Marignane, conseil municipal du 9 mai 2006

juin 2006
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

18h05 Badin le temps que le public et les conseillers municipaux s’installent dans la très confortable salle rénovée du conseil – vierge de toute Marianne et de portrait présidentiel, une première dans la longue expérience des conseils municipaux du grand reporter du Ravi -, Daniel Simonpieri, le maire divers droite de la cité aéroportuaire, ouvre la séance d’un ton particulièrement solennel et sous l’objectif d’une caméra municipale. Cheveux blancs, coupe militaire réglementaire et petites lunettes rectangulaires vissées sur le nez, il annonce : « Je souhaite intervenir sur un problème d’actualité ». Et d’expliquer : « L’Union des maires a appelé à soutenir la marche silencieuse qui se déroule ce soir à Eyguières et je souhaite que nous nous y associons en souvenir de la petite Marion (sic)… » Murmures incrédules dans le public. « La petite Madison », reprend l’élu sans s’excuser de sa bévue, qui associe également à ce moment « Mathias, assassiné et violé il y a quatre jours ». Avant de donner le départ d’une minute de silence apparemment nécessaire, son regard se durcit et l’ex-frontiste, puis mégrétiste, lance : « Je pense que quand on assassine de cette façon des enfants de cet âge, on mérite d’être condamné à mort et que la peine soit exécutée ! » 31lop_fortin.jpg

18h06 Au garde-à-vous, le public et les conseillers se lèvent d’un bloc pour une quarantaine de secondes.

18h20 Un Marignanais d’origine maghrébine s’installe tranquillement dans les rangs du public, sous le regard noir d’un de ses voisins.

18h32 L’élection des membres de la toute nouvelle commission de délégation de services publics, débutée depuis une vingtaine de minutes, se déroule dans une ambiance de fin d’année scolaire. En attendant leur passage dans l’isoloir, les conseillers circulent dans la salle, discutent, s’apostrophent et s’amusent. A l’image du conseiller d’opposition, Guy Martin (Union des démocrates marignanais) qui tend, en passant devant eux, son bulletin de vote à des journalistes complètement indifférents. Daniel Simompieri, de son côté, affiche désormais un air jovial plus en harmonie avec sa tenue chatoyante, un ensemble que ne dédaignerait probablement pas le « beauf » de Cabu : chemise et pantalon bleu nuit, veste et cravate bleu ciel.

18h43 Alors que le calcul de la répartition des postes débute et que le maire s’apprête à passer à la deuxième délibération, René Ainardi, ancien conseiller de la majorité en dissidence, se lève, demande la parole et attaque : « Le peuple de France en a ras-le-bol des insultes de M. Bouteflika ! (…) Nous n’avons aucune leçon à recevoir d’un ancien du FLN ! M. Bouteflika, je vous propose donc d’aller vous faire soigner ailleurs, peut-être chez vos amis russes à qui vous avez acheté pour 49 milliards de dollars d’armes. » De plus en plus haineux, le septuagénaire poursuit : « Et que dire de la lâcheté de notre gouvernement à ce sujet, si ce n’est qu’il n’a pas voulu se fâcher avec un ami musulman ! (…) Il ferait mieux de faire preuve d’autorité en renvoyant les délinquants dans leurs pays d’origine ! (…) » Puis de conclure : « Je voudrais revenir sur la récente remise d’un certificat de nationalité à un légionnaire par Michelle Alliot-Marie. Une invitation (à être Français) par le sang versé et non pour le nombre de sacs arrachés ! »

18h46 Applaudi par la moitié du public et des conseillers de la majorité, René Ainardi, reçoit également l’adoubement de son ancien chef. « Je vous félicite pour votre courage », lance le maire à son ex-conseiller.

18h55 Un peu à reculons, Maurice Petit décide de déclencher l’offensive du groupe d’opposition Rassemblement pour Marignane (RM). Réagissant à la promesse de Daniel Simonpieri que le nouveau dispositif signalétique public et commercial communal en délibération ne coûtera rien à la ville (selon lui, ce sont les commerçants qui le payeront), le conseiller de RM prend la parole et bredouille : « Les panneaux sont prévus pour être traités contre les tags ? » Encouragé par tant d’audace, un de ses colistiers renchérit : « Le nettoyage est à la charge de la société choisie ? » Bien qu’immédiatement rassuré par les réponses positives du maire, un troisième larron décide de poursuivre l’offensive. « C’est un photomontage ? », interroge ainsi Bernard Bentz, les yeux rivés sur l’écran vidéo qui descend du plafond et sur lequel défilent des exemples de panneaux. Un peu surpris par tant d’impertinence, Daniel Simonpieri admet : « Ce sont des maquettes ». Déçu, Rassemblement pour Marignane s’abstient.

19h03 En verve, Bernard Bentz s’encanaille sur un nouveau sujet brûlant. « Est-ce que les employés municipaux auront pour consigne de privilégier le recto-verso », questionne-t-il alors que le conseil s’apprêter à voter au maire le pouvoir de lancer un appel d’offre afin de renouveler le parc de photocopieurs de la commune. Le conseiller y voit en effet l’occasion « de faire des économies de papier ». Surpris, Daniel Simompieri demande avis à ses techniciens. Après une minute de conclave, auquel la salle est suspendue, l’édile déplore l’impossibilité d’amener tout le personnel à utiliser une fonction que chacun découvre hautement écologique. Se tournant vers le rédacteur et le photographe de La Provence, à qui il a déjà donné l’information, il annonce que la ville dispose cependant d’un autre moyen, apparemment révolutionnaire, pour sauver les forêts : « Nous ferons des économies sur les bulletins de vote, car Marignane sera ville pilote pour l’utilisation de machine à voter lors des prochaines échéances électorales ! », lance-t-il avec fierté. Probablement chagrinée par si peu d’ambition, l’opposition vote contre la délibération.

19h08 Une clameur s’élève dans la salle du conseil. La vue extérieure de l’église Saint-Nicolas que vient de faire projeter Gilbert Roma, premier adjoint, pour illustrer la délibération n°7, relative à la rénovation d’une partie du plus vieil édifice de la ville, est celle d’une autre église. Un « c’est la mosquée ! », fuse dans le public, suivi de rires plus ou moins étouffés. Sourd à cette subtile plaisanterie, Daniel Simonpieri sermonne : « Si Monsieur le curé était là, il vous dirait que l’important c’est d’y aller ! »

19h17 Poursuivant sa politique de renégociation de prêts, dénoncée par la Chambre régionale des comptes dans son rapport de mars 2006, l’édile annonce un nouveau rééchelonnement d’une partie de la dette de la commune et précise : « Sur 18 ans, nous économiserions 400 000 Euros. Je soumets au conseil municipal cette opportunité ». Apparemment moins intéressée par les problèmes de finances que par la préservation des forêts, l’opposition ne réagit pas, et s’abstient.

19h25 Alors qu’un conseiller municipal d’opposition s’enlise dans une intervention rendue inaudible par le départ du public et des conseillers, le maire, avant de lever la séance, tranche, hautain : « Nous vous remercions d’avoir eu le plaisir de vous entendre une fois de plus ». Dans le public, un sexagénaire à son voisin : « Hé oui ! C’est tous des rigolos ! »

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