du contrat par rapport aux obligations de service public, on en arrive à une nouvelle DSP avec des prix de places toujours non-conformes et des surfaces commerciales toujours insuffisantes. Soit les sociétés privées ne seront pas intéressées, soit le préfet et le tribunal annuleront de nouveau la délibération ».

11h07 A son tour, Bruno Della-Sudda accuse : « A cinq mois des élections, comme sur d’autres dossiers, vous donnez un coup d’accélérateur. Et pour que tout le monde le sache, vous donnez un coup de klaxon. Mais vous allez droit dans le mur ! » Robert Injey ponctue l’intervention de la gauche en rappelant quelques vérités : la corruption qui a entaché et mis fin à l’actuel stade et le coût pharaonique du projet (160 millions d’Euros, selon lui).

11h12 Gérard de Gubernatis vole une nouvelle fois au secours du sénateur-maire : « Nice a besoin d’un stade à sa mesure, pas à celle de l’OGC Nice. Nous devons achever ce projet le plus vite possible. Inutile de vous dire que nous voterons cette délibération ».

11h15 Jacques Peyrat annonce «une réponse collective ». Mais s’adresse immédiatement à Bruno Della-Sudda : « Vous n’êtes pas le seul à vous occuper des pauvres, il n’y a qu’à voir le nombre de places distribuées par la mairie et la Canca ». Puis de défendre son projet bec et ongles, avant de conclure, solennel : « Sans m’occuper des abandons perfides, des interventions extérieures et des élections municipales, mesdames, messieurs, je continue de faire mon boulot. C’est ma philosophie ! »

11h20 « Toute la gauche socialo-communiste et verte s’oppose, le grand stade est sauvé », pérore le sénateur-maire.

11h22 Gérard de Gubernatis tente de se lever, mais reste accroché à son bureau. Sa voisine et colistière lui tire sa chaise…

11h26 « Votre seul talent sur le tramway est d’avoir fait de ce projet magique, un calvaire pour les Niçois », tonne Paul Cuturello. Applaudissements de Jacques Peyrat : « Au cirque, je salue toujours les trapézistes qui font des contorsions ». La contestation du tracé Nord-Sud et l’évocation de la corruption qui a entaché le marché de l’infrastructure, rappelées par Simone Monticelli (Nice Plurielle, PC), n’entament pas plus la sérénité affichée par le sénateur-maire depuis le début du conseil. Ignorant une nouvelles fois les références aux condamnations qui ont émaillé son mandat, il persifle : « Je comprends que la réussite unanimement saluée par la population pose problème à ceux qui l’ont contestée ». Unanimité.

11h50 Bruno Della-Sudda interpelle l’édile sur l’expulsion d’une école privée fermée il y a un an, de 60 des 97 Don Quichotte non relogés depuis l’hiver dernier et d’une famille tchétchène sans papiers menacée de reconduite dans son pays. « Je n’aime pas plus le vol que le viol de propriété et c’est un lieu dangereux », gronde Jacques Peyrat. « C’est maintenant que vous vous inquiétez de sécurité », ironise l’alternatif.

11h55 « On vote les dernières délibérations et on va manger », annonce le sénateur-maire, contrevenant à son habituelle pause – déjeuner en milieu de conseil municipal.

12h15 Dans l’attente du résultat du vote de « la modification du versement de l’écrêtement de l’indemnité du maire », le conseil se détend. « Il y a cinq punis et sept promus », s’amuse Paul Cuturello. « Tout coule. Il en est ainsi chez moi, il en est ainsi chez vous », l’assure Jacques Peyrat.

12h26 N’y tenant plus, le sénateur-maire pique une dernière colère : « Que de temps pour compter 60 bulletins, bon dieu ! »

12h32 L’annonce du résultat tombe, mais est couverte par le départ des élus, de ce qui reste du public et des derniers journalistes.

Jean-François Poupelin

1. Christian Estrosi est officiellement candidat depuis le 21 octobre, soit neuf jours après le conseil municipal.

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