Premiers états généraux du logement social

juin 2004
L'offre de logements sociaux est en chute libre alors que la demande ne faiblit pas. Un collectif d'associations a organisé des états généraux dans les Bouches-du-Rhône.

« Les logements sociaux font peur », déplore Véronique Marciquet, déléguée régionale de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). Elle observe dans les Bouches-du-Rhône une diminution de l’offre, passée de 2220 habitations en 2001 à 941 en 2003. « Une des raisons réside dans le surcroît foncier, mais cette baisse s’explique avant tout par le manque de volonté des élus, poursuit la déléguée. Les logements sociaux et leurs habitants véhiculent malheureusement trop souvent une image négative ». La chute du nombre de logements privés subventionnés par l’agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah), moins 42% de 2001 à 2003, pose également problème. Les particuliers louent moins. « Ils espèrent tirer profit d’une spéculation immobilière qui amplifie le phénomène », souligne Alain Arezki, président de l’action méditerranéenne pour l’insertion sociale par le logement (Ampil).

Constat unanime

Du côté de l’association pour le logement et l’insertion des plus démunis (Alid), les motifs d’inquiétude ne manquent pas. « Le prix du logement social est tellement dérisoire par rapport aux logements privés que les habitants restent captifs d’une offre créée au départ pour une période d’adaptation », regrette Rose-Marie Sergent, vice-présidente de l’Alid. Afin de proposer des réponses à ces problèmes, de nombreuses associations intervenant sur le front du logement social ont organisé dans les Bouches-du-Rhône les premiers états généraux du logement. Dès le mois de mai, associations et habitants du département ont rempli des cahiers de doléances. Des rencontres décentralisées ont eu lieu à Aix, Arles, Aubagne, La Ciotat, Salon, Vitrolles, avant la réunion d’un grand colloque, le 4 juin, à Marseille. « Malgré la diversité de nos associations, tout le monde est d’accord sur le constat », affirme Alain Arezki. Outre la production de logements pour tous, les états généraux se sont ainsi donné deux autres priorités : les enjeux de la décentralisation, et la lutte contre l’exclusion et l’habitat indigne.

Le contenu de la décentralisation, qui devrait être effective en janvier 2005, reste imprécis et suscite de nombreuses interrogations. « Le gel des budgets et le manque de crédits poussent un grand nombre d’associations à déposer leur bilan », explique Véronique Marciquet de la Fnars. L’analyse est la même du côté de l’Alid. L’association intervient à la fois dans le domaine de l’urgence, sur les situations temporaires, ainsi que sur des actions à long terme d’éradication de l’habitat indigne. « Nous agissons donc sur le spectre complet du logement, précise Rose-Marie Sergent. La baisse des crédits met en péril l’ensemble de nos activités. Le coupable n’est pas la décentralisation mais ce qu’en font les politiques ».

Arrêt des expulsions

Rose-Marie Sergent dénonce aussi un autre mécanisme, une véritable « spirale infernale » : on ne trouve pas d’emploi sans logement, pas de logement sans emploi et sans travail, il est difficile de payer un loyer. Pour combattre ce phénomène, Jean-Louis Borloo, ministre de la cohésion sociale, a annoncé le 13 mai le gel des expulsions pour les loyers impayés des locataires HLM de bonne foi. À l’Union régionale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss) Paca et Corse, Véronique Dor reste malgré tout vigilante. « Il s’agit d’un effet d’annonce, développe-t-elle. C’est un premier pas vers la suspension d’expulsion, mais cela ne concerne que 20 % des locataires. »

La majorité des associations souhaite avant tout un arrêt des expulsions sans relogement. La pression du marché pousse les personnes en difficulté à ne plus croire en l’action sociale et met les travailleurs sociaux dans une situation délicate. A contrario, d’autres demandeurs tendent à accepter un habitat indécent. L’Insee recense dans les Bouches-du-Rhône 70000 logements « inconfortables » et 4500 « sans aucun confort ». Une solution serait l’aménagement de nouveaux logements sociaux. « Il faut construire, mais l’apport financier de l’Etat, pourtant indispensable, est négligeable » regrette François Le Jeune, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre. La situation est donc préoccupante dans les Bouches-du-Rhône. « Pourtant, notre département n’est pas le plus mal loti, nuance Rose-Marie Sergent. Le problème du logement se pose à l’échelle nationale ! ». Les initiateurs des états généraux attendent maintenant des réponses de la part des pouvoirs publics. « C’est un appel aux collectivités, pas une attaque », précise Alain Arezki. En juillet, d’autres assises, nationales et organisées par le gouvernement cette fois, devraient avoir lieu sur le thème du logement social. « Toutes ces réunions ne doivent pas rester au stade de simples discussions, espère François Le Jeune. Notre leitmotiv tient en quelques mots : il faut des solutions ! ».

Véronique Boillot

Les états généraux ont été initiés par les associations suivantes : Alid, Ampil, Aslim, Dal, Fapil, Fnars, Fondation Abbé Pierre, Mouvement Pact-Arim, Uriopss.

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