Saint-Maximin la Sainte-Baume, conseil municipal du 27 mars 2007

avril 2007
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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18h08 Le silence s’installe progressivement dans la petite salle des mariages de la mairie, installée dans l’ancienne hôtellerie du Couvent Royal (13e siècle), une des fiertés médiévales de la ville. Gabriel Rinaudo, maire « majorité départementale » (UMP), en profite pour ouvrir la séance. Avec courtoisie. Le départ des élus de l’opposition lors du dernier conseil municipal – pour protester contre le non-respect de leurs droits (information succincte sur le budget primitif 2007, pas de réunion des commissions, absence de local) – semble être un lointain souvenir. A tel point qu’Horace Lanfranchi, son prédécesseur aujourd’hui premier adjoint et président du Conseil général du Var, attaque bille en tête, la lecture du budget primitif 2007. D’une voix morne, il égrène les chiffres des dépenses et des recettes programmées, puis propose un rapide comparatif (impôts, dépenses en équipement…) entre Saint-Maximin et la moyenne des villes françaises de même taille. Satisfait, il conclut : « Voilà résumé de la manière la plus complète le budget de la commune ». Et de préciser : « Qui s’équilibrera ».

18h22 Jean-Charles Pipino, conseiller socialiste, monte au front pour l’opposition. D’abord avec prudence, puis rapidement avec plus de pugnacité : « Derrière les chiffres, nous ne voyons pas d’engagements. La charge d’emprunt pèse toujours très lourd et la marge d’investissement est faible, ce qui laisse présager la vente de « fonds de commerces » de la commune ». Lancé, il se permet une dernière pique : « Je fais ces commentaires sur la base d’un document qui n’est qu’un résumé, qui n’a pas été étudié en commission et qui m’a été remis, il y a quelques jours seulement ». D’abord pédagogue, Horace Lanfranchi finit par sortir de ses gonds : « L’endettement local est minime, mais tous les investissements programmés seront effectués grâce à des partenariats avec le Conseil général. Aucune autre des 152 communes du département ne me reproche cette aide ! »

18h27 Lucien Ginot, maire PS de 1989 à 1995, qui semble dans un état d’ébriété avancé, profite d’une accalmie pour taquiner le premier adjoint d’une voix pâteuse : « Monsieur, vous n’êtes pas éternel ! ». Au milieu des rires, Horace Lanfranchi sourit. Pas longtemps. « Qu’est-ce que c’est que ces procédés ? Aux prochaines élections, je serai encore là ! Si vous en êtes réduit à souhaiter ma mort pour prendre ma place… », tempête l’élu, sans ménagement pour Gabriel Rinaudo. Le premier magistrat semble avoir intégré que son temps est compté et ne réagit pas. Contrairement à Jean-Marc Pipino, qui indique au « président » qu’il s’agit « d’éternité politique et qu’elle n’existe pas ». Le premier adjoint balaie la précision et relève l’affront d’un geste très médiéval : « Avec le maire, nous faisons des balades de 14 km en moyenne. Si vous voulez vous mesurer… » Sa proposition n’attend pas de réponse. Immédiatement le président du département tranche : « Je suis toujours là et en vie, je vous propose de passer au vote de ce budget sincère ». Les quatre représentants socialistes de l’opposition le rejettent.

18h37 Les sujets « présidentiels » sont épuisés : Gabriel Rinaudo, enlève sa main de devant sa bouche et sa moustache, relève les yeux des délibérations et intervient pour quelques précisions au sujet du budget primitif d’assainissement. Horace Lanfranchi s’enfonce de son côté dans son siège. Tout en gardant une oreille attentive.

18h58 Passe d’armes à l’occasion de la délibération sur le « partenariat financier avec le Conseil général du Var ». « Avec vos projets pour la Maison des jeunes et des associations, vous nous annoncez la fin des services administratifs de la commune », attaque d’une voix fatiguée mais sûre d’elle, Monique Charon-Anfre, conseillère PS. Contre instantané de Gabriel Rinaudo : « Nous avons des réserves foncières pour délocaliser les services techniques. Mais nous récupérons leurs terrains, et on y fera ce qu’on voudra ! » Jean-Marc Pipino, mesquin : « Si la commission technique se réunit, il faut nous informer ». Le maire : « Les informations, on vous les fournit ». Lucien Ginot : « On vous les soutire ! » En véritable maître des lieux, Horace Lanfranchi décide que les amabilités ont assez duré et s’octroie le dernier mot avec humour : « Maintenant on vote, je peux mourir ».

19h05 « Je vais intervenir un peu », annonce Lucien Ginot à sa colistière. Quelques instant plus tard, il fait subtilement remarquer à Gabriel Rinaudo, qui se réjouit de voir sa « ville changer » : « Elle est minable ! »

19h09 « Colonies de vacances, jolies colonies », entonne le maire, avant de s’interrompre brusquement et de laisser la lecture de la délibération relative à « la participation financière de la commune aux frais de séjour des colonies de vacances de l’Office départemental d’éducation et de loisir du Var (Odel Var) » à l’une de ses conseillères. Monique Charon-Anfre la laisse à peine finir. Voix faible et lasse, mais toujours opposée à utiliser son micro, au grand dam des conseillers de la majorité, elle tacle : « Pourquoi ne proposez-vous pas d’autres organismes porteurs d’autres projets pédagogiques ? ». « L’Odel est départemental, c’est normal de favoriser les enfants qui partent sur le département », tente Gabriel Rinaudo. Peu convaincant, il est immédiatement suppléé par Horace Lanfranchi. « Qui vous dit qu’ils seraient meilleurs que l’Office départemental ? », s’énerve le président du Département. « Nous avons l’impression que vous vous limitez à un organisme et que vous aidez plus l’Odel que les enfants. Qu’il n’y a pas de liberté de choix pour les parents », explique Jean-Marc Pipino, soutenu par un couple de quadra installé sur une des deux rangées de chaises réservées au public. Mais une nouvelle fois, le premier adjoint tranche : « Il faudrait que les autres associations offrent les mêmes conditions que celle que nous soutenons, c’est-à-dire une participation à hauteur de 50 % du coût de la journée ».

19h15 L’opposition abdique. Sans avoir jamais expliqué que l’Odel est présidé par Josette Pons, vice-présidente de la collectivité et député UMP du Var.

19h26 Louis Bourgoin achève sa présentation du Contrat urbain de cohésion sociale, négocié par la ville avec l’Etat et la Région, presque sous les applaudissements de ses colistiers. Pratiquement aucun ne l’a pourtant écouté. Est-ce parce que « le Conseil général en est absent », comme le note immédiatement Monique Charon-Anfre ? Horace Lanfranchi goûte peu la pique et contre immédiatement : « Je tiens à votre disposition les sommes allouées par le Département à la commune et celles apportées par le Conseil régional. On achète une demi-page dans le journal et on fait une double publication ». Impassible et le micro enfin allumé, la conseillère socialiste ne se laisse pas impressionner et poursuit son intervention. Mais le climat est devenu hostile. La majorité n’est plus disposée à prolonger les débats et les discussions entamées pendant la lecture de la délibération se poursuivent. Même Gabriel Rinaudo se fait cinglant. « Je vois que ça démange monsieur Pipino de parler de son expérience en la matière », s’amuse le maire.

19h39 Sans attendre la fin d’une ultime intervention de Jean-Marc Pipino sur l’utilité des services publics, Horace Lanfranchi se lève. La séance est close.

Jean-François Poupelin

Un lecteur nous fait parvenir une réaction suite à l’article paru dans le Ravi n°40, daté avril 2007, concernant le « test » du Conseil municipal de Saint Maximin (83)

Je suis un ancien conseiller municipal de la ville de Saint Maximin. J’étais membre de la majorité municipale de 1989 à 1993 dans l’équipe de Lucien Ginot alors qu’il était maire. Lucien Ginot est un homme particulièrement brillant, administrateur civil, qui a enclenché la transformation de notre ville, alors même qu’il n’est resté aux commandes que peu de temps puisqu’il a été victime d’un grave accident circulatoire en 1990. Immédiatement hospitalisé, il a été sauvé, mais, durement touché, il a dû entreprendre une longue rééducation, qu’il n’a de cesse de poursuivre pour continuer de progresser. Par sa force de volonté exceptionnelle et son courage, il a énormément récupéré sur le plan moteur et il fait continuellement des progrès. Surtout, il a retrouvé une capacité à s’exprimer avec clarté et précision. Et même si l’élocution peut par moment ne pas être encore parfaite, il a retrouvé les moyens de traduire sa pensée par un discours clair et précis et des interventions pertinentes et bien ajustées. Il met ainsi en évidence que sa capacité de réflexion et d’analyse n’a rien perdu de sa vivacité et que l’étendue de ses connaissances et ses remarquables compétences intellectuelles sont intactes. Sa force de caractère, sa persévérance et son attachement à la chose publique ne peuvent susciter qu’admiration et je crois que c’est ce que les Saint Maximinois qui l’ont toujours connus, ressentent envers lui. C’est pourquoi vous me voyez très choqué, et je me fais le porte-parole de plusieurs personnes de mon entourage, de votre appréciation d’état d’ébriété que vous avez cru déceler chez Monsieur Ginot et que vous évoquez dans vos lignes (18 H 27, bas de la colonne de gauche). Je vous laisse imaginer par ailleurs, à quel point Monsieur Ginot a pu être affecté en lisant votre article, lui qui de plus, ne boit JAMAIS un goutte d’alcool. Je comprends que vous ayez pu vous tromper, ne connaissant pas l’histoire que je viens de vous relater, mais je pense important que vous publiiez une correction dans votre publication de manière à rétablir la vérité et surtout par considération envers Monsieur Ginot qui me semble la mériter amplement.

Marc Basacco, St Maximin la Ste Baume

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